Rss

Archives for : Les textes coups de gueule

Racines

Même si j’étais né là-bas

entre les sabots d’un chameau,

et la soif asséchant mes bras,

et le sable fouettant ma peau,

parmi les regs et les dayas

menant sans cesse le troupeau…

 

pour quelques bruines éphémères

je n’aurais pas quitté le nid ;

jamais n’aurais quitté la terre

que mes ancêtres auraient bénie !

———-

Même si j’étais né là-haut

dans ces maisons de bois teinté

de rouge vif pour avoir chaud,

près d’un fjord où même l’été

les orques et les cachalots

ont la chair de poule et l’onglet…

 

pour quelques soleils éphémères

je n’aurais pas quitté le nid ;

jamais n’aurais quitté la terre

que mes ancêtres auraient bénie !

———-

Même si j’étais né sous l’épaisse

forêt tropicale, où les rais

de lumière serrent les fesses

pour pénétrer la canopée,

à l’heure grave où la tigresse

s’en vient croquer quelques pigmés…

 

pour quelques néons éphémères

je n’aurais pas quitté le nid ;

jamais n’aurais quitté la terre

que mes ancêtres auraient bénie !

———-

Même si j’étais né sur les pentes

lavées de cendres et de fumées,

fraîches moulues de laves ardentes

d’un volcan sans cesse harcelé

par quelque tripe bouillonnante

et des râles en pointillés…

 

pour quelques prairies éphémères

je n’aurais pas quitté le nid ;

jamais n’aurais quitté la terre

que mes ancêtres auraient bénis !

  ———-

mais je suis né dans un vallon

où la violence est quotidienne,

où mes semblables, à l’unisson,

font couler le sang et la haine,

où l’on court à la perdition

sitôt qu’on court à perdre haleine !

 

J’ai préparé mon baluchon

et dois en pleurs quitter le nid,

abandonner ce vert vallon

que mes ancêtres avaient béni !

 

« Fontaine, jamais je ne boirai

ton eau ! »  c’est avec conviction

que du perce-neige au muguet,

de la vendange à la moisson,

sous mon vieil arbre je clamais

cet adage en toutes saisons !

 

Que mes ancêtres me pardonnent

je brûle la plume du nid ;

les vers ont gangréné la pomme ;

 

la pomme rouge du pays !

Désirs

Ce soir les muses font relâche,

ce soir personne ne cravache,

ce soir les muses n’ont la fibre,

ce soir, enfin, j’ai quartier libre…

 

ce soir je vais rouler ma bosse

dans quelque cul de basse-fosse,

j’entends par là “je vais pieuter“,

j’entends par là “je vais rêver“,

 

j’entends par là “je vais errer“

 au gré de la naïveté

des perles bleues de l’insouciance,

des contreforts de l’inconscience…

 

je vais gueuler, je vais pleurer,

je vais jouir, je vais planer,

je vais sombrer dans l’infini

des enfers et des paradis,

 

je vais retrouver les copains,

les poètes et les putains,

toute la clique d’excentriques

qui me fout le spleen et la trique !

 

puisqu’il n’y a plus de cinéma,

ce soir, enfin, je pars chez moi,

puisque c’est le jour où l’on ferme,

ce soir, enfin, je pars “en perme“ !

 

je pars boire à l’air du pays

des liqueurs de tout acabit,

des liqueurs qui roulent les R,

breuvages révolutionnaires !

 

ce soir je ne devrai de compte,

ni à Dieu, ni au roi, ni au comte ;

ce soir, enfin, pour une fois,

je brillerai de mille éclats ;

 

ce soir, enfin, sans oripeau,

sans étiquette dans le dos,

sans vie, sans âme et sans trépas,

GARRIGOU dans tous mes états

 

je serai moi…et rien que moi !

Glaucome

L’année recommence, on attend

que le soleil sorte de l’étang ;

causons d’égalité des chances

au cœur de cette vieille France ;

 

Hugo prêche de faire ce qu’il faut

pour tenir la tête hors de l’eau;

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

On a beau coller l’expérience,

le rituel à la cadence,

par des cordelettes vérolées

nous sommes pieds et mains liés ;

 

puisque nous sommes une kyrielle

à dire que tout bat de l’aile…

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Il va falloir, dès à présent,

être avec nous M’r le président,

avant que la dernière goutte d’eau,

M’r, ne fasse exploser le pot !

 

nos enfants n’ont d’autre appétit

que de pouvoir assumer leur vie…

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Notre justice a deux vitesses ;

plus question de serrer les fesses,

on tient la trique entre les dents ;

unis nous irons vers l’avant !

 

Nous ne sommes d’aucune manigance,

d’obscurantisme, de violence ;

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Nous savons crever les paillasses,

loger la balle en la culasse ;

comme le chantait si fort Ferré

« nos armes sont vieilles et rouillées »…

 

mais nous sonnons là le réveil,

voulons notre part de soleil !

