Je m’étais allongé sur des aiguilles de pins,
n’ayant plus de force pour suivre mon chemin ;
je venais de bien loin et j’étais éreinté.
Je vous le donne en mille, savez-vous où j’étais ?
Là, tout près de Fontiès, je voyais les fumées,
joyeuses, en un ciel blanc d’hiver s’entortiller.
La neige, ici et là, avait laissé ses doigts
et j’aimais en son cœur voir l’empreinte des pas !
.. les animaux sont à l’œil si rares aujourd’hui,
que leurs traces dans la neige fleurent déjà la vie !
Il n’est jamais ici quelque hiver rigoureux
et la moindre bûchette vient à bout de tout feu !
Malgré le temps frisquet j’étais tout en sueur
et suais tant du corps que de l’âme d’ailleurs,
envoûté par les senteurs de cent fleurs célestes,
par la beauté des mots, par la douceur des gestes
de déesses aux dentelles fines et dorées !
il est temps de vous dire auprès de qui j’étais ;
il n’est là balivernes, ni rêve, ni ruse,
j’avais été convié sur les terres des muses !
Ne me demandez pas si j’avais en partant
semé pour le retour de petits cailloux blancs,
si là-bas règne le jour ou brille la nuit,
si les licornes dorment au pied des grands lits,
si les muses sont grandes, si leurs cheveux sont blancs,
s’il est le pays des sages et des grands enfants,
si leurs pinèdes, comme les nôtres, sont douces,
si les bords de leurs ruisseaux sont tapis de mousse…
ne me demandez rien car j’ai tout oublié !
.. est-ce la faute à l’un de ces philtres enchantés
– liqueur d’ambroisie aux pouvoirs surnaturels –
à quelque met que j’aurais dégusté au ciel ?
Là, près de Fontiès, où la résine de pin
fleure bon le pays méditerranéen,
regardant en arrière une nouvelle fois
je remerciais les muses d’avoir pris soin de moi,
puis versais la dernière larme de mon corps,
quand sur le sol tintait une paillette d’or !