à ceux qui ne se prennent ni le chou ni les pieds
aux racines saillantes de la bêtise moderne,
Mise en bouche
Et si l’on faisait une petite « ballade » au gré du vent de Cers avant de parler de la rentrée des classes, du business, des habitudes à reprendre, et, ma foi, du stress que tout cela occasionne ?
Bien que le temps fût assez mitigé au mois d’août, l’été sur les terres audoises est une saison bénie des Dieux. Que le thermomètre et le chapeau se livrent une guerre acharnée ou pas la garrigue reste toujours aussi parfumée, les cigales s’aiguisent le ventre sur l’écorce des pins, les raisins terminent leur maturation et les filles de chez nous se parent du bronzage le plus croustillant qui soit !
A cette heure, dans les caves, tout est pratiquement prêt pour aborder avec sérénité la saison des vendanges. Les demi-muids, les entonnoirs, les siphons et les robinets en cuivre font peau neuve, le mustimètre, fidèle à son habitude est des plus optimistes, les batteurs des machines à vendanger et les ressorts des sécateurs sont changés ; comme le ciel, le moral est tendre et lumineux !
Que diable pourrait venir troubler la quiétude du village ?
Si la journée de chacun est honorablement remplie, la nuit n’est pas en reste avec son lot d’humeurs, de senteurs et d’habitudes. Les sangliers fouillent entre les chênes kermès et déterrent quelques friandises, les lièvres et les lapins gambadent dans les hautes herbes des talus, le renard est à l’affût et le vignoble prend enfin le frais à la lueur du candélabre céleste.
Ne croyez surtout pas que les « mitounes » sont couchées ! entre minuit et cinq heures elles se regroupent, établissent quelques plans diaboliques, arrangent les abords de leurs domaines, puis chantent et dansent jusqu’au lever du soleil ; malheur à celui qui se trouverait alors dans les parages, il deviendrait leur esclave à jamais !
Au patelin trois ou quatre chats se battent sur les toits des poulaillers ou dans le fond des jardins, les figues sont presque mûres et on commence à astiquer les bocaux pour faire de la confiture.
Une à une l’obscurité a gagné chaque fenêtre épargnant une lucarnette coincée entre deux toits, derrière laquelle l’âme d’un aède vogue encore sur les méandres d’une galaxie où tout est conforme à ses rêves les plus fous. Ce fol se couchera quand les premiers commérages annonceront que l’aube nouvelle est déjà là. Alors il s’allongera sur sa litière de songes et jettera sa toge d’illuminé par-dessus ses épaules.
Comme il fut le cas dans mes trois recueils précédents, se mêlent au fil de ces derniers textes : Fontiès, Labastide et le Val-de-Dagne, la montagne d’Alaric, le vignoble, évidemment, quelques prénoms chers à mon cœur et quelques couillonnades qui rappellent que la vie est une grosse farce et qu’il est donc inutile de s’obstiner à se prendre le chou, sachant pertinemment que ce brassica oleracea n’est nullement un des ingrédients… de la farce !
J.G
– Table des poèmes –
- Heureux, l’Achille !
- La Palme d’hier ; l’homme d’aujourd’hui.
- La complainte de la plume.
- Les tétines du bonheur.
- Victor, Louisou ; corrélation.
- Hommage au puits de Fontiès-d’Aude.
- Le corridor du paradis.
- Hiver 68, on fait veillée chez Jean Labeau.
- La procession des seigneurs.
- Baptême aux bénitiers d’Alaric.
- C’est un « assiétadou ».
- Ainsi parlait ma grand’tata.
- Ah, Paris.
- Esprit, es-tu là ?
- Le jour J.
- Acrostiche à l’amour.
- Les devoirs de la vie.
- Lettre ouverte aux cons de mon village.
- Entre « garrigue » et « Garros ».
- Labastide, corps et âme.
- Avant que tout aille à vau-l’eau…
- Les « tuteurs » de Villetritouls.
- Demain, j’essaierai de mieux faire.
1. – Heureux, l’Achille ! –
Le Styx n’ayant pas de méandre
qui mouille sa fière cité,
et à court de temps pour prétendre
à quelque voyage organisé,
ma mère voulut qu’on lui apporte,
au grand soleil du jardinet,
la plus belle de nos comportes
et la fit remplir d’eau d’Alet.
Bien sûr, me collant au talon
comme elle le fit pour mes deux frères,
elle me plongea dans le bouillon
à défaut de la dive rivière
et le résultat, c’est évident,
n’eût tous les effets escomptés.
Achille dirait, en souriant,
« Mon tendre cadet a des ratés ! »
Pourtant,
à ceux qui me demandent comment
(sans vouloir me faire de réclame),
je peux faire pour manger autant,
boire et péter encore les flammes,
je réponds fièrement, ironique,
que petit je suis tombé dedans,
que l’eau d’Alet est bien magique
et ses effets impressionnants !
tous mes copains en restent baba,
les bras en croix sur les genoux !
à ceux qui me demandent comment
(sans vouloir me faire de réclame),
au lit je suis aussi brillant
et comme un diable pète les flammes,
je réponds fièrement, ironique,
que petit je suis tombé dedans,
que l’eau d’Alet est bien magique
et ses effets impressionnants !
toutes mes copines en restent baba,
les bras en croix, sur les genoux !