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

que l’on tua à petit feu !

 

L’année recommence, on attend

que le soleil sorte de l’étang ;

souvenez-vous de Claude Gueux

que l’on tua à petit feu…

 

souvenez-vous de Claude Gueux,

qui perdit les siens pour bien peu !

Les villégiatures de Poupée

Je partage avec toi une croûte de pain,

deux miettes de fromage avec un cul de vin,

la soupe populaire et la couche et le feu,

mais t’emmener en villégiature je ne peux…

tu ne connaîtras ni Venise ni New-York !

 

Un chien maigre à la place d’un bichon, d’un york,

à la belle saison nous verrons du pays

de la place des Grands Hommes jusqu’à l’île Saint-Louis.

 

Je partage le monoxyde de carbone

avec toi et tous les animaux de la faune

qui rugit chaque nuit sous les arches des ponts

entre les vols, les viols et cent mille agressions.

 

Tu ne connaîtras, ni liberté, ni Pérou,

ni le plaisir d’un foulard Dior autour du cou ;

mais t’emmener en villégiature je ne peux…

nous irons de Montmartre à l’Etoile, si tu veux,

de la Concorde à Beaubourg par les chemins creux ;

le chien jouera devant, la musette perdra

quelques goulées de vin à chacun de nos pas.

La Tour Eiffel, Poupée, tu la verras d’en bas,

au mois d’août, si les flics ne nous gerbent de là.

 

Je partage avec toi les galères de la vie !

 

Ma « meuf », tu pisses droite, moi je pisse accroupis

sur les cartes qu’un jour nos vieux nous ont données.

Nous n’avons pas eu d’as, d’atout ni de carré ;

pour toi, Poupée, je n’ai qu’une paire de deux…

t’emmener en villégiature je ne peux !

 

mais un jour, dans une caisse de déchetterie,

par les boulevard nous dirons merde à la vie

et par les cieux, enfin, nous aurons en partage

le véritable, l’inévitable voyage !

 

nous y verrons des îles où le sable est si bleu,

où l’azur est si blanc que nous irons heureux,

comme avant, souviens t’en, quand nous avions un toit !

comme avant, souviens-t’en, quand nous avions la foi !

 

allons, prends un morceau de ma croûte de pain,

deux miettes de fromage avec un cul de vin !

pense à l’autre vie quand nous nous donnions la main ;

aie confiance, Poupée, on approche de la fin…

 

confiance, Poupée, sûr que nous mourons demain !

 

Montirat qu’on croyait foutue

Il parait qu’à Montirat

« los omès son venguts fats ! »

(les hommes sont devenus fous !)

 

en un grand feu de sarments

ils ont brûlé leur «présent»,

leurs soucis, leur manque d’argent,

des pneus et des contrevents,

des roses, des œillets, du chiendent,

leur soleil et leur Cers violent,

leurs rires, leurs amusements,

la Dépêche, l’Indépendant,

les Mémoires de Chateaubriand,

leur Clovis, ses hordes de Francs,

brûlé consciencieusement

leurs prières et leur monument

aux morts de la guerre de cent ans,

l’hypocrisie, les faux-semblants,

les promesses du gouvernement

et leurs brebis et leur dieu Pan !

 

Il paraît qu’à Montirat

« los omès son venguts fats !»…

(les hommes sont devenus fous !)

 

terminés les sacrifices,

bouts de ficelle et artifices,

tué le serpent d’Eurydice,

finis les charges de police,

la cruauté, les maléfices,

brûlé pain dur et «pain d’épice»,

jetés aux sarments le calice,

et les bonnets et les pelisses,

le sein des anciennes nourrices,

les cocardes de l’armistice,

les quatre saisons, leurs solstices,

bien sur leurs saintes «bienfaitrices»,

les sueurs et les cicatrices,

mondialisation et matrice

et sur la braise d’immondices

ils ont fait cuire la saucisse !

 

puis ils ont bu comme des trous,

causé comme le font les voyous

sans retenue et sans tabou…

oui Saint Antoine de Padoue

Montirat mourait du mildiou !

à coup de fourches et de cailloux

ses braves ont arraché le clou,

fait sauter le moindre verrou…

certes,

mais Montirat demeure debout !

 

Après cette nuitée sauvage

l’ordre est revenu au village,

le mal a plié ses bagages ;

s’en est fini de l’esclavage !

De l’inconscient à la raison

Je voudrais être ce soir dans la peau d’un autre,

pour une fois, peut-être bien, prendre la vôtre,

connaître la douceur de manger à ma faim,

retrouver le goût du sourire et du bon vin,

le parfum des excès sans heure et sans compter ;

je voudrais revêtir votre peau apaisée…

 

car vous êtes pour moi “d’infinis paysages“ !

