Rss

Archives for : muses

Le Poète d’en bas

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui qui parle des garrigues,

de la vigne dans tous ses émois,

des perdrix grises et du bec-figue ;

du drapeau rouge de l’ouvrier,

de Jaurès et de Marcelin,

du bleu de la méditerranée,

des tuiles ocre du patelin !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

jamais je n’évoque le crime

et rarement les scélérats

qui nous gouvernent à la cime ;

je parle bien peu des bourgeois,

et les aristos ne s’invitent

dans mes rimes où les Albigeois

avec les bûchers cohabitent !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui qui peint la vendangeuse

non pas avec des bas de soie

et la quincaillerie des précieuses,

mais sans fard et sans maquillage,

des bottes vertes au genou,

pigmentant notre paysage

de ce que la vie a de plus doux !

 

C’est moi, le poète d’en bas,

celui du cassoulet qui cloque

entre un grand cru du Minervois

et deux vers d’une verte époque…

celui qui a connu Alaric,

les chevaliers de Carcassonne,

Hugo, Delteil et Copernic,

et bu le muscat aux bonbonnes !

 

C’est moi, le poète d’en bas,

je ne versifie pas la guerre,

la peste ni le choléra,

ni toutes folies passagères,

mais j’aime faire chanter l’amour

l’après-midi, à tire d’aile,

et jeter des fleurs alentour

des couches de femmes infidèles !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui que les médias s’arrache…

raient s’ils voulaient faire un pas,

voir ce qu’il y a sous ma moustache,

voir ce qu’il est de notre temps

sous une plume réaliste

où la métaphore, en coulant,

se veut moins acerbe qu’altruiste !

 

Alors je viens à vous Madame,

ouvrez-moi la porte des cieux,

parlez donc de moi à Paname,

et précisez à ces Messieurs

que si c’est la croix occitane

qui embue encore leurs yeux…

un bouquet de thym en tisane

est apaisant et délicieux ;

 

L’homme nu

I

  

La pleine lune avait, déjà plus de cent fois,

du jeu perpétuel dont l’astre blond jouit,

à savoir se vêtir d’un apparat de soie

où de brumes rosées broder son fol esprit,

 

tiré l’épingle au gré des voluptés cosmiques

de la nuit qui s’égrène le long des sons glaireux,

archanges de mots doux, ronflements syllabiques,

pure fantasmagorie de tous gens orgueilleux !

 

Tel ce Dieu accoudé au balcon de l’Olympe

j’humais dans l’air du soir quelque éclat de bonté ;

philosophant au fil des valeurs les plus simples,

mon âme se gorgeait de vertus vanillées…

 

la fleur de bruyère ne convient pas au lieu ;

trop aride ; si beau sans le moindre artifice,

qu’au temps des folles amours j’y attèle mes vœux

et tire en sifflotant la houe de mes caprices…

 

le roulis des cyprès, étiolés à la taille,

dans l’azur pigmenté de papillons nacrés,

pareil aux filles des bals de la fin des semailles,

caressait sous les cieux un quatre temps parfait…

 

une onde claire allait, sans se presser vraiment,

léchant les rocs moussus d’une arrière-saison,

clapotant par ici, par-là se lamentant,

errant par habitude, sans but et sans raison…

 

afin qu’entre les plis de leur ventre adipeux

ne s’égarent en chemin les messagers d’Eole,

les candélabres, jaunis par la fumée des vieux,

accrochaient dans la plaine leurs mornes girandoles…

 

l’aurore était honnête et respectait les lois,

la logique sacrée, la gouverne des temps ;

le souffle d’Artémis, sur mon chemin de croix,

vint comme une promesse… et fût envoûtement !

 

la grive, si criarde, en son lit de feuillage

susurrait en silence, par ses vols éreintée,

les abeilles et les baies de ses papillotages ;

oiselle, mon amie, que demain te soit gai !

 

de ma blague polie au velours côtelé

d’un fond de poche usé par des ongles trop lourds,

quelques brins de tabac, à trois herbes mêlés,

sautaient en persillant, ô fieu, les alentours…

 

d’entre mes doigts brunâtres au travers de ma lippe,

d’un geste familier, d’un plaisir méthodique,

fidèle au règlement des étranges principes,

je bordais, là, ma nuit, d’un drapé féerique !