à ceux qui me demandent comment
(sans vouloir me faire de réclame),
à l’usine « chuis » pas plus vaillant
alors que d’autres pètent les flammes,
je réponds fièrement, ironique,
que bien que je sois tombé dedans,
les effets, certes fantastiques,
hélas ne durent qu’un certain temps !
Buvez « Alet », la source des Dieux…
enfin, des demi-Dieux !
2. – La Palme d’hier; l’homme d’aujourd’hui –
« Un ciel rougeoyant, sur l’étang 1,
fidèle aux saintes habitudes… »
Ainsi, dans cette exactitude
vous trouveriez le prélude
chez mon confrère débutant !
non point qu’il n’éclaire par la suite
au lamparo le noble sujet ;
l’étang est de toute beauté,
les oies qui s’en viennent nicher,
les ajoncs, le voile d’Amphitrite…
et les grenouilles qui grimacent
à l’onde salée du palace !
Mais crois, ma fille, que ce soir-là,
en entendant tinter les cloches
du « château de la débauche 2 »,
les lacets flottants aux galoches
le temps n’était aux nymphéas !
sur le voile blanc d’Amphitrite
le diable faisait la java !
des belles nues sur draps de soie
aux cris lugubres de la nouba
l’esprit n’était à Démocrite !
Arnaud 3 causait théologie,
Satan lui-même menait l’orgie !
Quand sur ces eaux le vent se lève
montent encore du château
le cri tendre des jouvenceaux,
les règles d’étranges jeux floraux,
les jouissances des jouvencelles,
puis des gloussements de colombes
et les rires des filles en émoi !
puis, en surface, quelquefois
flottent des pétales de sainbois ;
des pétales blancs d’outre-tombe !
Ainsi est fait le pays d’Oc,
de pattes de poules, de crêtes de coqs !
L’orage qui vint fut si violent,
si fort l’éclair vint au donjon
qu’Arnaud, ses diables et ses flonflons
s’engouffrèrent dans le tourbillon
que Dieu réserve aux mécréants !
Le temps n’est point aux religions,
aux quelconques philosophies ;
Satan et Dieu sont bons amis…
et l’homme, qui n’a rien compris,
guide encore son embarcation
loin des ruines du vieux donjon…
qu’en pense-t-on sur les ambons ?
1 Etang : Etang de La Palme (Aude)
2 « Château de la débauche » : D’après la légende Occitane « Les messagères du diable », château du Conte Arnaud d’Auriac, Seigneur de La Palme et de Roquefort.
3 Arnaud : Arnaud d’Auriac.
3. – La complainte de la plume –
Petite, j’ai dû louper le coche,
tremper dans un fol encrier,
sûrement rouler trop de galoches
aux bancs de l’excentricité…
si bien qu’aujourd’hui je ne sais plus
à quelle langue me vouer !
entre « mirguette 1 » et « trotte-menu 2 »
sous quel drapeau prendre mon pied !
si par malheur je rime en français
l’occitan me fait des reproches,
m’accuse d’infidélités
et clame au grand jour mes débauches !
si à l’occitan je souris
c’est le français qui fait la gueule
croyant être le maître pardi !
alors tous les trois on s’engueule !
j’avoue que parfois je me sens seule !
Raimon de Miraval 3 compose
pour l’hiver des textes de braise,
Verlaine est passé à la prose,
moi j’ai le cul entre deux chaises !
je pourrais bien faire mon entrée
au sein des écrits érotiques
et de la sorte papillonner
sur des lits d’us béatifiques,
mais pour une plume qui boit du noir
si je me mettais à rougir,
pour sûr, je me ferai haïr
et jeter dans le fond de l’armoire !
De quel fond vais-je vous imboire ?
1 mirguette : petite souris.
2 trotte-menu : petit rat.
3 Raimon de Miraval : troubadour occitan 1165-1229
4. – Les tétines du bonheur –
Les cigales crissaient
accrochées sur leur cep,
Fontiès s’activait,
et sous les pins d’Alep
le vignoble dansait.
Le vent marin, timide,
faisait son entrée
sous un soleil splendide,
le fenouil embaumait
le penchant de la rive,
l’églantier préparait
quelques baies pour les grives.
Les vendanges semblaient
en avance d’un mois ;
fallait passer l’été,
pourvu qu’il ne grêle pas !
A la cave, déjà,
on sortait les comportes
et le phylloxéra
se rappelait à ma porte ;
ici rien ne s’oublie,
Marcelin 1 est présent !
cette pute de vie
le rappelle chaque instant !
Les cyprès étaient droits
comme dans un jeu de quilles,
l’horizon de guingois
sous des brumes résilles
et j’étais là, enfin,
vieux hibou solitaire,
en mon humble recoin,
mon refuge, ma tanière,
en ce paradis où rien
ne pourrait m’arriver…
si ce n’est
un mal aux dents de chien,
une cuite carabinée,
une bonne chevauchée
sur l’échine d’une fée !
