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Horizon atteint . Stop . Retour tranquille . Stop (livre 1) 2018

         à Elyne et Miléna,

                                                                                                    mes petites filles.


Mise en bouche

 

      Puisque tu es toujours là malgré les temps qui courent, l’ami, puisque à ce jour tu es aussi passé au travers des guerres, des fous, des tornades, des inondations, des maladies, des burnouts et de toute la clique des autres invitations alléchantes de la vie, profite de la douceur de l’automne pour lire mes nouvelles poésies !

  De toute façon ne perds pas de temps à aller aux cèpes car la forêt est aussi sèche que le Sahel, cette année, et tu ne verras même pas la queue d’un faux champignon… à moins d’aller tutoyer les profondes futaies pyrénéennes !

  Non, crois-moi, sers-toi ce qu’il faut avec les cacahuètes, les fritons et les rondelles de saucisse qui vont bien, et laisse-toi emmener, comme de bien entendu, où la rime voudra te conduire !

  Cette fois-ci, pour débuter, je vais te raconter quelques-unes de nos archives viticoles familiales. Ensuite tu viendras avec moi faire un tour dans les années soixante et je mettrais bien ma main au feu si tu ne t’y retrouvais pas !

  Labastide-en-Val à l’heure de la première télévision, ha, ça aussi ça va te rappeler quelque chose !

  Tu reverras les filles des bals d’été, la mob, les orchestres, les lampions !

  Puis viendront les vendanges et puis poindra l’hiver. Au printemps nous nous assiérons à la table du jardin, nous parlerons de la vie qui va avec ses certitudes et ses questionnements, et lorsque la vie n’ira plus nous trouverons encore une porte de sortie !

  Nous évoquerons ces vignerons dont la récolte gelée sera maigre cette année et je te parlerai de ces touristes que j’ai aperçus sur la Montagne d’Alaric !

  Tu verras comme s’est passé notre dernier vide-greniers. Nous exprimerons aussi la solitude et l’amour !

  Tu me suivras sur les chemins entre Beauce et Berry, puis nous dépeindrons la vie des frères Maccabées !

  J’essaierai aussi de te faire entrer dans l’univers d’un homme enfermé pour un méfait qu’il n’a jamais commis !

  Jean, comme Coco Chanel, s’inviteront au fil des pages, ainsi que d’autres amis du Gers ! Nous irons en Bretagne, à Lilia pour un moment d’exception et nous clôturerons ce recueil au pied de la Tour Eiffel tout en écoutant la Sonate au clair de lune !

  Le programme te convient ?

  Alors bonne baguenaude, mon frère !                                                          J.G


Table des Poèmes  –

 

  1. Archives de famille.
  2. Ce jour là.
  3. L’indicatif éternel.
  4. On a beau faire, on a beau dire.
  5. Le vent n’est jamais bleu, le vent n’est jamais rose.
  6. Le mémorialiste.
  7. Le grand moment de la reviviscence.
  8. L’accent de l’âme.
  9. La table.
  10. A vous quatre.
  11. Faits établis.
  12. Apparences trompeuses.
  13. Jouissances de rue.
  14. Nuit de veille.
  15. La route étroite.
  16. Dernière contredanse.
  17. La princesse éreintée.
  18. Par deux mots, deux mots seulement.
  19. La perdrix et les deux faisans.
  20. Un après-midi majuscule.
  21. Pas d’amélioration en vue.
  22. Il ne pleut que sur les mouillés.
  23. Le présumé coupable.
  24. Au fond, Jean.
  25. Coco, par Gabrielle.
  26. L’amitié de nos hôtes.
  27. Séjour en Bretagne ; flash-back.
  28. « Aude » à la grande Dame de fer.
  29. Le 1 er mouvement de la Sonate au clair de lune.
  30. Le Poète d’en bas.

1.  – Archives de famille

 

Mon père faisait du vin, son père faisait de vin,

son grand-père, son arrière-grand-père faisaient du vin…

les barriques gonflaient, les bouteilles s’emplissaient

et les vendanges en une ronde se succédaient.

 

j’y lus que Bonaparte, le dix-huit Brumaire,

prit avec notre grenache une cuite extraordinaire ;

que s’il rentra d’Autriche et d’Egypte en héro

ce fût grâce à nos muscats et nos vermentinos !

 

Nos archives étant tenues consciencieusement,

à la plume d’oiseau depuis la nuit des temps,

on y lit qu’après la prise de la Bastille,

à la place du vin de Paris, qui pétille,

 

les émeutiers en liesse, marquant l’évènement,

firent sauter les bondes de notre carignan…

et Marie-Antoinette, il est écrit plus loin,

se goinfrait des grappes rousses de notre chenin !

 

Je ne vous surprendrais guère si j’ajoutais

que rue de l’Estrapade, dans sa chambre mansardée,

Diderot rédigeant son Encyclopédie

se délectait de notre mourvèdre jour et nuit !

 

On dit même qu’Henri IV, pour la poule au pot,

aux vins de Gascogne préférait notre cinsault,

et que Jeanne d’Arc, sur son fidèle destrier,

en croquant de l’anglais tétait notre viognier !

 

Charlemagne en huit-cent préférait l’aramon,

que nous acheminions pour lui jusqu’à Soisson,

et lorsque Clovis, roi des Francs, fut couronné,

à Reims notre chardonnay coula à volonté !

 

Pour que l’Alfa de Fangio ne tombe pas en panne

on rajoutait au plein deux verres de notre marsanne…

et Garrigou, en jaune, en haut du Tourmalet

en onze gagna le tour grâce à notre rosé !

 

Si plus avant nos archives demeurent muettes

c’est que le merlot, la syrah et la clairette

n’avaient encore étiré leurs pampres au soleil ;

ni « nez d’agrumes » pour l’heure, ni « robe vermeil »…

 

mais je n’ai aucun doute, si nous eûmes eu des vignes

à l’époque où « Lucy » chassait l’ours et le cygne,

elle aurait apprécié notre blanquette-fraise

sur un magret de pélagornis à la braise !

 

Quant à moi, pour qui la terre est hélas trop basse,

je vais cueillir la rime au fin fond de l’espace ;

je bois tous les alcools que m’offre la Voie Lactée…

et comme les cigales je chante tout l’été !

 

Adieu souches, sarments, grapillons et raisins,

je m’accroche plutôt à l’écorce des pins

où sur la résine tiède je me frotte le ventre !

que voulez-vous, Dieu, en moi voulut un chantre !


2.  – Ce jour là

 

 

En ce temps-là, Pâques venue,

les enfants changeaient de tenue ;

cabans longs et pantalons courts

mêlaient aisément leurs atours.

 

Prévoir le temps n’étant commode…

le glamour n’étant à la mode…

de l’affaire on s’accommodait ;

et l’habitude satisfait !

 

Les souliers hérités d’un frère,

un foulard prêté par mon père,

la casquette « enfant de la balle »

et les chaussettes inégales,

 

fondu dans l’intime décor

je descendais la rue du Nord

jetant un œil fier et furtif

à l’oiseau bleu de l’objectif.

 

Notre bistro venait d’ouvrir ;

Marius, les cartes et le Byrrh

m’étaient un bouquet familier ;

je descendais donc au foyer…

 

non que je joue ou que je boive,

mais j’écoutais parler les braves

du vin, du ministre et du temps,

et lippais leurs raisonnements !

 

Ce jour-là, c’était un dimanche.

Ce jour-là, j’avais carte blanche

pour rejoindre mon père au café…

un bon moment… sans dépasser !

 

C’était bien le jour du seigneur,

et j’avais dû, à contre cœur,

dans un grand cuvier d’eau moussante,

m’asseoir, toutes affaires cessantes !

 

Tout juste si la salle de bain

venait de débarquer du train…

et Fontiès est loin de la gare !

Le progrès viendrait ; dare-dare !

 

J’avais ensuite mis les habits

du dimanche. Hé, tiens donc ! pardi !

en ce temps-là on se changeait

le dimanche de la tête aux pieds !

 

Puis après m’être endimanché,

dans leur plus grande intimité

j’allais pouvoir gober les dires

des braves qui mêlaient aux rires

l’accent grave du point levé !

 

Vous m’avez appris les couleurs,

les parfums de l’âme et du cœur ;

vous m’avez appris les bontés

de la colère et de la paix !

 

Trop d’entre vous ont pris le train…

pas celui de la salle de bain…

celui qui part d’un autre quai ;

devrais-je dire d’un autre chai !

 

Que Marius se tienne prêt,

bientôt nous serons au complet !


3.  – L’indicatif éternel

 

32 Avenue des marronniers,

j’avais six ans, j’étais un homme,

j’allais sans frein, à plein mollets

sur ma bicyclette polychrome,

 

les rayons battant un carton

fixé par une pince à linge,

un drapeau rouge sur le guidon,

mille cigales aux méninges !

 

Entre la place et le café,

le jardin, la vigne et le ciel

je conjuguais mon poulailler

à l’indicatif éternel !

 

32 Avenue des marronniers,

j’avais seize ans, j’étais un homme,

et je tenais aux bals d’été

la main fraîche d’une jolie môme

 

que ma « bleue » selle longue amenait

au rythme suspendu des lampions ;

au vent chaud l’amour s’accrochait,

ses parfums aux chromes du guidon.