 

Apollon, par mégarde, me pensant assoupi

ou sur l’heure asservi à l’emprise des sens,

saupoudra les volutes de mes rêveries

de perles de folie et de poudre d’encens.

 

 II

 

 Au nirvana bleuté de l’extase empirique,

fidèle au souvenir des voyages d’antan,

lorsque la brume ôtait ses voiles impudiques

ma couche s’entrouvrait sur des lieux bienfaisants…

 

alors, l’esprit vidé d’encombre matérielle

j’atteignais l’océan de la sérénité ;

pendant que tremblements, sueurs et ribambelles

empoignaient ma tête et faisaient tout sauter

 

mon âme, elle, dansait au pays des sorcières

dont elle perçait la nuit de rires pénétrants ;

 apparaissaient alors aux reflets des cuillères,

Baudelaire et Gautier et l’hôtel Pimodan,

 

la confiture verdâtre des jeunes initiés,

les moqueries d’anciens, les réunions secrètes ;

les coches de l’île saint Louis, les délires programmés

mêlaient dans l’air ambiant, les Dieux, les hommes aux bêtes !

 

bien sûr, je n’étais rien qu’un corps dans la garrigue,

avachi en bordure des rives de l’enfer…

du « Paradis » dirait le père de Rodrigue !

ô Corneille, l’ami, pardonnes mes éthers…

 

quand tout tourne, sais-tu, de Ronsard et sa rose,

des orphelins de Rimbaud au triste hiver d’Eluard,

le passage clandestin des rimes à la prose

fiance les tragédies au roman de Renart !

 

chacun n’est que lui-même ! à quoi bon se mentir ?

Soi, en fait, est tout autre… et c’est Dieu que voici !

au balcon de l’Olympe Dieu SOI se fait plaisir

et nos corps dénudés redeviennent fourbis !

 

bientôt, d’ici, naîtra un monde unique et rond,

incontestablement j’en serai le maître !

les Dieux, au pinacle, unis me porteront !

qui pourrait sous vos cieux dire qu’il s’est vu renaître ?

 

ô nuages enfuis, ô lune galopante…

qu’il est doux, aujourd’hui, ce semblant de retour !

ô pays de l’absinthe, ô prairies d’acanthes,

ô pétales de rimes, ô couleurs de l’amour !

 

Apollon, par mégarde, me pensant assoupi

où sur l’heure asservi aux effets de la drogue,

saupoudra les volutes de mes rêveries

de poudre de folie et pensés interlopes.

  

III

  

Sur le char d’Apollon, Phaéton, les larmes aux yeux,

ordonnait aux chevaux de calmer leur ardeur,

car où Phaéton passait, tout n’était plus que feu ;

 vint le bruit du tonnerre, puis le calme enchanteur…

 

l’ondine, si tranquille, qui courait à mes pieds,

se fendit par là même où les ajoncs, tantôt,

jouant aux clapotis comme des gosses désœuvrés

riaient en aspergeant leurs superbes manteaux…

 

quand un chant mélodieux, entrecoupé de voix,

me parvint du ruisseau en un halo doré,

trois créatures de chair, vêtues de draps de soie,

dessinaient le profil d’une étrange destinée…

 

les nymphes allaient souffler une chaleur intense,

un bonheur sans pareil, une ivresse lucide ;

comme bouquet final de mes dernières transes,

je régnais désormais sur les terres d’Euripide !

  

IV

 

Bien sûr, la lune avait, une nouvelle fois,

du jeu perpétuel dont l’astre blond jouit,

à savoir se vêtir d’un apparat de soie

ou de brumes rosées troubler mon fol esprit,

 

tiré l’épingle au gré des volontés humaines,

rassasié l’un des siens, réconforté un brin !

 

A chacun son histoire, à tous la même peine

à tous le même but… à chacun ses chemins.

Un poème de comptoir

Garçon, un poème je vous prie !

des vers sans sauce ni Chantilly,

juste quelques rimes nature ;

une belle idée sans fioriture !

 

un thème fleuri s’il vous plait,

ni lourd, ni couru, ni  surfait ;

une musique de printemps…

mais sans soleil éblouissant !

 

qu’on puisse aussi tergiverser

au second ou troisième degré…

avec une dose d’humour,

et quelque chose un brin glamour !

 

qu’il parle de vigne, de fille légère,

de paysan et de sorcière,

ou de bon grain ou bien d’ivraie

peu importe, mais qu’il soit vrai !