En bordure de vigne,
à l’abri des regards,
loin des matins de guigne,
des nuits de désespoir,
du choléra, de la peste,
du snobisme des fouloirs,
je faisais la sieste…
et pionçais comme un loir ;
oui, comme un loir !
1 Marcelin : Marcelin Albert, chef de file de la révolte des vignerons du Midi en 1907.
5. – Victor, Louisou ; corrélation –
Mon cher Hugo, il est parfois,
lorsque l’inspiration vous vient,
nécessaire de glisser le doigt
dans les rouages du divin,
de partir quérir le détail,
la couleur en ces paradis,
où, tout nu passant le portail,
seul le poète aguerri
saura ramener du verger
le juste mot, le point-virgule,
l’étoile qui saura étancher
les moindres désirs de la plume !
Mais moi, Monsieur, je débute
et cherche, hardi, quelque sujet,
me perds la nuit dans les volutes
opaques de la cheminée…
hélas, jamais ne viennent à moi
ni l’ombre du juge Frollo,
ni le sourire d’Esméralda,
ni la bosse de Quasimodo,
ni Notre-Dame ; rien de cela !
Dans le clocher de mon église
Louisou 1 appartient au passé !
il était « Sonneur » ! quelle sottise
les cloches sont automatisées !
même la pendule, sous le porche,
fonctionne à l’électricité !
Louisou, c’est notre âme qu’ils écorchent !
Victor, on appelle ça « le progrès » !
Comment voulez-vous que je devienne
un jour poète à succès ;
je peux prendre qui je veux pour mécène !
Victor, ne me laissez pas tomber !
1 Louisou : Louis GUILHEM, sonneur de cloches à Fontiès-d’Aude… toute une vie !
6. – Hommage au puits de Fontiès-d’Aude –
Sais-tu ce qui singularise
le puits de la place de l’église ?
On ne dirait pas, à le voir,
qu’il a le même âge que le Bon-Dieu,
ou presque, puisqu’à son miroir,
Pithécanthrope le valeureux,
l’année de la guerre du feu,
vit enfin se refléter l’espoir !
on ne dirait pas, à le voir,
qu’Alaric, Roi des Wisigoths,
venait puiser à ce miroir,
pour son Ricard, trois volumes d’eau,
rotait et filait au galop
vers le château de ses espoirs !
on ne dirait pas, à le voir,
qu’à l’époque gallo-romaine,
sa toge flottant dans le soir,
quelque Sabine… ou Madeleine…
confiait ses furtives fredaines
à l’eau frémissante du miroir !
on ne dirait pas, à le voir,
que Benoît, le diacre cathare,
de la margelle fit son gueuloir,
défiant en joutes oratoires
Saint Dominique ; tu peux me croire,
l’eau de ce puits donne l’espoir !
on ne dirait pas, à le voir,
que la Marquise de Pompadour
se reflétait sur le miroir
tandis qu’elle ôtait ses atours ;
Louis XV avait fait un détour
pour l’honorer sur le bouchoir !
on ne dirait pas, à le voir,
qu’un boudrysan 1 révolutionnaire,
tout nu s’aspergeait au miroir ;
tu peux t’astiquer les lombaires,
pauvre Marat, faudra t’y faire…
tu finiras dans l’abreuvoir !
on ne dirait pas, à le voir,
que deux coqs se battaient tantôt,
chacun revendiquant le miroir !
comme à Fontiès on n’aime pas l’eau
les deux coqs finirent au pot
leur querelle dans le pinard !
la clé du puits est chez Simone ;
on ne le dirait pas, à la voir,
mais c’est la plus grande des espionnes
et sur le puits dit tout savoir !
passe donc la voir un de ces soirs…
cause-lui un peu du miroir…
demande-lui si l’eau est bonne !
1 boudrysan : habitant de Boudry (commune Suisse du canton de Neuchâtel, où naquit Marat le 24 mai 1743)
7. – Le corridor du Paradis –
Si je l’écris à l’occitane
vous prononcerez « courédou » !
Peut-être parce qu’avec Garrigou,
la rime, ce soir, prend la tisane,
c’est drôle, il me vient à l’idée,
(non point que vieillesse me tracasse)
d’aller dans le fond de l’impasse
retrouver mes jeunes années.
Si je le prononce à l’occitane
vous ouïrez bien « courédou » !
On le dit sombre et malfamé,
lui fait mauvaise réputation
ou le réserve à l’occasion
pour quelques envies bien pressées…
mais il en est un, au village,
où ne courent point les souris ;
lui, s’ouvre sur le paradis
et chacun vient au bastingage !
C’est dans cette ruelle à l’écart
des échos de la place publique,
que l’âme encore bien pudique
nous découvrions, en cours du soir,
pour les parfums les plus intimes
un intérêt hors du commun,
parions déjà à cent contre un,
jurions des tirades sublimes,
et sortions la main dans la main
sans un instant avoir osé
se risquer au fameux baiser…
que l’on remettait à demain !
Si je vous dis qu’à l’occitane
il se prononce « courédou »,
c’est pour partager avec vous
l’époque des premiers arcanes !
Si à l’entrée du « courédou »
vous croisez la belle occitane,
priez pour que son doux profane…
ce soir l’embrasse dans le cou !