 

Entre les filles et les copains,

les bécots, la mob et le ciel

je conjuguais mes fiers béguins

à l’indicatif éternel !

 

32 Avenue des marronniers,

j’avais mille ans, j’étais un homme ;

d’admirables chemins s’embouchaient,

mes anges semblaient heureux at home…

 

seule l’insouciance était de mise ;

je picorais au gré du temps,

aux frairies ou derrière l’église

aux flammes des chandeliers d’argent !

 

Mes amis riaient de bon cœur,

mes belles croquaient l’arc-en-ciel,

je conjuguais chaque saveur

à l’indicatif éternel !

 

32 Avenue des marronniers,

j’avais vingt ans, j’étais parti…

je jouais ripe pour travailler,

le paradis était fini !

 

Plus d’innocence et plus de mob,

plus de main blanche, plus de bécots ;

je roulais dans mon papier Job

d’autres tabacs ; Ecce Homo !

« Voici l’homme ! »

 

Je ne voyais guère les copains

qu’entre deux femmes et trois mômes…

le paradis me semblait loin,

les chandeliers d’argent des fantômes !

 

32 Avenue des marronniers,

j’ai cinquante ans… et des brouettes…

et je ne puis que conjuguer

au jour le jour, à l’aveuglette

 

le temps présent, la société,

demain, la couleur des lampions…

et ce que je n’ai jamais fait…

parce que trop jeune… ou vieux con !


4.  – On a beau faire, on a beau dire

 

Parce qu’à un an, roulant de tabliers en chemises,

mon âme, conquise par les tendres exhalaisons

des fragrances rassurantes des femmes de la maison,

se forgeait à l’enclume de ces essences exquises,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce qu’à cinq ans je guettais le retour des hommes

s’en revenant des vignes, le visage radieux,

de la terre au sabot, des rouquettes au cheveu,

à la lippe toujours des histoires polychromes,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce qu’un automne m’apportait le pull de laine,

le cartable de cuir, la blouse et les crayons,

que j’étais équipé comme un vieux tabellion,

plus fier qu’un Toro grattant le sable de l’arène,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce qu’une autre saison m’offrait le vieux fusil,

la gibecière ouverte au grand vent des coteaux

d’un illustre chasseur de sangliers, de perdreaux ;

qu’avec les autres j’allais vêtu de kaki,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce que dès lors la vie m’enseignait ses musiques

par le mors de la meute, les senteurs du sous-bois,

la fuite de la bête, l’odeur du tournoi,

le soleil au zénith et la pluie froide oblique,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce que l’adolescence m’accordait l’apanage

de copains, de boutons, d’un petit job d’été,

de sirènes émergeant de rivières bleutées,

de la clé ses songes et d’un barreau de cage,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce que la vigne, ensuite, m’accordait son amour,

des feux de sarments que l’on faisait tout l’hiver

aux raisins qu’on cueillait en pantoufle de vair,

des eaux des floraisons aux poussières des labours,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce tous m’enseignaient les comédies du temps

avec le bon sens et la foi des hommes sages,

qu’ils m’apprenaient à me fondre dans le paysage,

et faire désormais corps avec les éléments,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce que mes premiers poèmes, avec mes enfants,

venaient rire en mon être et réchauffer mes sens,

parfumer mon antre de leurs bâtons d’encens,

courir sur les satins jaunes de mes divans,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce que j’ai fui les noirceurs de la politique,

parce que j’ai fui les noirceurs de la religion,

parce que je ne subis plus la moindre pression

parce que je me revendique fol excentrique,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Parce qu’elle me tient la main sur le sable et la roche,

parce que ses yeux sont tendres et son corps parfumé,

parce que ses mots sont doux, parce qu’elle vit en été,

parce qu’elle n’a qu’amour et musique en poche,

 

ma jeunesse demeure, intacte et sans accroc.

 

Et quand la faux viendra me quérir, en riant,

qu’elle m’emportera, croyant faire justice,

sur son dos, en pleurant, vers mes nouveaux hospices,

la vieille se coltinera mon âme d’enfant !

 

On a beau faire, on a beau dire

jamais on ne change les gens ;

jamais,

jamais on ne change les gens !


5.  – Le vent n’est jamais bleu, le vent n’est jamais rose

 

le vent n’est jamais bleu – le vent n’est jamais rose…

 

En ce temps-là sous le café

était la télé communale ;

je ne veux pas rouvrir la malle

remplie d’étoiles surannées,

 

ni rouvrir mon âme aux regrets,

ni choisir entre deux époques,

ou deux amours, ou deux bicoques…

de tout il faut s’accommoder…

 

mais puisque deux bribes me reviennent

laissez-moi vous conter la chose ;

le vent n’est jamais bleu – le vent n’est jamais rose…

revenons aux choses anciennes.

 

Le conseil avait installé

la télé sur une étagère

fixée entre deux murs de pierres

et les vivats de l’assemblée ;

 

nous étions soixante au village,

et sur les deux rangées de banc

nous étions là soixante enfants

à boire les mêmes images !

 

Je revois encore, bouche bée,

des papillons dans le regard,

ces ménines 1 et ces vieux brisquards

que la vie avait martelés…

 

je les revois rire de bon cœur

en se trémoussant sur les planches

et se frottant le nez des manches,

unis en un simple bonheur…

 

 je les entends pester parfois,

je les revois lever le poing,

réagir à brûle-pourpoint

contre les menteurs de l’Etat…

 

je les revois encore au débat

suivant « Les Dossiers de l’écran 2 »

pesant la grive et l’ortolan

le plus naïvement qu’il soit !

 

le vent n’est jamais bleu – le vent n’est jamais rose…

 

Je me souviens des « Raisins verts »,

de « La Caméra invisible »…

des sautes d’humeur du fusible,

des fichus de la vieille Esther…

 

du « Palmarès de la Chanson 4 »,

comme de « Chef-d’œuvre en péril 5 »,

des réparties du brave Emile

et des rires fous de Gaston…

 

Je revois « La Piste aux Etoiles 3 »,

et les adieux de Jacques Brel 6 »…

la télé sur le maître-autel

et les fidèles autour du poêle…

 

je me souviens d’ « Au Théâtre ce soir 6 »…

du tintement des derniers verres,

des bises sous le réverbère,

des pas repartant dans le noir.

 

Puisque deux bribes me reviennent

laissez-moi vous conter la chose ;

le vent n’est jamais bleu – le vent n’est jamais rose…

on se perd dans les choses anciennes !

 

L’Emile acheta la télé

et ne revint plus à la salle ;

bientôt on ne vit plus ses châles,

Esther acheta la télé…

 

puis comme un virus qui se donne

par le désir ou la fierté

d’autres achetèrent la télé…

l’un au printemps, Gaston en automne…

 

une poignée encore pour Noël…

peu à peu la salle se vida.

La télé ? On la débrancha.

Ce jour-là on perdit le ciel !

 

Le vent n’est jamais bleu – le vent n’est jamais rose…

mais je vous ai conté ces choses…

bien qu’elles n’aient rien d’exceptionnel !

 

1: ménine : de l’occitan menina (grand-mère)
2 : Emissions TV 1967 
3 : Emissions TV 1964 
4 : Emissions TV 1965
5 : Emissions TV 1962 
6 : Concert J.Brel 1966 / Emissions TV 1966

6.  – Le mémorialiste

 

Ils étaient treize à table et la soupe fumante

embuait les yeux noirs du vigneron heureux.

Des planches sur des tréteaux, une nappe amarante

comme le jus des raisins charnus et soyeux

qui cranaient au soleil, par-dessus les ridelles…

puis le sourire à l’âme, le sourcil perspicace

des braves vendangeurs aux ceintures de ficèle

qui trempaient dans leur soupe de gros bouts de fougasse.

 

Ils étaient treize à table, les cieux étaient limpides,

si limpides qu’on pouvait y voir Dieu satisfait

d’une pareille récolte sur ses terres arides

et des tonneaux qui boudineraient dans le chai ;

et pêle-mêle, dans l’herbe, la fatigue et les seaux,

les sécateurs et la hotte un instant à l’écart,

la bonbonne de moût et les bouteilles d’eau,

les ponchos, les bonnets, les musettes, les foulards.

 

Ils étaient treize à table et le pâté maison

côtoyait le civet et les haricots blancs,

les fromages, le pain noir et le saucisson

sur la nappe amarante au giron bon enfant ;

et bon enfant le vent qui caressait la table,

les souches et le coteau, la remorque croulante,

l’amitié de ces gens, toujours infatigable,

blanche comme l’aube des anciennes communiantes.

 

Ils étaient treize à table et je n’en voyais qu’un ;

tant ils étaient unis un seul corps s’avérait !

un unique regard, un sublime parfum,

un présent éternel plus qu’un plus-que-parfait !

Ils étaient treize à table, nul ne l’avait remarqué,

pourtant, chez ces gens-là empreints de dévotion

on signe toujours le pain avant de le briser

et le Vendredi Saint fait frire ses poissons !

 

Ils étaient treize à table et Dieu se délectait,

tout comme moi d’ailleurs, de ce tendre tableau.

Sur la rive les rosiers des chiens s’embranchaient

et les rouges-queues promenaient leur pinceau.

Cette année-là septembre se voulait obligeant

tant pour les gens de vigne que les mémorialistes,

alors je pris pour plume le plus fin des sarments

et mit une virgule sur chaque fleur de ciste.