 

et puis, veillez aussi, garçon,

à ce qu’il y ait la ponctuation,

ce qu’hélas trouvent subalterne

la plupart des poètes modernes !

 

des quatrains sans prise de tête ;

un peu de poudre d’escampette

qui m’entraîne au travers des nues

hors mascarade et hors chahut !

 

qu’on y voit le coquelicot

danser sous un vent in-folio,

et qu’en la trame à l’encre noire

il y ait à manger et à boire !

 

garçon, un poème je vous prie,

sans prétention mais fort joli !

un cru classé en quelque sorte

qui vienne des tripes et de l’aorte !

 

et que l’auteur soit généreux,

dans sa cuisine, un cordon bleu !

et que l’auteur soit expressif,

qu’il choisisse à point l’adjectif !

 

——

 

Très bien, Monsieur, j’ai ce qu’il faut.

Jamais primé au Renaudot

bien que Poète de haut-goût,

un vrai délice, un vrai bijou,

 

Monsieur,

Je vous apporte un « Garrigou » !

Si je peux me permettre

Ecris avec les yeux, écris avec le cœur, écris avec la peau,

ne cherche pas à versifier absolument ;

laisse les vieilles règles aux malheureux défunts !

ne compte les syllabes, il n’est là que foutaise ;

la musique n’est que le tempo de ta foi !

crée des codes qui te conviennent, des lois qui te soient propres !

écris seulement ce que ton âme te dicte,

cette pureté virginale qui bande ton esprit et fait frémir tes lèvres !

prends une feuille blanche, attache tes cheveux

pour que tes rideaux noirs ne bloquent la lumière,

et mets-toi à pleurer, à rire et à gueuler…

et tout en même temps ; écrire est une transe !

lentement pétris les mots, comme on pétrit la glaise,

comme on caresse un corps, avec délectation…

l’écriture poétique est une jouissance !

sois infidèle au sujet, va où l’inspiration te mène,

embrasse une idée et pose ton doigt sur l’autre

puis donne-toi aux nues et charge-toi d’extases…

alors tu ramèneras du ciel des fagots de lumière,

des bouffées de délires et la clé de toute béatitude !

ne cherche pas sur terre quelque illumination

et n’attends d’être triste ou gaie pour travailler ;

l’acte poétique vient naturellement

et se fout du roulis des sentiments qui passent !

lorsque l’instant poindra

tu verras un sanglot courir entre tes doigts,

puis un frisson remonter la joue et la tempe;

alors prends du papier, un stylo, une chaise,

lève le nez au ciel, plonge dans l’évanescent…

pour le reste, sois confiante… et attends !

L’églantine

J’aurais pu trembler quand ses mots ont ensemencé

mon ciel ;

J’aurais pu trembler quand de ses doigts elle a couvert

mes doigts ;

J’aurais pu trembler quand ses lèvres ont déposé sur mes lèvres

la paix ;

J’aurais pu trembler quand le murmure de ses râles a étreint

ma raison ;

J’aurais pu trembler quand sa bouche a muselé

mes sens ;

J’aurais pu trembler quand sa jambe a coiffé

ma jambe ;

J’aurais pu trembler quand elle a clos ses yeux sur

mes désirs ;

J’aurais pu trembler quand ses désirs ont perforé

l’instant ;

J’aurais pu trembler quand l’instant fut mûr

à point ;

J’aurais pu trembler quand son allant a pris

ma peau,

J’aurais pu trembler quand mes mains ont sculpté

son corps ;

J’aurais pu trembler quand mon agonie a perlé sur

son cou ;

J’aurais pu trembler quand m’ont étreint

ses silences ;

J’aurais pu trembler quand mes doigts ont dansé sous

sa robe ;

J’aurais pu trembler quand l’éther a ouvert

ses grilles ;

j’aurais pu trembler quand ses alcools se sont

épanchés ;

 

j’aurais pu trembler mais le diable n’attendait que ça.

 

En effleurant ses pétales je tremblerai déjà

lorsque l’églantine éclora pour la seconde fois.

Saisir le troisième degré

Lisez-vous les poèmes entre les lignes au moins ?

Buvez-vous les liqueurs de troisième pression,

celles dont on s’abreuve avec délectation…

sous lesquelles on découvre Dieu à brûle-pourpoint ?

 

Que pensez-vous donc pêcher, amis, en surface,

si ce n’est que la friture la plus commune ?