8. – Hiver soixante-huit, on fait veillée chez Jean Labeau –
Voici que me reviennent à l’esprit,
le grand Monsieur, le petit homme,
leurs traces de pas dans la nuit…
au coin de la rue les fantômes,
les hordes de loups affamés
prêts à bondir sur l’innocence
et les doigts menus qui serraient
la main ridée de la confiance.
L’un contre l’autre ils s’en allaient
au pays des soirées magiques,
au rendez-vous de l’amitié,
comme, seule au pays des barriques,
pour peu qu’on quitte le chemin
et qu’on entre dans la cuisine,
entre les rires et le vin
elle vous attend et vous fascine !
Une serrure sans sa clé,
pas de Judas, une moustiquaire
pour les visiteurs de l’été…
chez Jean, « les dix » faisaient la paire !
les dix copains du village,
la paire de fûts de Carthagène 1,
comme les dix nuits de pressurage,
la paire de cons qui nous gouvernent…
voici que me reviennent au palais,
le sucre sur le bord du réchaud,
les petits verres et la veillée
que l’on passait chez Jean Labeau…
et voici que me reprends l’idée
de clamer aux faîtes des toits,
que seuls la simplicité,
l’amour, le respect et la joie…
et voici que me reprends l’idée…
mais qui souhaiterait à présent
écouter ces raisonnements ?
1 Carthagène : liqueur de vin (spécialité de l’Aude).
9. – La procession des seigneurs –
J’ignore comment, sur vos terres,
on nomme aujourd’hui l’ustensile
sur lequel, la mine cavalière,
à la nuit noire on jubile !
Dans la Corbière de mon enfance
chaque famille avait le sien,
et l’utilisaient à outrance
le père, la mère… et le voisin !
pour le voisin, sûr, je rigole !
la rigole, c’était plutôt
pour celui, qui, c’est croquignol,
n’avait plus le temps d’aller au pot !
Bien sûr les familles les plus riches
en avaient un par tête de pipe,
orné des superbes acrostiches
de leurs prénoms, de leurs principes.
Le mien était bien misérable
mais toujours là quand il fallait !
et entre le pied du lit et la table
jamais ne m’a laissé tomber !
Avec le liseré vert amande
qui rutilait sur son chapeau,
lorsque nous portions « la commande »
dans les méandres du ruisseau,
plus fiers que le grand Artaban 1,
à l’aurore, en ribambelle,
ah mon Dieu qu’elle était belle
la procession du bon vieux temps !
J’ignore toujours, sur vos terres,
comment on nomme ces bijoux,
mais chez nous point de mystère :
des « ferrats » 2 et des « pissadors » 3 !
ceci-dit, sur les susnommés
l’inspiration étant à l’aise,
elle nourrit autrement l’idée
que sur la paille d’une chaise !
1 Artaban : ce grand héros du roman « Cléopâtre » de La Calprenède… bien sûr !
2 « ferrat » en occitan ; seau en français.
3 « pissador », qui se prononce en occitan « pitchadou » ; pot de chambre en français.
10. – Baptême aux bénitiers d’Alaric –
Les cieux étaient limpides,
comme la mer, en juillet,
qui s’en vient taquiner
la « vieille » océanide ;
« vieille » n’est qu’adjectif,
à nos yeux qu’une image
et ne vaut témoignage
plus que superlatif !
Sus au septentrion
où mes terres se rident !
Alaric 1, chrysalide,
pas encore papillon !
« vieille » n’est qu’adjectif,
à nos yeux qu’une image
et ne vaut témoignage
plus que superlatif !
Les cieux étaient limpides
et j’avais rendez-vous
à la messe des fous
avec de fiers candides
qui tirent leur bonheur
des essences divines
du pays « d’origine »
et chantent tous en cœur !
Sommes-nous donc débiles
d’honorer la nature
et d’offrir en pâture
notre amour aux fossiles ?
Mais l’office est grandiose
sans abbé ni hostie ;
que la foi et l’envie,
le silence et l’osmose !
Quand le soleil décline
entre les bénitiers,
dans le rougeoiement sacré
des cieux qui s’illuminent
j’entrevois le Bon-Dieu,
cheminant, solitaire,
vers quelque sanctuaire
oublié des banlieues…
près des fonts baptismaux,
Alaricou 2 sourit
aux tendres gazouillis
qui pourlèchent les vitraux ;
par nos chants de liesse
nous clamons son prénom !
à demain nous croyons ;
l’enfant, se nomme « Sagesse » !
nous clamons son prénom
en nos chants de liesse ;
l’enfant, se nomme « Promesse »
et demain… nous verrons !