7.  – Le grand moment de la reviviscence

 

Des rouges-gorges vifs sur les pyracanthas,

des moineaux sautillant au milieu du chemin,

des feuilles lâchant prise et se brisant les reins,

derrière la buée des carreaux de gros chats ;

pas une once d’air sur les toitures chagrines

à l’idée de porter le fardeau de l’hiver ;

sur les cerisiers des mésanges au chant amer,

des fumées parfumées aux canons des cuisines…

 

c’est la neige vous dis-je,

c’est la neige qui vient !

 

Et le ciel commué en un nuage unique,

le silence annonciateur d’un ébranlement,

et la couardise des chiens dans leurs aboiements,

et la respiration mesurée, liturgique ;

et le pas lourd d’abord, le bien-être qui s’ensuit,

la nature muette dans cette expectative,

et le mulot qui traverse, sur le qui-vive,

et la musique en tête et le vide d’ennui…

 

c’est la neige vous dis-je,

c’est la neige qui vient !

 

Le cœur vibre plus fort car c’est un bout d’enfance

qui vous vient et vous prend et vous guettez l’azur ;

l’âme vibre plus fort car ce fol clair-obscur

est lézardé de guirlandes d’exubérances !

et le corps va naïf où la chimère le hèle

au travers de passages d’ordinaire épineux,

il ne sait s’il est même ou très jeune ou très vieux ;

et l’esprit va oisif ; l’alcool se fait la belle…

 

c’est la neige vous dis-je,

c’est la neige qui vient !

 

C’est le « moi » qui voudrait et le « ça » qui quémande,

le « surmoi » pour l’occase qui détourne le regard,

le carnaval céleste qui promène ses chars,

le ragoût de Noël qui remplace la provende !

voici le grand moment de la reviviscence,

la jouissance extrême de l’instant attendu,

voici l’instant magique où la neige tombe drue ;

être à nouveau l’enfant, voici la récompense.


8.  – L’accent de l’âme

 

Si mon jardin, à Fontiès, est méditerranéen,

ce n’est pas parce que deux oliviers s’y révèlent,

l’un sous le vent de Cers, l’autre le vent Marin

et les cantilènes d’un ménage de tourterelles…

 

Si mon jardin, à Fontiès, est méditerranéen,

ce n’est pas pour son buisson de millepertuis,

sa treille de solanum, ses parfums de jasmin,

ni ses roses trémières, ni ses chauves-souris,

 

son puits de pierres sèches, son cyprès, ses lavandes,

ses arums en ringuette et ses menthes quillées,

ni pour son choitzia, ni pour ses agapanthes,

ni pour la quintessence d’un cénacle de rosiers…

 

Si mon jardin, à Fontiès, est méditerranéen,

ce n’est pas qu’il concoure aux ballets d’hirondelles,

aux tangos des xylocopas sur les lupins,

les lauriers, les sauges et toutes fleurs nouvelles…

 

ni pour les colloques d’étourneaux sur le tilleul,

les concerts de cigales qui y chantent en latin,

pour le couteau rouillé, la pelote de ligneul,

ni pour les papillons sur les chignons de thym…

 

ni pour le soleil qui peint d’or les vieilles pierres,

ni pour les lézards qui s’y dorent constamment,

ni pour la quiétude, les étoiles et la lumière

qui sont les épices de mes envolements…

 

mais parce qu’il est ici, courant sur les murettes,

agrippé aux murailles, rampant sur l’herbe rase,

léchant le tire- botte, le manche des binettes,

le manche des râteaux, la terre cuite des vases…

 

l’accent fier et fripon des terres du Midi !

 

Celui de Marcelin portant dans sa musette

la colère de ses frères vignerons à Paris ;

de Dame Carcas au fenestrou de l’échauguette

lançant à Charlemagne des quolibets fleuris ;

 

l’accent roque d’Alaric sur sa terre des Gaules,

et celui de Jaurès qui ferraillait la paix ;

celui de Nougaro, le vieux, au Capitole,

et celui de la jeunesse du mois de Mai ;

 

et parce qu’il est aussi l’accent de mes aïeux

qui de leurs chaises de paille se rappelaient la guerre,

le rationnement, les médaille, le couvre-feu,

tout en vidant cul-sec le quinquina des verres…

 

et parce qu’il est aussi l’accent de mes aïeules

qui écossaient les fèves, qui plumaient la volaille,

concassaient les olives et le blé à la meule

rêvant aux robes immaculées des épousailles…

 

et parce qu’il est aussi, ce soir la preuve en est,

l’accent des retrouvailles et des rires amis.

Avec amour je l’égrène comme un chapelet

et j’en croque les graines comme du pain béni…

 

car il est là, dans l’âme, le seul accent de vie !

 

1 Marcelin Albert : meneur de la révolte des vignerons du Midi en 1907.

9.  – La table

 

C’est une table autour de laquelle, entre amis,

on aime à regarder voler les hirondelles

en buvant à grands rires les bienfaits de la vie

et croquant pêle-mêle les dernières nouvelles.

 

C’est une table à l’ombre d’un tilleul centenaire,

du bout de laquelle une mésange, parfois,

zinzinule au gros chat, d’un ton autoritaire,

de ne point s’approcher de son nid sous le toit !

 

C’est une table livrée aux caprices du temps

que jamais une nappe, aussi riche soit-elle,

 n’habillerait mieux que le gel, les feuilles, le vent,

les brins de duvet lactescent des colombelles !

 

C’est une table léchée par des iris jaunes,

de l’herbe chevelue et des coquelicots ;

on y sent jour et nuit la paix qui papillonne

et l’on y voit fleurir des grappes d’escargots.

 

C’est une table de jardin des plus banales

à laquelle jamais une muse ne vient

pendre en robe des nues ses lèvres à la timbale

des lubies de mon l’âme ni m’offrir le tétin !

 

Seul, sous les tortures de la chair et l’esprit,

assis à cette table et voûté à la tâche,

ploutocrate jongleur de modus vivendi,

des souvenirs d’openfield plein la sabretache

 

à la corde de rimes et l’aiguille de baume

sur la table d’or je lie des gerbes d’idées,

à l’envers, à l’endroit, merveilleux palindromes,

étonnants alcools d’un esprit illuminé !

 

Tout ce qui m’est remembrance s’agite sur la table :

des parfums, des visages, des feux et des étoiles…

et l’on y voit bientôt s’y construire des fables

où cent moines y côtoient mille Sardanapale !

 

On y voit des guirlandes, des exagérations,

des broderies encadrant de fausses certitudes,

on y surprend des secrets en pleine éclosion…

et la mésange veillant avec inquiétude !

 

Puis mes divagations s’estompent et le gros chat

s’installe de tout son long sur mes poèmes chauds ;

lorsqu’un moment après c’est le chat qui s’en va

la mésange revient gober quelque escargot !

 

Au travers du tilleul, la lune, maintenant,

pose son doigt brillant sur la table assoupie ;

sûr que ma sabretache a capturé l’instant

et qu’il sera l’objet d’une prochaine poésie !

 

Je me lève et m’en vais laissant mon attirail ;

demain je reprendrai le fil de mon travail !


10.  – A vous quatre

 

Peu importe qu’un jour le thym ne fleurisse plus ;

pour qui exhale-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour proche le soleil implose ;

pour qui s’entête-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour le ruisseau soit à sec ;

pour qui serpente-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour les cigales se taisent ;

pour qui craquètent-elles encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour les gratte-culs s’étiolent ;

pour qui mûrissent-ils encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour l’école ferme ses portes ;

pour qui le poêle fume-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour brûlent les cahiers de morale ;

pour qui la déférence subsiste-t-elle encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour se fanent les drapeaux rouges ;

pour qui la lutte est-elle le point du jour encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour gauche et droite se perdent ;

pour qui les idées usées prônent-elles encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour la petite église s’effondre ;

pour qui doit-elle demeurer debout encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour nous ayons cru à Dieu ;

pour qui sa main sera-t-elle salvatrice encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour on nous donna le message ;

pour qui a-t-il l’odeur de la justesse encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour la camarde nous alpague ;

pour qui la fin est-elle une idée noire encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour je ne cuisine plus

ces tendres allégories que je cueille dans les nues ;

pour qui donc mes images clopinent-elles encore

sinon les gens de vignes, vous quatre, et les grillons ?


11. – Faits établis

 

Ici le jour s’accroche encore aux candélabres

en ultimes lueurs d’écumes et de remords,

s’agrippe et se suspend, joyeux et misérable,

en son âme envolé, déchiré en son corps…

 

puis, dans l’instant d’après, la nuit qui gomme tout

l’écrase et le balaie dans l’éclatant sépulcre

de chattes en rut, du chant ferré des verrous

et des semonces impitoyables des pendules !

 

Dans le bruit des voitures nez à cul dans les rues

l’aube nouvelle mêlera aux croissants chauds

les parfums d’habitude et les fessiers charnus.

Les caves boiront l’air coulant aux soupiraux.

 

Là-bas, dès l’aube, c’est le gel qui est tombé

sur le vignoble nu et les raisins naissants ;

de vert tendre à noir sec les vignes ont mutées

et les hommes aux yeux libres se réveillent en pleurant.