Croyez-moi, si vous voulez pêcher la fortune

déchiffrez la métaphore, soyez coriaces !

 

L’un clamait haut « Travaillez, prenez de la peine,

c’est le fond qui manque le moins… » comprenez bien

que l’âme est tourmentée, le message cornélien

et la syntaxe rajoute son doigt de peine !

 

Dans tous les cas soyez lucides seulement,

ne cueillez que l’épice qu’il faut pour le pot-bouille !

et par quelque hasard, si vous rentriez bredouille

c’est que le dit poème n’est guère éloquent…

 

changez alors d’histoire ou changez de poète,

« remuez tous vos champs, sans attendre fin août »

prenez un bol d’air frais, un verre de Vermouth,

puis, amis, reprenez patiemment votre quête !

Alphabet d’une perturbation

Un, le bruit de la ville avalant goulument le hoquet des pigeons,

deux, les ballets de la pluie sur l’élasticité d’un extérieur fuligineux,

trois, le calme apparent d’un intérieur tranquille,

quatre, un chat lové dans un panier de château,

cinq, le vent jouant au cerceau dans les coursives…

et Nina, des arômes d’été sur des coussins d’automne.

 

Six, un paradis artificiel où domine le noir,

sept, un rai de soleil sur un faisceau de jour,

huit, la peau à nu du temps qui stoppe là sa course,

neuf, un univers tout neuf vernit l’immobilisme,

dix, la sueur coule sur les doigts longs de l’orage…

et Nina, des arômes d’été sur des coussins d’automne.

 

Onze, douze, treize et quatorze, la furie de la conjonction,

quinze, seize et dix-sept, le chant pantelant de l’orage qui s’exile,

dix-huit, les larmes de foudre à livre ouvert,

dix-neuf, je lis,

vingt, je pleure…

et Nina, des arômes d’été sur des coussins d’automne.

 

Vingt-et-un, le soleil lèche à nouveau les barreaux de la balustrade,

vingt-deux, la vie tape à la vitre, je n’ouvre pas,

vingt-trois, sur le livre ouvert perle un sanglot perdu,

vingt-quatre, le monde nouveau m’embrasse et disparaît,

vingt-cinq, Nina, mon rêve, court parmi les nuages…

vingt-six, l’hiver se love sur des coussins de deuil.

 

Panégyrique posthume

Pourquoi ai-je toujours cette idée saugrenue,

dès qu’un peu de temps libre pointe le bout du nez,

de faire ainsi danser mes doigts sur le clavier ?

faut-il donc que j’engrange ou bien que j’évacue ?

 

Quel est ce rapport fusionnel, ce jeu de dupe

qu’ont établi la page Word et mon esprit ?

pourquoi faut-il d’instinct que j’allume l’ordi

et salive à l’idée d’y peler mille drupes ?

 

Quel est ce ver qui se tortille en ma cervelle,

laboure sans cesse les landes de mes sens,

craque l’allumette sous la poudre d’encens

et fait trisser en moi les maux de Philomèle ?

 

Pourquoi faut-il qu’au final mes images riment ?

pourquoi dois-je traîner une lyre à mon cou

comme d’autres de lourds diamants ou un  licou ?

à quoi bon naviguer entre “entrée“ ou “supprime“ ?

 

Et pourquoi demeurer fidèle au quatrain

quand de prestigieux confrères, sous d’autres formes,

boivent les honneurs de l’habit vert, du bicorne ?

hélas, le quatrain ne procure plus le pain !

 

Je n’ai rien à manger, pourtant j’écris sans cesse ;

misérable qui croit que versifier nourrit !

s’il savait le malheureux combien je maigris,

il m’allaiterait… fut-ce toujours de promesses !

 

Un jour je serai si maigre que les eaux-fortes

qui glougloutent en mon âme feront céder mon corps ;

j’irais en chapelets de quatrains vers la mort,

une métaphore d’or coincée dans l’aorte…

 

et vous direz alors, vous qui me condamnez

à errer dans l’enfer des poètes maudits :

« C’est vrai que ce rapsode avait bien du génie ! »

“panégyrique posthume“…

ces éternelles louanges qu’aujourd’hui vous taisez.

La chose étrange

Cordonnier du verbe, sur un billot de bois

je clouais quelques rimes à du papier de soie,

et le parfum des mots, sous les coups de maillet,

emplissait mes songes de fragrances salées.