1 Alaric : Montagne d’Alaric (entre Carcassonne et Narbonne) Aude.
2 Alaricou : Petite montagne à 3 km au sud de la Montagne d’Alaric.
11. – C’est un « assiétadou 1 » –
On la trouve partout
chez nous, sauf dans la presse !
certains y fourrent leurs fesses
courant le guilledou,
d’autres, allant à la pêche,
l’aperçoivent tout à coup
à six bottes du « trou »
dormant dans l’herbe fraîche !
parfois, elle s’emmitoufle
au creux de la foret ;
à cinq pas du sanglier
elle retient son souffle !
toujours, sur la colline,
Cers et marin 2 la pourlèchent,
mais elle est bien revêche
et point d’humeur câline !
si quelque troubadour,
au temps des bons cathares,
lui offrit sa cithare,
vain resta son amour !
et nous étions, tous deux,
à causer du bonheur
lorsqu’une étrange lueur
déposa sur nos yeux
de fines paillettes jaunes,
bleues, d’autres multicolores,
puis il en vint encore
et nous nous primes au jeu
de la pensée exquise
faisant ainsi le vœu
de n’être qu’un, mon Dieu !
mais pour qu’il se réalise,
comprenez, braves gens,
que par foi je ne puis
vous dire ni où ni qui,
mais sachez cependant
qu’au pays des cailloux
elle est une pierre plate !
comme aurait dit Socrate :
« C’est un assiétadou ! »
1 assiétadou : pierre plate du Midi sur laquelle s’assoient les chasseur au poste, les vignerons pour le repas du midi à la vigne…
2 Cers (vent d’Ouest) et marin (vent d’Est) soufflant dans l’Aude.
12. – Ainsi parlait ma grand’tata 1 –
Le corps à la bonne flambée,
la sœur cadette à ma mémé
me dépeignait un soir le monde
à bien des lustres à la ronde ;
elle avait besoin de causer.
Tant de messieurs, de souvenirs
ces temps-ci venaient l’estourbir,
qu’à s’en faire péter la timbale
elle guida son vieil encéphale
par ces chemins à s’éjouir ;
la Philosophie, « macarel » 2,
en elle était un don du ciel !
Sur la voie des penseurs d’antan,
grave, ma grand’tata, maintenant
passait nos âmes à l’eau de Javel.
Nietzsche avait chez nous une fan !
tata connaissait le conscient,
le surhomme sur le bout du doigt,
et pour la recherche du Soi
n’incisait pas vêtue de gants !
Il y a bien longtemps, au village,
les filles n’étaient pas si sages…
que « Le crépuscule des « idiotes » » 3
elle l’avait lu, comme antidote !
« La naissance de la tragédie » 4,
après avoir épousé Louis
devint son livre de chevet ;
c’était le voisin qu’elle aimait !
Peut-être qu’en feuilletant « Gai savoir » 5
elle noya son désespoir,
trouva « Par-delà bien et mal » 6
un tracé de vie idéal,
mais comme le bon Zarathoustra 1,
de sa montagne n’alla pas
entretenir l’homme des plaines
sur l’avenir de la race humaine ;
elle laissa tranquille l’échalas.
A chacun, dit-elle, ses affaires,
à chacun son abécédaire !
quant à l’accès au Nirvana,
quelle porte en connaissait tata ?
à chacun son itinéraire !
Socrate fournit le papier,
l’homme apporte un panier d’idées,
Kant au crayon, Nietzsche à la gomme…
et tous les chemins mènent à Rome!
1 « Ainsi parlait Zarathoustra » : Nietzsche 1883.
2 macarel : en occitan, « proxénète » en français ; s’emploie fréquemment pour marquer l’étonnement.
3 « Le crépuscule des idoles » : Nietzsche 1889.
4 « La naissance de la tragédie » : Nietzsche 1872.
5 « Gai savoir » : Nietzsche 1882.
6 « Par-delà Bien et Mal » Nietzsche 1898.
13. – Ah, Paris… –
Le fils à Jeannot,
qui travaille à Paris,
je l’ai vu en talons hauts
et tailleur gris souris !
mais si tu ne me crois pas
demandes le aux copains ;
on est tous resté coi,
les trucs sous le machin !
Comme on avait le temps, mince,
le match terminé
bye-bye le Parc des Princes,
hello Champs-Elysées…
puis l’envie de manger
sur le pont d’un bateau mouche…
puis l’envie de danser
dans une cave un peu louche…
quand la porte s’ouvrit,
entrèrent, super fringuées,
une dizaine de perdrix
aux ailes déplumées.
La plus belle d’entre elles,
maquillée comme deux,
j’étais sûr, « macarel »,
malgré ses cils tout bleus,
de l’avoir rencontré
en d’autres circonstances !
bien sûr, ainsi grimée
je n’avais plus souvenance…
quand l’aîné de Paulo,
qui est plus physionomiste,
s’exclama :
« C’est le cadet de Jeannot,
celui qui fait l’artiste ! »
La Fontaine disait
qu’au pays des bourriques,
le male toujours était
celui qui porte la trique !
ah, quel monde cynique !
14. – Esprit, es-tu là ? –
Un soir, sautant du coq-à-l’âne,
peut-être te l’avais-je dit ;
dans le grenier de ma cabane,
ignorant le jour et la nuit
je gobais « l’écran », avachi ;
j’étais devenu monomane,
j’étais un téléphile soumis !
Don Diégo et le sergent Garcia
arrivaient à me faire rêver,
La Fronde arrivait sur leurs pas ;
j’aimais tout ce qui faisait trembler :
X-Files, Arthur… et Dorothée…
Quand l’autre dimanche, après la messe,
« histoires de chrétiens », je suppose,
deux philosophes, avec adresse,
nous abreuvaient à grande dose
de liqueur de métempsycose.