 

Ils ont beau passer chaque parcelle en revue

c’est le même uniforme à longueur de coteau.

Durant leurs derniers rêves ces hommes ont tout perdu ;

cette année leurs soupirs empliront leurs tonneaux.

 

Bien sûr ils sauveront ce qui peut encore l’être ;

peut-être une assurance couvre les rameaux roussis !

Puis ils jetteront un œil noir au thermomètre

comme si l’ustensile les avait trahis.

 

Les cigales plantées sur l’écorce des souches

chanteront cet été à la rage du soleil ;

elles n’auront que d’âpres messages à la bouche

et des envies d’ailleurs au bout de leurs orteils.

 

Et Dieu, là-haut, pieds nus sur l’éclatant ciel bleu

tue son éternité en baillant aux corneilles !

Alors que sur terre tout est à sang et à feu

l’homme, tranquillet, dort à l’ombre de sa treille !

 

Délaissant ses agneaux quand il vente ou il gèle,

Ignorant le lot des misères citadines,

au lieu d’aider l’homme à penser l’ère nouvelle,

Dieu,

se complait à le voir concourir à sa ruine !

 

« Si la foudre d’abord accablait les coupables 1  ! »

Il n’est là que de la littérature, Racine !

 

La Thébaïde :  Tragédie en 5 actes et en vers de Jean RACINE de 1664.

12.  – Apparences trompeuses

 

J’étais en haut de l’Alaric,

derrière un genêt, je comptais…

naturellement pas mon fric,

mais les nuages qui montaient,

le feu au train vers l’océan,

via Gimont et Mont-de Marsan.

 

Il buffait 1 un de ces ventàs 2

à mettre les buses à la diète !

un putanièr 3 de Marinas

à vous ramollir la quéquette,

à filer l’arthrose aux ménines

et vous mettre d’humeur chafouine !

 

Mais que voulez-vous, comme un pèc 4

sur l’Alaric j’aime compter…

naturellement pas mes copecks

ni les wisigoths sous mes pieds,

mais sur un bon moment de pause ;

perdre l’esprit à d’autres choses !

 

Entre la musique des pins

et la danse des fleurs de cistes,

dans des parfums de romarin

et des éthers surréalistes…

là, dans cet autre entendement,

entier je m’offre aux sacrements !

 

Et il n’est pas rare que je revienne

avec quelques rimes sous le bras,

que j’aurais cueillies à l’ancienne

à la serpette de l’émoi

sur ces branches de fenouil bleu

qui relient la terre et les cieux !

 

J’étais donc derrière un genêt,

à la cime de l’Alaric,

quand de par Monze je vis monter

une sorte de Renault Trafic,

que je pris pour celui des flicards ;

il était là qu’un camping-car.

 

Il stoppa sous la barre rocheuse ;

huit occupants en descendirent :

six esbroufeurs, deux enjôleuses…

vous pouvez en croire mes dires !

Que faisaient-ils sur ma montagne,

là-haut sur mon mât de cocagne ?

 

Sortis de la boite à pandore

Asselineau monta la table,

Mélenchon déplia le store,

Dupont-Aignan, corvéable,

alla chercher un peu de bois,

Hamon prépara les abats…

 

Cheminade sortit les chaises,

Marine le pâté campagnard.

Puisque Aignan soufflait sur les braises

Lassalle sortit le Ricard.

Arthaud dans une grande assiette

mit les fromages de biquette…

 

Hamon ouvrit la ménagère,

Asselineau mit les couverts,

les olives noires dans un verre,

Arthaud entama le Munster

et Marine dans la marinade

mit le laurier et la poivrade.

 

Puis l’heure enfin fut à trinquer

à la folle jeunesse, l’insouciance,

et tous s’empressèrent de becter

l’agneau de toutes espérances

en trempant de gros bouts de pain

à la sauce des boute-en-train.

 

Tandis que du poste du camion

une fine brise musette

enveloppait d’accordéon

ce chapelet d’anachorètes,

je revins à ma simple vie

de pauvre poète maudit.

 

Vous qui entrez dans les églises,

vous qui avez voté Macron,

entre celui qui poétise

et celui qui suit les canons

y-a-t-il un fruit mûr, un fruit sec ?

y-a-t-il un sage, y-a-t-il un pèc ?

 

1 buffait : patois – mélange de bufar (souffler en occitan) et souffler en français.
2 ventàs : mot occitan signifiant grand vent.
3 putanièr : mot occitan signifiant salop.
pec : mot occitan signifiant stupide, sot, niais.

13. – Jouissances de rue

 

En ce vide-greniers on y vendait des âmes,

des pièces de cinq francs et des bonnets de nuit ;

une table était recouverte de bonnets d’âne,

et l’on pouvait acheter des corps alanguis ;

une brouette de chaussures attendait des pieds,

trois paires de gants de laine attendaient l’hiver,

un chien bleu à roulettes de se faire adopter,

un chat maigre y faisait les cent pas à l’envers ;

des fantômes, sur des cintres, se balançaient au vent,

on y trouvait les chaînes d’un château hanté,

les songes érotiques d’une fille de couvent

et quatre paires de skis en pâte à modeler ;

en ce vide-greniers se côtoyaient le fol,

l’original, l’absurde, le malheur et l’espoir,

de vieilles cages pleines de vieux rossignols,

d’autres plus grandes où chantaient les lueurs d’un soir ;

une remorque débordait de rêves chimériques,

une soutane était en vente quelques sous,

des souris blanches à cheval sur de lourdes barriques

vendaient des fromages à attraper les matous ;

on pouvait se procurer un tracteur bleu marine

à labourer les crânes des malades mentaux,

des pelles et des fourches à trancher la margarine,

une clé des champs et des bouteilles à échos,

un fauteuil de dentiste en papier crépon rouge

et la roulette en or qui fait tourner le monde,

pour la plage arrière l’un de ces lévriers qui bouge

les cils, le popotin et sa tignasse blonde ;

les étals étaient achalandés comme jamais,

les vendeurs se vendaient comme des bouchées de pain,

des bouquets de fleurs achetaient des sacs d’engrais,

des chinois s’arrachaient des boîtes de baisemains ;

des escargots s’emportaient de l’anti-limace

et l’on vendait du souffre à des enfants souffrants,

on y trouvait des comètes et des morceaux d’espace

mais c’était beaucoup trop cher pour des paysans

qui préféraient acheter des rires en rubans

et des cornes de cheveux noirs pour leurs vieux jours ;

posés à même les planches vertes d’un banc

grouillaient derrière un grillage des calembours ;

des recueils de poèmes à écrire trônaient

au milieu de bouquins d’histoires à inventer,

un extraterrestre lisait un livre de français,

une vieille pleurait des perles à enfiler ;

une femme, sur une porte, avait suspendu

des doigts de sorcières montés en portemanteaux…

le vide-greniers se tortillait dans la rue

comme la chenille des enfants sous le préau.

Mon sac rempli de poudre aux yeux je m’en allais

laissant derrière moi l’ultime déglutition,

la danse revigorante des bruyères à balais,

et mes frères à leurs dernières fornications !


14.  – Nuit de veille

 

Dans une maison paysanne

où je prenais hier la tisane

entre la Beauce et le Berry,

on veillait une vielle femme ;

bien sûr on priait pour son âme,

 et pour la nôtre, certes, aussi !

 

Elle, raide comme le tisonnier,

semblait encore se régaler

des histoires de ceux d’ici,

et la famille, fort éprouvée,

avait sorti pour la veiller

quelques gâteaux et l’eau de vie…

 

car de la Beauce au Berry,

de Gallardon à Saint-Aigny,

des champs d’orge aux étangs de Brenne

on ne veille les morts à demi ;

on vient ici passer la nuit,

partager le pain et la peine !

 

Elle, blanche comme son drap de toile,

courait le chemin des étoiles

sous la fumée grise des bougies ;

puis les commères ôtèrent leur châle

sous les crépitements du poêle

et les lampées de riquiqui.

 

L’ombre vacillante des chandelles

en bouquets de blé et de prêle

dansait sur des murs sans couleur ;

parfois une brève étincelle

sautait d’un œil, d’une mamelle,

d’un souvenir haut en couleur.

 

Des confessions de fenaison,

de fêtes, de mauvaises saisons,

et puis d’amours illégitimes…

toujours le même feuilleton,

comme qui dirait « la tradition »…

on chante les mêmes comptines !

 

La morte semblait en rire aussi,

elle avait veillé tant d’amis

qu’elle connaissait bien ces soirées !

elle aimait que les copines rient,

ensemble elles avaient fait leur vie !

et là-haut c’est triste à pleurer.

 

Ensuite, d’un pas de déterré,

sur les tommettes on vit passer

un mulot gras comme un cochon…

et comme dans un ciel d’été

une comète vint raser

de ses cheveux verts le plafond.

 

Chacun allait d’une anecdote

sur la défunte, et la parlote

à tous donna soif et grand faim ;

alors ils sortirent la cocotte

et la farcirent d’une popote

qui mit des parfums au chagrin.

 

Le soleil retrouvait Paname

qu’on vantait encore son âme

et l’alouette de Pithiviers…

il n’y avait plus guère de flamme

aux bougies ni aux yeux des femmes,

le rata était terminé.