 

Ce soir-là, le message n’était pas primordial,

j’ai souvenance d’un texte plutôt banal ;

je clouais donc des rimes, presque par habitude

– ainsi me vient la paix dans ce monde si rude ! –

 

Ce fut la mélodie, le langage des pieds

qui pointa l’œil d’abord sous les coups de maillet,

me donnant l’envie de poursuivre sans répit,

et de fil en aiguille me donnant la pépie.

 

Par les sons et les lettres je me laissais porter,

si bien qu’en quelques strophes, je me vis embarqué,

sans niaiserie aucune, sans calcul et sans ruse,

embarqué malgré moi dans le lit d’une muse !

 

je le précise afin qu’entre nous tout soit clair,

je ne cite pas là quelque être bien en chair,

mais la bouche et les yeux en amande, peut-être,

semblables à ceux des anges lorsqu’ils viennent de naître !

 

j’entends bien une muse au sens propre du terme,

à vous faire dresser les poils sur l’épiderme

tant ses parfums subtils, à nos sens méconnus,

vous laissent imaginer l’air ambiant des nues !

 

J’étais donc là, près d’elle, être flou, je rêvais.

Au vent léger, ma foi, nos baldaquins flottaient ;

elle me contait les fleurs des galaxies lointaines…

dans l’odorant dédale je la suivais, sans peine…

 

quand sous les tilleuls d’une très ancienne place,

d’une constellation au fin fond de l’espace,

je reconnus, devant une absinthe, attablés,

je vous le donne en mille… Baudelaire et Gautier !

 

A la vue de mes potes, mon sang ne fit qu’un tour !

je lâchais la main de la muse aux mille atours

et priais le garçon de nous remettre ça !

mais d’une absinthe à l’autre, il est vrai, l’heure tourna !

 

La muse abandonnée me punit en filant

et je dus rentrer seul, cinq grammes dans le sang !

sans GPS j’aurais voulu vous y voir !

le fait est que je pris le chemin du trou noir !

 

En ces terres isolées, où tout semble pareil,

à des milliers de lieues par delà le soleil,

sans repère à présent, comment faire demi-tour ?

Minuit me sauva, car alors, le front lourd,

 

ma tête heurta d’un coup les rimes et le billot !

droguis dans le salon au milieu des mes maux

je retrouvais mon nid, bleu comme une orange ;

 

comme la poésie est une chose étrange !

Alchimie

Je m’étais allongé sur des aiguilles de pins,

n’ayant plus de force pour suivre mon chemin ;

je venais de bien loin et j’étais éreinté.

Je vous le donne en mille, savez-vous où j’étais ?

 

Là, tout près de Fontiès, je voyais les fumées,

joyeuses, en un ciel blanc d’hiver s’entortiller.

La neige, ici et là, avait laissé ses doigts

et j’aimais en son cœur voir l’empreinte des pas !

 

.. les animaux sont à l’œil si rares aujourd’hui,

que leurs traces dans la neige fleurent déjà la vie !

Il n’est jamais ici quelque hiver rigoureux

et la moindre bûchette vient à bout de tout feu !

 

Malgré le temps frisquet j’étais tout en sueur

et suais tant du corps que de l’âme d’ailleurs,

envoûté par les senteurs de cent fleurs célestes,

par la beauté des mots, par la douceur des gestes

 

de déesses aux dentelles fines et dorées !

il est temps de vous dire auprès de qui j’étais ;

il n’est là balivernes, ni rêve, ni ruse,

j’avais été convié sur les terres des muses !

 

Ne me demandez pas si j’avais en partant

semé pour le retour de petits cailloux blancs,

si là-bas règne le jour ou brille la nuit,

si les licornes dorment au pied des grands lits,

 

si les muses sont grandes, si leurs cheveux sont blancs,

s’il est le pays des sages et des grands enfants,

si leurs pinèdes, comme les nôtres, sont douces,

si les bords de leurs ruisseaux sont tapis de mousse…

 

ne me demandez rien car j’ai tout oublié !

.. est-ce la faute à l’un de ces philtres enchantés

– liqueur d’ambroisie aux pouvoirs surnaturels –

à quelque met que j’aurais dégusté au ciel ?

 

Là, près de Fontiès, où la résine de pin

fleure bon le pays méditerranéen,

regardant en arrière une nouvelle fois

je remerciais les muses d’avoir pris soin de moi,

 

puis versais la dernière larme de mon corps,

quand sur le sol tintait une paillette d’or !