Trinquant alors à leur santé,
curieux de mon « après-demain »,
je me pris au jeu du « si après,
dans la rosée d’un frais matin
à mon tour je faisais le malin ! »
Si je débarquais en marcassin,
crois-tu que j’aurai belle mine
au bout du fusil du Julien ?
être convié à sa chopine
vaut mieux que plombs de chevrotines !
Mon bon abbé, si tu savais,
réincarné en ostensoir
l’espièglerie l’emporterait
et ton hostie au poivre noir
aurait le goût du désespoir !
Si je me réincarnais comme ci,
si je me réincarnais comme ça…
pour l’hiver, mes braves amis,
je vous conseille ce jeu-là !
je vous promets qu’à la veillée
vous rirez comme des bossus
et ne laisserez plus la télé
sur votre chef prendre le dessus !
sachez que cette « boite » vous tue !
depuis que j’ai vendu la mienne
peu à peu mes rêves reviennent
et pour la coupe de football,
au stade je loue un parasol !
15. – Le jour J –
Certains disent trente ans,
d’autres pensent cinquante,
le belge dit nonante…
pour la femme, il dépend.
Personne ne sait, au juste,
tant l’homme est compliqué,
dire à vue de psyché
quand fleurira l’arbuste
de la sérénité !
mais chacun sait qu’un jour,
aux branches du tilleul,
les pièces du puzzle,
flottant à contre-jour,
raviveront l’image
du vieux rêve oublié !
vivre de nudité
sur de nouveaux rivages
– eaux propres, haut figuré –
vivre de nudité,
mourir en liberté,
partir comme on est né ;
mourir, et ne plus revenir !
16. – Acrostiche à l’amour –
Fuyez le champ de haine !
Avancez donc gaiement
Ivres de race humaine !
Tutoyez l’argument !
Enlevez vos mitaines !
Saluez le printemps !
Le temps n’est plus rengaine…
’
Avec le nouvel an
Mielleuse est la fontaine ;
Orchestrée par les vents
Une cigale s’entraine,
Répète de nouveaux chants !
Prêtresses en paradis
Aimez faire ripaille !
Soyez donc à l’orgie
Les premières canailles !
Armez-vous de folie,
Gloussez dans la paille
Une tunique fleurie
Etoilée à la taille !
Rabattez ponts-levis,
Refusez la mitraille,
Enivrez-vous de vie !
17. – Les devoirs de la vie –
Suspendu aux murs blancs
de sa chambre de gosse,
le temps des premières bosses
n’est plus qu’un vieux roman.
Accablé, impuissant
face à l’adversité
il doit encore pleurer ;
l’amour est défaillant !
Il a le corps brûlant
des gamins de son âge,
mais lui, tourne la page
le jour de ses huit ans.
Les nuages du couchant
effacent souvent les traces
de ses rêves fugaces…
qui s’enfuient dans le vent ;
même si, soi-disant,
on ne meurt par désespoir,
il appréhende le soir
et ses cieux rougeoyants.
Suspendu aux murs blancs
de sa chambre de gosse,
le temps des premières bosses
n’est plus qu’un vieux roman.
Plus de déchirement,
de fracas, de colère…
la vie est éphémère
et l’adulte inconscient !
Hier encore, innocent,
il priait sans répit
pour que cessent les cris,
la détresse des grands !
Même si maintenant
plus personne ne le gronde,
d’autres lois infécondes
assaillent ses bégaiements.
Sur de nouveaux murs blancs,
alternativement
ses rêves se morfondent ;
il demeure seul au monde.
Il prie d’autres soleils
d’attendrir son sommeil
et la fée Carabosse
de lui rendre ses bosses.
Suspendu aux murs blancs
de sa chambre de gosse,
il guette le retour
du temps des vrais amours !
Au divorce des parents,
à de tristes huit ans,
aux devoirs de la vie…
qu’on oublie…
18. – Lettre ouverte aux cons de mon village –
Sans vouloir leur faire de la peine
je vous ai tant et tant causé
de mes bigotes, de mon curé,
dépeint au fil de mes poèmes
les héros morts au champ d’honneur,
livré quelques histoires de fesses
qui me sont venues de confesse,
bouté le maire, l’instituteur,
fait ricocher deux ou trois noms
parmi les meilleurs et les pires…
rimailleur ne devant médire,
je n’ai jamais parlé des cons ;
au grand jamais parlé des cons !
de ceux, qui, dans le pantalon
n’ont que graines de zizanie
qu’ils sèment à la saison des pluies
espérant une fière moisson !
de ceux, qui, lors des élections,
atteints de dégénérescence,
se livrent aux pires indécences
dans les vignes vierges du canton !
de tous ces pauvres imbéciles
qui trottent à côté du cheval
pendant que le voisin, jovial,
sur un être proche jubile !
Sans vouloir leur faire de la peine
je ne vois pas grand intérêt
à rendre publics leurs quolibets,
ce qui froisserait mon poème…
à moins que les rimes aient des vers,
que l’inspiration soit malade,
qu’elle ne voit le monde à l’envers
et pédale dans la marmelade !