 

Le pâté de Chartres était loin,

Sancerre n’avait plus de vin,

la morte était couleur de blé ;

on rangea les chaises dans un coin,

et comme venait le matin

on s’embrassa main dans la main ;

 

la larme à l’œil on prit congé.


15.  – La route étroite

 

Le hasard qui, hier, voulait faire les choses bien,

a orienté ma balade sur ce chemin

où naguère les fols soleils du devenir

s’enchainaient et ne cessaient, pour moi, de fleurir.

 

Pas plus haut que trois pommes, par cette route étroite

nous allions lui et moi, toujours l’âme benoite,

nous frotter la semaine aux mystères des bois ;

nous allions à la pêche ou la chasse à l’exploit

et nous rentrions, nos musettes lourdes de trésors,

parfois la veste en lambeaux ou des bleus au corps.

De retour à l’ostal on nous grondait un peu,

et l’on faisait sécher nos chaussettes au feu.

 

Hélé par un autre âge je ne l’ai plus suivi,

et par la route étroite, sous des pulsions bénies

nous allions cueillir ces lunes d’or éphémères,

doigts liées, elle et moi, au bord de rivière.

Je revois les vers luisants au bord du chemin

et les secrets qu’engloutissait l’eau du moulin.

L’été ce chemin se revêtait d’insouciance ;

sous les roues de nos mobs rien n’avait d’importance !

 

Et quand, trop tôt, chacun doit endosser l’habit,

la cravate ou le bleu qu’on portera à vie,

la route disparait sous les fumées nouvelles

des blondes mentholées et des premières dentelles.

Après un court automne l’hiver m’a ravi

aux concupiscences naturelles de la vie,

à la mob, aux copains, à notre route étroite,

à lui, mon mentor, à nos âmes benoites.

 

Je n’ai guère emprunté la route étroite depuis

car j’ai quitté le calme pour le charivari

des cités excitées qui me donnent la croûte

dans l’asservissement et la hâte et le doute.

Quand la quille poindra, si je suis de ce monde,

si mon âme benoite n’est encore moribonde

sur le dos d’une mob je reviendrai, heureux,

retrouver les fols soleils d’un présent radieux.


16.  – Dernière contredanse

 

Promis, quand ma belle reviendra

alors j’ouvrirai les volets,

je ferai de mon trou à rat

la cassine la plus huppée

où je pourrai l’entendre rire,

où je pourrai la voir danser,

alors ça sentira la cire

et la fleur fraîchement coupée ;

ensuite elle y chantonnera

en écoutant de la musique

comme elle le faisait autrefois,

avant… avant qu’elle ne me quitte…

parce que je me suis mis à boire,

parce que je ne me suis plus lavé,

parce qu’en ma tête c’est la foire,

que mon corps a démissionné,

parce que mon esprit m’abandonne,

que flotte un brouillard permanent,

parce que le diable m’aiguillonne,

et que tout devient pestilent !

 

Promis, quand ma belle reviendra

je laverai à fond l’intérieur

de la maison… et puis de moi…

bien sûr j’y mettrai tout mon cœur,

je briquerai tout, jour et nuit,

je désempilerai les livres,

et nous lirons des poésies ;

alors je ne serai plus ivre

que d’elle, de ses fêtes charnelles,

et nous sortirons comme avant

écouter le chant des sittelles

le soir sur le cèdre du Liban ;

je remplacerai mes guenilles

par des vêtements à la mode,

je prendrai le fil et l’aiguille

pour coudre un nouvel épisode…

puis je me parfumerai même,

je redeviendrai le gars d’avant…

avant de lui poser problème…

avant qu’elle ne prenne le vent !

 

Promis, quand ma belle reviendra

nous retrouverons d’autres amis…

parce que je ne vois plus ceux-là…

et parce que j’ai perdu ceux-ci…

et le dimanche, comme elle aimait,

nous irons au bord de la mer

écrire près de l’eau, à grands traits,

nos initiales à cœur ouvert ;

puis à la place de la gnole

sur les étagères, le buffet,

je ferai une farandole

de desserts, de plats cuisinés…

ça embaumera le café,

l’air des garrigues, et le soleil

des quatre saisons viendra bercer

les draps blancs de notre sommeil !

 

Mais quand me raserais-je encore ?

Quand ouvrirais-je les volets ?

Comment croire à cette aurore

qui me ramènera l’être aimé ?

 

La bouteille verse sur le lit

le nectar de la déchéance…

dois-je donc éteindre ma vie

d’une dernière contredanse ?


17.  – La princesse éreintée

 

Enfin seuls, ma princesse, le jour s’achève, alors

laisse un peu ta fatigue et tes maux dormir dehors ;

j’ai verrouillé la porte, et les doux camaïeux

de l’amour absolu et des lueurs du feu

depuis le crépuscule ont parfait le décor.

 

Qu’elle fut longue ta journée, qu’elle fut harassante,

que tes pieds sont meurtris, que ta bouche est croquante…

je rajoute du bois, glisse sur mon épaule,

conte-moi tes désirs, tes envies les plus folles,

redis-moi ces histoires d’étoiles filantes,

 

conte-moi ce qui passe, ce qui court, ce qui vole,

et tout ce que tu aimes et tout ce qui est drôle,

ce que tu voudrais qu’il nous advienne demain…

glisse sur mon épaule et donne-moi la main,

voici qu’en la pénombre nos lèvres se frôlent.

 

Dehors il n’est plus de bruit, tes maux s’en sont allés,

enfin seuls sous les musiques de la cheminée

tu souris ma princesse, la faiblesse te quitte,

écoute les mots doux de mon corps qui t’invite

à te serrer plus fort, à te laisser aller

 

contre lui, sommeiller, changer d’air, évoquer

les cieux multicolores de la liberté,

la vie qui fleurira de nos profonds labours,

cette sérénité qui sera nôtre un jour

et ces lieux enjoués où nous pourrons guincher !

 

La lune vient tout juste, déjà tes yeux se closent,

tu es sublime comme le sont les boutons de rose…

qu’elle fut longue ta journée, qu’elle fut harassante,

que tes pieds sont meurtris, que ta bouche est croquante…

est-il encore trop tard pour changer les choses ?

 

Je m’agrippe à ton souffle, à ce vent bienheureux,

au doux chant de la chouette des couvre-feux ;

certes à l’aube tes maux toqueront à la porte,

certes à l’aube tu t’en iras beaucoup plus forte,

certes nous ne sommes guère dans le giron de Dieu…

 

certes nous ne sommes guère dans le giron de Dieu !


18. – Par deux mots, deux mots seulement

 

Deux mots, simples, seulement,

Appuyés par un sourire fripon,

Echappés du contexte, de la conversation ;

Deux mots simples, seulement…

Et voici qu’elle rosit,

Qu’elle en a bu le sens

Et qu’elle fait diversion,

Qu’elle revient au sujet ;

 

Deux autres mots, simples encore,

Opportunément,

Appuyés par une assurance incertaine,

Echappés du contexte,

Plus précis, plus profonds,

Plus fiévreux et plus ronds,

Plus turbulents, plus timides encore…

Et voici qu’elle rosit,

Et qu’elle en boit le sens

Jusqu’au sucre dernier…

Puis elle fait diversion,

Elle revient au sujet ;

 

Deux mots simples, circonstanciés,

Qu’elle lâche à son tour

Comme une parenthèse,

Un langage élégant,

Deux mots simples, seulement,

Ni déni ni acquiescement,

Un trait d’humour, toujours à contresens…

Et voici qu’il sourit,

Qu’il en a bu le sens,

Guère ampoulé, d’un trait il recolle au sujet ;

 

Alors ce sont leurs yeux qui prennent la parole

Tandis que la parole feint d’une coupable habileté…

Puis ils se quittent ainsi

Sous les stances clinquantes

D’une conjonction prochaine.

 

Par la porte grande ouverte du statut quo,

Dès leur prochain coudoiement,

A la rondeur des lèvres, aux fenêtres des yeux

Les postures et les baumes ajoutent leurs parlures,

L’huile d’imprudence noie la réalité,

Le contexte vacille

Et le ciel bleu s’abouche à la terre ouatée.

 

Ils se joindront, bientôt,

Par deux mots, deux mots seulement,

Appuyés par deux sourires fripons,

Echappés du contexte, de la conversation…

Deux mots simples, seulement,

Et voici qu’ils rosiront,

Un instant, un instant seulement,

Et voici qu’ils sombreront

Dans leurs parfums de poivre rose et de thé blanc,

D’ylang-ylang, de chêne et de vanille,

De santal, de benjoin,

Dans l’excitante exhalaison des muscs alliciants de leurs fleurs noires,

Et voici qu’ils se respireront

En un ballet d’enivrantes phéromones,

Et voici qu’ils se consommeront

Par ces goulues becquées

Où la salive aime à graisser les rhytons diaboliques,

Et voici qu’ils se consumeront

Aux braises ardentes des feux de l’extase,

Et voici qu’ils se perdront

Dans la douce unité de corps à la dérive

Livrés à l’aboutage et à l’enchâssement,

Puis voici que vidés, pégueux mais coalescents

Ils quitteront leur inébriant abandon,

Et accosteront,

Las naufragés d’un éperdu coït,

Dans la paisible brumaille

De l’entendement retrouvé.

 

Par deux mots simples, alors,

Par deux mots seulement

Appuyés par deux sourires fripons,

Ils se sépareront

Après s’être promis

Les étoiles illusoires de la pure folie.


19.  – La perdrix et les deux faisans

 

Je quittais un pré d’ancolies

quand pris de la soudaine envie

de vite alléger ma vessie,

me débraguettant contre un buis

 

je surpris une perdrix, dans le champ,

avec un couple de faisans

qui discutaient des choses du temps,

d’un ordinaire fort troublant !

 

« Bonjour Monsieur, bonjour Madame,

j’ai mal au cœur, j’ai mal à l’âme ;

savez-vous ce qui se passe à Paname ?

Nous vivons une époque infâme ! »

 

« Mademoiselle, si vous saviez,

nous rentrons de Marseille à pied,

en tous lieux,

le long des sentes et des fossés

croît la ronce d’insécurité ! »

 

« Chère Madame, cher Monsieur,

hier,

faisant demain, couvant nos œufs,

nous caquetions sous le ciel bleu ;

aujourd’hui l’azur est de feu !

 

et patata et patati,

des jérémiades de la perdrix,

aux aigreurs des faisans aigris…

las de ces gloses je déguerpis !

 

Dire que désabusé, fébrile,

trois heures j’avais fui la ville,

ce monde insensé, imbécile,

pour humer un moment tranquille !

 

Tatie, tonton, papa, maman,

ô combien ce monde est pesant !

voyez, même de pisser dans un champ

fait fleurir les raisonnements !

 

Moi qui croie toujours au bon temps…

et toujours la fuite en avant,

et toujours la fuite en avant,

et toujours la fuite en avant…


20.  – Un après-midi majuscule

 

Bien sûr qu’ils se foutent de nous

tous ces souverains démocrates

avec leurs costards, leurs cravates,

leur fausseté, leurs sales coups,

leur immunité, leurs dictats,

leurs mensonges, leur arrogance,

leur main sur le cœur pour la France,

leurs promesses de candidat,

au bec toujours la même chanson,

battant le pavé pour la gloire

fort persuadés que l’histoire

 immortalisera leur nom…

 

mais tu es là et je suis là

et l’on a fermé la fenêtre ;

enfin en paix, sans dieu ni maître,

nos doigts liés… et cætera…

 

Bien sûr qu’on parle de chômage,

d’immigration, de préjudices,

d’endettement, de sacrifices,

de canicule, de gros orages,

de pouvoir d’achat, de retraite,

de start-up, du vieux nucléaire,

de fous, de violeurs, d’incendiaires,

de criminels, de trouble-fêtes…

qu’on vante les châteaux, les jardins,

le bénévolat à la mode,

les hommes qui tissent, les enfants qui brodent,

et ceux qui changent de chemin…

 

mais tu es là et je suis là

et l’on a fermé la fenêtre ;

sans la télé, sans dieu ni maître,

nos lèvres collées… et cætera…

 

Bien sûr que la ville est grouillante,

qu’on y parle d’insécurité,

que la campagne est constellée

de lucioles et d’étoiles filantes…

comme de déserts médicaux,

de riflettes de voisinage,

de chants de coqs, de commérages,

de moustiques et de corbeaux…

bien sûr que pour ses ambitions

l’état nous prend tout ce qu’on a,

nous laissant juste Mardi Gras

le stress et la désillusion…

 

mais tu es là et je suis là

et l’on a fermé la fenêtre ;

abandonnés, sans dieu ni maître,

à nos caresses… et cætera…

 

Bien sûr qu’on travaille le dimanche,

que les familles sont démantelées,

déchirées et recomposées…

que les jonquilles s’accouplent aux pervenches,

que les ânes s’accouplent aux mulets,

que les manants s’accouplent aux vicomtes…

chacun y trouverait son compte

et les honneurs de la société !

c’est vrai que les vieux de la vielle

ne sont plus guère consultés,

c’est vrai que les jeunes ont étudié

comment mettre Paname en bouteille…

 

mais tu es là et je suis là

et l’on a fermé la fenêtre ;

dans la pénombre, sans dieu ni maître,

nos corps mêlés… et cætera…

 

mais tu es là et je suis là

et tout s’efface tout autour ;

 

demeurent les arômes de l’amour,

demeure l’insouciance d’autrefois…

demeurent nos corps qui ondulent…

un après-midi majuscule…

et cætera… et cætera… et cætera…


21.  – Pas d’amélioration en vue

 

Toujours des éoliennes au travers des sapins,

toujours des barbelés en travers des chemins,

toujours des chasseurs à travers bois et maquis,

toujours de vastes barrages pour noyer la vie,

 

toujours plus de jeux pour divertir la tribu,

toujours des corridas, des taureaux pourfendus,

toujours la loterie pour donner de l’espoir,

toujours la matraque à l’autre bout du couloir,

 

toujours la redevance pour des crimes, des urgences,

toujours des compromis, toujours des accointances,

toujours plus de téléréalités malsaines,

toujours plus de chansons à donner la migraine,

 

toujours plus de journaux télé subliminaux,

toujours plus de premiers de la classe, de fayots,

toujours plus de mensonges, toujours plus de non-dits,

toujours d’autres ministres, toujours plus de bandits,

 

toujours des gens de cour entourant notre roi,

toujours des sentinelles au sommet des beffrois,

toujours le faste, les courbettes et le dédain,

toujours le peuple qui a de plus en plus faim,

 

toujours les guerres ailleurs qui rapportent beaucoup,

toujours les entourloupes, toujours les sales coups,

toujours plus de gavés du commerce de l’homme,

toujours plus de fachos se croyant des surhommes,

 

toujours la condition féminine qui recule,

toujours des gens qu’on bat et qu’on viole et qu’on brûle,

toujours la misère de la rue qu’on ne combat,

toujours plus d’autos qui glissent sur le verglas,

 

toujours plus de radars pour la moisson finale,

toujours plus de cow-boys à la municipale,

toujours plus de pression, de burnouts, de suicides,

toujours plus d’histoires familiales sordides,

 

toujours plus de quidams qu’on se doit d’abêtir,

toujours des pauvres gens qui n’ont plus qu’à s’enfuir,

toujours la planète qui va de mal en pis,

et toujours la faute au réchauffement, pardi,

 

toujours ce dieu dont on parle sans jamais le voir,

toujours cet autre de l’autre côté du miroir,

toujours ces croyances pour lesquelles on se tue,

toujours ces hommes qui choisissent de vivre reclus,

 

toujours ces femmes qui offrent leur corps volontiers,

toujours celles qui le vendent pour quelques deniers,

et toujours cette pièce que l’on donne à la quête,

et toujours un papillon sur les serre-têtes,

 

toujours le sourire au bout de l’hypocrisie,

toujours Montaigne plutôt que La Boétie,

toujours Mozart plutôt que Saint-Saëns ou Lully,

toujours la sagesse à la place de la folie,

 

toujours l’écrivain et toujours ses idées noires,

toujours ses heures perdues devant l’écritoire,

et toujours celui qui ne lit pas, qui s’en fout,

et toujours celui qui aime porter le licou…

 

et toujours Garrigou vous offrant ses pensées

comme des bonbons au miel, comme un verre de rosé…

et toujours Garrigou, nu devant le poème,

cherchant à travers mots à vous dire qu’il vous aime,

 

et toujours et toujours, et toujours et encore…


22. – Il ne pleut que sur les mouillés

 

(ou l’histoire des 7 frères Maccabées /166 av JC)

 

« Il ne pleut que sur les mouillés ! »

grommelaient les frères Maccabées ;

franchement on n’a pas de bol,

déjà qu’on ne joue pas au football !

 

Abim voulait faire de l’escrime,

Antoine composer des rimes,

Gourias aurait aimé conter

fleurette aux filles sur le canapé,

Eléazar voulait chasser

la poule d’eau des cocotiers,

Eusébon ne voulait rien faire,

tout juste le strict nécessaire,

Alim, un peu plus solitaire,

désirait parcourir la terre,

le baluchon sur son épaule

il voulait pousser jusqu’en Gaule…

et Marcel lisait dans les runes

qu’il irait un jour sur la lune.

 

Mais c’était bien sûr sans compter

sur le temple du Seigneur de Judée

où leur brave mère Salomée

passait le plus clair de ses journées !

Jamais elle ne pensait à la fête

elle n’avait que le Sauveur en tête…

et rien à part la religion

ne trouvait grâce à sa raison !

Ses sept enfants n’avaient de vie

qu’entre prières et sacristies !

 

« Il ne pleut que sur les mouillés ! »

pestaient les sept frères Maccabées…

quand Antiochus fit ériger

dans le temple, dès lors profané,

la statue du Zeus olympien

qu’honorait l’empereur syrien ;

le choix aux juifs de l’adorer

ou de trépasser torturés !

 

Antiochus Epiphane, impie,

se pochardant de barbarie

ordonna aux sept Maccabées

et leur amène Salomée

d’offrir sur l’heure aux dieux païens

un sacrifice architriclin !

Mais refusant de renier

la loi de Moïse, à l’aîné

on coupa langue, pieds et mains,

et dans une chaudière d’airain

ses bourreaux le firent rôtir…

ses frères subirent le même martyre…

puis Salomée pria le ciel

et quitta le monde matériel

sous les sarcasmes du tyran ;

 

D’Antioche à Jérusalem

faudrait-il parler de  « goddam » ?