Au diable les mots révolver,
la vengeance et les couillonnades…
la soupe chaude est sur la table !
19. – Entre « garrigue » et « Garros » –
Non de nom, qu’il doit être drôle
d’avoir son nom dans le dico !
danser la grande farandole,
suivant l’année, recto, verso,
avec des potes qui par le monde
ont tenu les brides un instant !
faire un peu d’humour et la ronde,
se prendre au sérieux pour semblant,
trouver quelque chose à se dire
avec la voisine du dessus ;
par chance, la mienne je l’admire !
vous allez rire, elle est barbue,
sur les joues deux touffes de thym,
à la moustache cent jonquilles,
et le menton au romarin…
comme tous les anges de la famille !
Ca par exemple, quelle surprise
de se voir un jour dans le dico
entre toutes ces matières grises,
qui sait, peut-être même en photo !
coincé parmi les grands du monde,
les dictateurs, les Présidents,
les prédicateurs, la Joconde,
les heureux, les fiers et les glands…
trouver quelque chose à se dire
avec le voisin du dessous ;
par chance, le mien je l’admire !
lui, ne suçait pas de cachou !
toujours dans le vent, aujourd’hui
son zinc tire des balles jaunes
sur les contreforts de Paris ;
au manche toujours il 1 se cramponne !
Dans l’ « Edition quatre-vingt-dix-huit »
je ne ronge toujours pas mon os,
je n’obtiens de satisfecit…
ni entre Garrigue et Garros
ne vois sur la ligne mon nom,
gueule ouverte dans l’encre noire,
boire la gloire comme un vieux con,
sans vouloir être blasphématoire ;
boire la gloire, comme un vieux con,
pour avoir écrit ses mémoires !
1 : Roland Garros (aviateur 1888 – 1918).
20. – Labastide, corps et âme –
Elle ne se perd en maquillage
aussitôt qu’elle quitte le lit,
n’écoute jamais les messages
d’un répondeur qui pépie,
elle fait griller au feu de bois
le pain qu’il reste de la veille
et dans les parfums d’autrefois
prend son déjeuner sous la treille ;
comme chaque jour que Dieu fait
Labastide murmure en secret.
Elle chasse l’abeille qui s’aventure
trop près du fromage et du miel,
qui dans le pot de confiture
naïve, cherche l’accès du ciel ;
la serviette à carreaux pliée,
le croûton remis dans la huche,
la salle de bain nettoyée,
la dentelle glissée sous la cruche
elle enfile le vieux tablier,
entrouvre la porte grinçante,
chasse deux ou trois araignées
qui s’encordent à la charpente…
comme chaque jour que Dieu fait,
Labastide chantonne en secret.
Elle est poésie populaire,
elle est amour, simplicité,
littérature extraordinaire,
effronterie, timidité ;
du « Casteillas 1 » qui veille en maître
à « l’Alsou » qui s’étire un brin,
un jour je vous ferai connaître
tout ce qu’elle possède de divin !
comme chaque jour que Dieu fait,
Labastide sifflote en secret.
Quant arriva le jour sans gloire
de faire mes valises et marcher,
gagner ma vie, courir les foires,
avoir la pièce pour becter,
je me suis assis sur la piale 2
et bien que le soir fût frisquet
je gravais là mes initiales
et passais la nuit à pleurer.
Mais aujourd’hui, et pour toujours,
à la fontaine j’ai gravé
que j’étais enfin de retour
et sur la piale j’ai pleuré ;
comme chaque jour que Dieu fait,
Labastide exauce vos souhaits !
Labastide n’a pas changé ;
pas une ride, un cheveu blanc !
seules quelques âmes pressées
ont préférées partir devant ;
qu’elles me gardent une place douillette
et me préparent un bon civet,
quand la faux fera la cueillette
hélas, je serai du panier !
1 Casteillas : colline qui surplombe Labastide-en-Val.
2 piale : nom d’une fontaine de Labastide.
21. – Avant que tout aille à vau-l’eau, dans le Val on l’appelait « Baro » ! –
Il s’en allait, clopin-clopant,
par quelque chemin de chevrier,
clopant-clopin, en mordillant
un brin de sauge ou de laurier,
en chantonnant, clopin-clopant,
entre les joncs et la sagesse,
clopant-clopin, l’air entraînant
d’un accordéon de jeunesse ;
avant que tout aille à vau-l’eau,
dans le Val on l’appelait « Baro » !
Comme chaque soir, clopin-clopant,
son souffle perdait l’âme en côte,
clopant-clopin, en souriant
il poussait quelques fausses notes,
mais en ses yeux, clopin-clopant,
pas une larme de tristesse,
clopant-clopin, toujours devant
à guetter la nouvelle ivresse ;
avant que tout aille à vau-l’eau,
dans le Val on l’appelait « Baro » !