Tout n’était que feu, larmes et sang ;

Epiphane régna onze ans…

 

et savez-vous combien je mis

pour peindre cette facétie ?

le temps d’engloutir un croissant !

Que me pardonnent les Maccabées

le poète aime à surjouer ;

que voulez-vous c’est un enfant…

doublé d’un bien piètre galapian !

 

Certes,

que me pardonnent les Maccabées,

rire des autres est un péché…

si, si… je vous l’assure…

foi de barbiche et de tonsure…

même plus de mille ans après !


23.  – Le présumé coupable

 

Comment cela peut-il exister de nos jours

il est en prison pour un méfait non commis ;

il ne peut plus serrer contre lui cet amour…

les jours succèdent trop rapidement aux nuits ;

il se morfond, bien sûr, que peut-il espérer,

personne ne l’écoute clamer son innocence !

eux sont convaincus de sa culpabilité ;

la chenille est entrée, c’est la mort qui commence !

 

Alors il tourne en rond comme un lion en cage,

qu’a-t-on dit à sa fille, que vivent ses parents,

et sa femme à présent que les autres dévisagent,

ses copains du village en panne d’arguments…

lui sous le chahut des portes et des loquets

dans l’intimité de cette terrible engeance,

des hommes avec qui il n’a rien à partager ;

la chenille est entrée, c’est la mort qui commence !

 

Il essaie de dormir, il essaie de penser,

c’est l’heure de la promenade obligatoire,

il entre dans la file comme une bête blessée…

il n’est là que des murs, un soleil illusoire,

des grillages encore et puis des miradors…

connaîtra-t-il un jour proche la délivrance ?

Quelle va être la suite et que sera son sort ?

La chenille est entrée, c’est la mort qui commence !

 

Le vent qui soulevait ses cheveux en riant

s’est tu et les parfums de sa terre l’ont quitté ;

lui reviennent alors quelques souvenirs d’enfant,

le bruit des vagues et le glissement des voiliers,

le chant des cigales, les fougères, l’odeur des pins …

innocent il n’est plus qu’un pauvre hère en souffrance ;

qui lui ferait confiance et lui tendrait la main ?

La chenille est entrée c’est la mort qui commence !

 

Puis on vient le chercher, le juge le convoque,

pour la énième fois il va recommencer

mais aura-t-il la force, il est pâle, il suffoque…

pourquoi faut-il encore énumérer les faits ?

Veut-on le convaincre, pour qui doit-il payer ?

Croyez-vous sincèrement qu’il ait cette chance,

qu’en instance finale il puisse être acquitté ?

Un bout d’air est entré c’est l’espoir qui commence !

 

La voiture qui le ramène à sa cellule

longe un moment la mer, les matons sont sympas ;

cette année, sur l’étang, les flamands roses pullulent,

et la voiture sur un kilomètre roule au pas ;

le vent prend ses cheveux, tous ses parfums sont là,

et juste cela, pour l’instant, à d’importance !

le juge a parlé sans crier pour une fois,

est-ce que ça sent l’air pur, est-ce que ça sent le rance ?


24.  – Au fond, Jean… –

 

Au fond, Jean, qu’est la vie sinon une illusion ?

une larme qui vient, une couleur qui passe,

des parfums qui attirent… puis un pied qui vous chasse,

une armoire bouffie de gants, de pantalons,

 

une idée pour laquelle on se ferait tuer,

une voix que l’on suit au pas comme des moutons,

des idoles, des mots, de la poudre à canon,

des aiguilles sur lesquelles on a les yeux rivés ;

 

prendre un train, un avion dans l’insatisfaction

d’être ici et ailleurs, partout en même temps,

hors de la maison quand la pluie verse dedans,

dedans quand ailleurs n’est plus que désolation !

 

Qu’est la vie sinon le long chemin escarpé

des relations de frère à frère, de voisinage…

la folie de certains de vouloir vivre en cage

comme d’autres celle de croquer la liberté ?

 

Dites Jean, qu’est la vie pour celui qui voit rouge,

pour celui qui voit vert, pour celui qui voit blanc,

celui qui ne voit plus ou qui n’a plus de dents,

pour celui qui n’entend, pour celui qui ne bouge ?

 

Dites-moi, Jean, dites, si vous étiez magicien,

si vous pouviez d’un coup de baguette magique

tout de go nous permuter dans un monde féérique,

sortir du chapeau dix colombes, deux lapins…

 

à quoi donneriez-vous donc la priorité ?

Si vous pouviez cacher dans votre haut de forme

du rire, de la complicité, un ciel énorme,

du bonheur, du bon sens, des valeurs d’amitié,

 

des millions d’étoiles, de paillettes enchantées,

puis de l’étonnement… si vous sortiez ensuite

mille cartes de vos manches, des marguerites,

des foulards, du rêve, de l’émotion, de la beauté…

 

si vous pouviez transpercer d’épées, dans la caisse,

et trancher de la scie la plus grosse qui soit

la société moderne… et puis claquant du doigt

la faire réapparaître empreinte de sagesse…

 

Si vous aviez le pouvoir, Jean, de tout changer,

si vous étiez le plus grand des illusionnistes…

vous aurais-je connu entre trois tours de piste,

seriez-vous là ce soir plus jeune que jamais ?

 

Au fond, Jean, magicien, ne l’avez-vous été ?


25.  – Coco, par Gabrielle

 

Les murs étaient épais mais les songes y passaient

comme l’eau du torrent au travers de la roche ;

des musiques foraines sommeillaient dans mes poches,

par le chat des aiguilles ma jeunesse s’égrenait.

 

Murée dans les solitudes de mon âme et du lieu,

se succédaient dès l’aube les aigreurs de mon père,

les yeux blêmes de ma mère et ces fleurs de mystère

qui trouvaient à éclore dans l’eau pure et le feu.

 

L’abbaye d’Aubazine, voici le nom du lieu,

j’y apprenais la couture, la rigueur dans l’air froid ;

l’architecture sobre, géométrique faisait loi ;

cols blancs et jupes sobres semblaient au gout de Dieu !

 

Voici pourquoi mon cœur inclurait au décor

des vêtements aux lignes harmonieuses, épurées…

beiges comme ces murs… puis en guise de chapelet,

des mousselines de soie brodées de perles d’or !

 

J’aimais me perdre dans les couleurs des vitraux,

unique liberté vouée à l’édifice ;

des C s’entrelaçant au-dessus des calices

je ferai mon emblème et vous direz COCO !

 

Puis le siècle tournait, fier, sur mes dix-sept ans ;

d’autres nuits étoilées m’éloignèrent peu à peu

du murmure des nones et d’images d’hébreux

et la porte s’ouvrit sur de rouges océans…

 

Bientôt, viendront sous le clapotement des chevaux,

pêle-mêle, les cousettes, La Rotonde à Moulins…

Dieu que l’exubérance peut faire du bien !

la Maison Grampayre, Balsan, la vie de château…

 

Ce fut le temps des courses, je montais sans tabou !

pour ces dames j’en vins à créer des chapeaux

fusion sophistiquée d’original, de simple, de beau,

débarrassés des plumes d’autruches et des froufrous !

 

Puis j’ouvris ma première boutique à Paris ;

quelque chose en « CHANEL MODE » me semblait éternel !

puis j’ouvris à Deauville « GABRIELLE CHANEL » ;

pour l’instant les vents semblaient être en harmonie…

 

A Biarritz ce fut une vraie maison de couture,

j’y raccourcis la jupe et supprimais la taille ;

j’y créais la « silhouette neuve », le vitrail !

je me devais de conjuguer le chic et l’allure !

 

A vous parler de tout ce qui brille, sachez

que sur le revers des strass, quand tombe la nuit,

le vent froid d’Aubazine, fuyant les sacristies,

et le parfum des nones viennent me réchauffer !

 

Et ma maison de Garches… volets noirs… crépis beige…

comme l’excentricité fait écrire et causer !

alors je m’installais Faubourg Saint-Honoré…

Picasso, Stravinski, Garrotin, Diaghilev…

 

Avec N°5 virent aussi le jour

« les Bijoux de Diamant », « le pyjamas de plage »

« la Petite Robe Noire », « la broche coquillage »…

et la mode « garçonne » par amour, par humour…

 

Et puis ce fut la guerre, et puis ce fut la Suisse,

Puis ce fut Christian Dior porteur de nouveaux codes…

Je reçus à Dallas un « Oscar de la Mode » ;

Je paraissais debout et mourais en coulisse.

 

Tournée vers Bois-de-Vaux, vers de nouvelles aurores…

adieu bijoux, tailleurs, mannequins et chapeaux…

pour l’ultime défilé en hommage à COCO

laissez flotter vos mousselines multicolores !

 

Les murs étaient épais mais les songes y passaient

comme l’eau du torrent au travers de la roche ;

du murmure des nones j’avais rempli mes poches…

je revenais ado, toujours seule je partais.


26.  – L’amitié de nos hôtes

 

J’aimerais vous dépeindre une image sans contour,

sans motif, sans couleur ; éclatante pourtant !

archétype de la paix ou encours d’amour,

un échange mutuel… comme un transvasement !

 

Sans papier ni crayon par la rime je voudrais

colorier cette osmose, ce transfert d’âme à âme

d’où j’éclos à l’instant ; humeur que Rabelais

se plairait à étendre sur un pré de dictames !