Apprenez donc, clopin-clopant,
si le personnage vous intrigue,
clopant-clopin, qu’avec le vent
il causait en haut des garrigues !
ils étaient bien, clopin-clopant,
à refaire le monde et les gens,
clopant-clopin, sur le versant
à prendre le frais un moment,
à pardonner, clopin-clopant,
ceux qui les ont mis en colère,
clopant-clopin, tous ces marchands
de sacrifices et de guerres,
et les autres, clopin-clopant
ceux qui… mais à cette heure,
clopant-clopin, du mauvais sang
Jeanne se faisait à la demeure ;
avant que tout aille à vau-l’eau
dans le Val on l’appelait » Baro » !
Alors, sortant clopin-clopant
de l’épais tunnel de feuillage,
clopant-clopin, comme un enfant
qui fermerait son livre d’images,
il traversait, clopin-clopant,
le pont et cherchait sur la rive,
clopant-clopin, quatre arguments
pour se justifier de l’heure tardive ;
avant que tout aille à vau-l’eau,
dans le Val on l’appelait « Baro » !
Et le lendemain, clopin-clopant,
par quelque chemin de chevrier,
clopant-clopin, en mordillant
un brin de sauge ou de laurier,
en chantonnant, clopin-clopant,
entre les joncs et la sagesse,
clopant-clopin, c’est dans le vent
que les souvenirs toujours renaissent ;
avant que tout aille à vau-l’eau,
dans le Val on l’appelait « Baro » !
22. – Les tuteurs de Villetritouls –
Alors que je paillais les trous…
à la mairie, lorsque j’y pense,
– que Dieu me protège de tout –
les maladifs de basse-panse
prêtaient leur corps à la science.
On vit quand même une drôle d’époque ;
l’homo erectus ne file droit !
bref, tous ceux qui la nuit se bloquent
entre le désir et les draps
venaient tester le dit « Viagra ».
Par les coteaux de Villetritouls 1
je venais de tuter le grillon
et je rentrais un peu « sadol » 2
le béret sur les bottillons,
dans le village en ébullition.
En passant devant chez Margot
les contrevents étaient en voûte ;
au dire des spasmes et des sanglots
là-haut on sonnait la déroute !
la pilule bleue, sans aucun doute !
Chez Madeleine à qui l’on donne
le petit Jésus sans confession
tant elle est vieille et maigrichonne,
les flammes d’un retour de saison
foutaient le feu à la maison !
Et je ne parle pas de Ginette
ni du bon Monsieur le Curé
débraillés de la chemisette,
le froc tombant sur les souliers,
mêlant leurs quatre voluptés !
A quoi bon passer en revue
ceux, qui d’ordinaire si sages,
pour une fois ont le feu au cul,
tombent les bretelles des corsages
et ventilent un peu leur plumage ?
Par les coteaux de Villetritouls
demain je tuterai le grillon
et quand j’en aurai un « sadol »,
le calbut en accordéon
je m’en irai tuter le jupon !
1 Villetritouls : village du Val-de-Dagne.
2 « sadol » mot occitan signifiant « rassasié »
23. – Demain, j’essaierai de mieux faire –
C’est un recueil inachevé,
une ballade bien ordinaire ;
s’il en est un autre je promets,
s’il en un autre, de mieux faire…
d’aller cueillir la rime fruitée
sur le versant de la montagne,
de suspendre la vérité
tout en haut du mât de cocagne,
et de puiser à l’océan
les cris du marin disparu,
de gueuler, comme un goéland,
merde aux vieux chaluts qui polluent !
C’est un recueil inachevé,
une chanson bien ordinaire ;
s’il en est un autre je promets,
s’il en est un autre, de mieux faire…
où je lèverai sans cesse le poing
aux faux-culs qui nous oppriment,
brandirai la faux, bon matin,
aux nouveaux collecteurs de dîme,
prendrai les autres par la main
même si l’idée paraît vieillotte,
et n’espèrerai plus demain
au travers d’un bulletin de vote !
C’est un recueil inachevé,
une complainte bien ordinaire ;
s’il en est un autre je promets,
s’il en est un autre, de mieux faire…
j’y ferai place nette à l’amour,
à la jeunesse court-vêtue,
j’inviterai les troubadours
et tous les plaisirs disparus,
puis, à la fraîcheur des sous-bois,
aux colliers tressés de jonquilles,
j’accrocherai des vers de choix
pour que mes textes vous émoustillent !
C’est un recueil inachevé,
une romance bien ordinaire ;
s’il en est un autre je promets,
s’il en est un autre, de mieux faire…
où je décrirai, doux sémaphores,
tes parfums, tes rires, tes yeux,
ferai naître d’autres aurores
pour y voir danser tous nos vœux
et découvrir au jour mourant
nos désirs aux chants des oiseaux,
puis disparaître nus et tremblants
au cœur d’un champ de coquelicots !
C’est un recueil inachevé,
une mélodie ordinaire ;
s’il en est un autre je promets,
s’il en est un autre, de mieux faire…
un recueil de joie et d’images,
de belles histoires pour les enfants
remplies de tendres personnages
aux faits et gestes surprenants,
et faire rire ces bouts de choux,
jurer, croix de fer, croix de bois,
que si l’adulte est bien trop fou
ils pourront rêver avec moi…
car je suis toujours un enfant,
et moi seul, aujourd’hui, les comprends !
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