 

Nous étions sept portés par la félicité,

l’amitié de nos hôtes, la douceur du logis,

à croquer par les naseaux l’équanimité,

par la bouche les lentilles et le magret rôti !

 

« Carpe diem ! » J’entends encore la voix d’Horace

susurrer au goulot de la bouteille de Graves,

tandis que sommeillante sur le mur d’en face

la fausse grand-mère concédait un nu suave.

 

Les biches, sûrement, sortaient la tête du bois

mais nous ne les vîmes alors, détachés du monde,

puis aux limousines, dans le champ en contrebas,

nous allâmes à pas lents porter notre faconde.

 

Il est des bonheurs simples qu’il faut savoir cueillir,

merci à l’amitié de les avoir semés !

Au vert printemps les cieux ne cessent de bleuir…

peut-être est-ce cela que pointent les cyprès !


27.  – Séjour en Bretagne ; flash back

 

Turner était assis à côté de Corot,

Coignet et Lesage débouchaient des bouteilles,

Isabey et Gudin buvaient depuis la veille ;

certes il manquait à l’appel Berthe Morisot.

 

Tous étaient là pour la lumière limpide et pure

qu’ils fixaient sur une mer aux accents labiles.

Boudin et Courbet arrivaient juste de Trouville

et Monet attaquait les pots de confiture.

 

J’étais là, parmi eux, et j’étais là comme eux,

cœur et âme bigarrés depuis la nuit des temps,

des soleils plein les yeux, sans un sou, et croquant

la vie à pleines dents comme tous les bienheureux !

 

Inutile de vous dire, nous étions à Lilia ;

face à l’Ile Vierge la table était dressée…

tout autour une ribambelle de chevalets…

et le marteau et le poinçon d’Edgard Degas !

 

Mais sur mon bord de mer s’abaissait le rideau,

j’allais prendre congé, mon chemin était long,

et j’étais, pour tout dire, dans cette exaltation

qu’on éprouve à l’idée de changer de tableau…

 

j’étais attendu par des amis à Plouvien.

Leur pelouse était verte et leurs arbres charnus,

leurs hortensias si bleus montaient les cieux à cru,

tant, que je fis quatre fois le tour du jardin…

 

puis ils m’invitèrent à passer le pas de porte.

Vous connaissez l’intérieur des maisons bretonnes,

plus chaudes encore que le soleil de Carcassonne !

jamais, je vous l’assure, ne vis rien de la sorte !

 

Sur les murs, les reflets turquoises des opalines,

comme de discrètes aurores boréales

ou les vitraux ensoleillés des cathédrales,

posaient leurs gradations jusque dans la cuisine.

 

Chaque embrasure flirtait avec une tenture

savamment choisie par un délicat préchantre.

Une commode galbée avançait le ventre,

et j’aimais au plafond la rondeur des moulures !

 

Et puis nous partageâmes les réjouissances

dans de la porcelaine faite de roses blondes,

avec les mots allègres d’une amitié profonde ;

mais comme hélas « la nuit vous soutire à Byzance »

 

je rejoignais Morphée des bibelots dans l’âme,

des fragrances plein les sens et des sons de biniou.

Je repris à l’aube ma monture au licou

et nous partîmes au pas, comme les brise-lames.

 

Je reverrai mes hôtes au soleil du Midi ;

à l’ombre des Pyrénées je verrai mes amis !

ce sera pour moi l’un de ces moments de choix

que la vie, bien bonne, vous accorde parfois !


28.  – « Aude » à la grande Dame de fer

 

En arrivant, déjà, mon âme éperdument

palpite, et mes yeux d’enfant, par-dessus les toits

guettent votre silhouette entre les longs beffrois,

les façades de verre et les dômes brûlants…

 

il en est ainsi depuis ce jour où ma main

caressa votre jambe, où je pus enfin

vous étreindre à ma guise, comme un crève-la-faim,

tant je vous désirais de mon pays lointain !

 

En arrivant, déjà, je n’ai d’yeux que pour vous,

et de suite je vous surprends à l’horizon

la tête dans les nues, baignée de fiers lampions,

la jarretière fleurie au-dessus du genou…

 

alors à pas feutrés je viens boire vos hanches,

follement enrubanné de désirs de fête,

et priser votre corps sous des airs de musette !

chaque jour près de vous est un nouveau dimanche !

 

Lorsque je vous embrassai pour la première fois

ce fut un vieil automne, une saison clémente

où les jardins tout proches sentaient encore la menthe

et où les bidens rouges hissaient haut leur pavois…

 

des bateaux-mouches glissaient sous le pont de l’Alma

et le Trocadéro troquait mille couleurs ;

ce fut le vieil automne le plus cher à mon cœur !

je butinais Paris à chacun de mes pas !

 

Puis je voulus vous épouser jusqu’aux cheveux

et je pris l’escalier comme le Saint Sacrement…

que puis-je dire d’autre que « religieusement » ?

alors la porte s’ouvrit sur l’infini des cieux !

 

Jadis,

je feuilletais ces livres où je vous vis grandir,

et rejetais ces hommes qui pensaient mal de vous ;

pour moi vous étiez belle comme ces pièces de cent sous

que ma grand’mère parfois s’amusait à polir…

 

j’étais tout juste enfant et je rêvais de vous ;

on enterra depuis Ulysse près d’Argos

et je vous vis enfin faite de chair et d’os

entre la Place Vendôme et la Porte de Saint Cloud.

 

Je ne puis aujourd’hui vous donner rendez-vous

car je ne sais si je reviendrai cet automne,

mais de ma lointaine Cité de Carcassonne,

promis,

 chaque jour que Dieu fera je penserai à vous !


29.  – Le 1 er mouvement de la Sonate au clair de lune

 

Pour Beethoven il est, égards au maestro,

un château où des fantômes y trainent leurs chaînes ;

devant, la mort présente, et puis la mort prochaine

car la vie disparait à chaque intermezzo !

Pour Rellstab il est une barque au clair de lune,

deux amours envolés sur les flots d’un lac suisse,

leurs rames qui vont de clapotis en blandices,

et par-dessous, le jour obligeant de Neptune !

 

Le maître est au piano, c’est le juste tempo,

ce sont les murs qui tournent et c’est la vie qui va

quand ses doigts transcendent la Quasi Fantasia,

un note à note, un mot à mot ipso facto !

C’est une valse, c’est un tourbillon sans fin,

c’est une salle immense où nous tournons, rieurs,

emportés elle et moi en une vive rondeur ;

elle et moi seulement dans cet écrin carmin !

Des colonnes dorées et des miroirs anciens,

des lustres étincelants en verre de Murano,

des draperies plissées aux motifs rococo,

et des bouquets d’hélianthes, des parfums étésiens !

Elle et moi célébrant des ellipses parfaites,

des cercles heureux où l’idéal rayonne,

où la main danse haut, le talon aiguillonne,

où se glorifient les cœurs vaillants des psallettes !

 

Ainsi résonne-t-il en moi ce mouvement ;

une valse pétulante, une valse vous dis-je !

issu de l’empyrée sous les doigts du prodige

il fait vibrer mon âme, et puis, pareil au vent,

filant par un ajour il va toucher l’oreille

d’un autre olibrius que l’extase bécote.

 

Qu’il le cuisine alors à ses propres popotes

et l’accompagne du jus divin de sa treille ;

 

la Sonate en do dièse mineur est une merveille !


30.  – LePoète d’en bas

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui qui parle des garrigues,

de la vigne dans tous ses émois,

des perdrix grises et du bec-figue ;

du drapeau rouge de l’ouvrier,

de Jaurès et de Marcelin,

du bleu de la méditerranée,

des tuiles ocre du patelin !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

jamais je n’évoque le crime

et rarement les scélérats

qui nous gouvernent à la cime ;

je parle bien peu des bourgeois,

et les aristos ne s’invitent

dans mes rimes où les Albigeois

avec les bûchers cohabitent !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui qui peint la vendangeuse

non pas avec des bas de soie

et la quincaillerie des précieuses,

mais sans fard et sans maquillage,

des bottes vertes au genou,

pigmentant notre paysage

de ce que la vie a de plus doux !

 

C’est moi, le poète d’en bas,

celui du cassoulet qui cloque

entre un grand cru du Minervois

et deux vers d’une verte époque…

celui qui a connu Alaric,

les chevaliers de Carcassonne,

Hugo, Delteil et Copernic,

et bu le muscat aux bonbonnes !

 

C’est moi, le poète d’en bas,

je ne versifie pas la guerre,

la peste ni le choléra,

ni toutes folies passagères,

mais j’aime faire chanter l’amour

l’après-midi, à tire d’aile,

et jeter des fleurs alentour

des couches de femmes infidèles !

 

C’est moi, le Poète d’en bas,

celui que les médias s’arrache…

raient s’ils voulaient faire un pas,

voir ce qu’il y a sous ma moustache,

voir ce qu’il est de notre temps

sous une plume réaliste

où la métaphore, en coulant,

se veut moins acerbe qu’altruiste !

 

Alors je viens à vous Madame,

ouvrez-moi la porte des cieux,

parlez donc de moi à Paname,

et précisez à ces Messieurs

que si c’est la croix occitane

qui embue encore leurs yeux…

un bouquet de thym en tisane

est apaisant et délicieux ;