 

Je voudrais être ce soir dans la peau d’un autre,

pour une fois, peut-être bien, prendre la vôtre,

écouter vos musiques, boire votre soleil,

connaître les songes exquis de votre sommeil,

me laisser porter par de longs flots de caresses,

me laisser submerger par une mer d’ivresses !

 

Je voudrais être ce soir dans la peau d’un autre,

pour une fois, peut-être bien, prendre la vôtre,

revêtir un temps la peau de la réussite,

la peau de l’homme qui pense libre et court vite,

de celui qui peut encore avoir Dieu en face

sans lui jeter le moindre juron à la face…

 

car vous êtes pour moi “d’infinis paysages“ !

 

Je voudrais être ce soir dans la peau d’un autre,

pour une fois, peut-être bien, prendre la vôtre,

je voudrais être vous, vous voudriez être moi,

pourquoi veut-on être quelqu’un d’autre à la fois ?

je voudrais être vous car votre herbe est plus verte,

je voudrais être vous pour cette rose offerte…

 

car rien ne m’est acquis sauf une fleur fanée

que sur mon triste cœur une amour a plantée.

Je voudrais être heureux le temps d’un brin de chance,

sur le chemin de vie je n’ai guère d’avance,

le temps d’une éclaircie dans mon ciel encombré

puis succomber si tel est le prix à payer…

 

car vous êtes pour moi “d’infinis paysages“ !

 

mais la revêtir sans l’avoir passée au crible,

certes, une peau d’emprunt me semble difficile !

mais vous ne semblez, hélas, mieux lotis que moi

et votre peau serait un fardeau, une croix !

ma croix, cela fait bien longtemps que je la porte ;

je voulais votre peau puisque la mienne est morte…

 

toujours “l’autre“ est pour soi “d’infinis paysages“ !

 

Gardez donc vos ciels bleus, vos dives régalades,

la vie, soyez-en sûr, n’est qu’une mascarade !

en lieu d’un chemin bien sombre et des plus banals

je rêvais d’un surmoi qui fut original !

mais je n’ai pas choisi cet éther qui m’habite,

et ne lave guère mes yeux à l’eau bénite…

 

chacun ne traîne que le surmoi qu’il mérite !

 

Suis-je donc d’infinis paysages à moi seul ?

l’envie de “plus“ n’est qu’un scintillant linceul ?

 

… d’infinis paysages en infinies prisons,

Kant,

quelle est la voie de l’inconscient à la raison ?

Lettre à Dieu, mon ami.

Depuis que les bigotes du quartier

pendent leurs culottes aux bénitiers

sans se soucier de l’opinion,

qu’elles accrochent près des caleçons,

près des mirlitons du curé

leurs dentelles et leurs effets,

des balcons de ta religion,

Dieu, mon ami, lève ton veston !

 

entre les uns qui n’ont la flamme

et les autres qui te réclament,

où faut-il que je me positionne

pour ne faire de tort à personne ?

Faut-il, pour être dans le coup,

que je te parle en disant vous ?

C’est bien de ta faute après tout,

c’est bien de ta faute malgré tout

si sous ma caboche rien ne résonne !

Dieu, mon ami, gare à la pomme !

 

tu sais ce qu’il serait bien de faire

au lieu d’être deux adversaires ?

Je connais, au cœur de la ville,

un vieux meublé, sous quatre tuiles,

où nous pourrions, seuls et peinards,

devant un cruchon de pinard

refaire le monde, tranquilles,

Dieu, même si c’est difficile !

 

tu pourrais, sans y aller trop fort,

me conter l’histoire de la mort ;

je te raconterais alors la vie,

le bisness, les nuits de folie…

tu prendrais alors conscience

que tes fils n’ont pas tous la chance

de fouler les trottoirs de France,

bien que chez mes frères aussi,

Dieu, mon ami, tout est fini !

 

leur ventre chantonne le soir

la mélopée du désespoir !

alors pour eux, essaie un peu,

essaie de faire de ton mieux,

modifie la situation…

je veux bien être ton second ;

si tu le veux, je serai ton second !

allez, chausse tes bottes, enfile ton bleu,

 

sinon tu ne seras plus crédible,

on ne la lira plus, ta bible,

et les bigotes du quartier

pendront fièrement aux bénitiers

leurs culottes et leurs dentelles,

quand le vil abbé, sous leurs ailes,

priera pour que la jupe des pucelles

soit de plus en plus échancrée ;

allez, fais-nous dans l’originalité !

 

tu sais ce qu’il serait bien de faire

au lieu d’être deux adversaires ?

Je connais, au cœur de la ville,

un vieux meublé, sous quatre tuiles,

où nous pourrions, seuls et peinards,

dans la fumée de nos pétards,

au pied d’un cruchon de pinard,

d’une grosse boule d’argile

refaire le monde, tranquilles,

Dieu, façonne un monde fertile !

 

Dieu, mon ami, prends ton bâton,

plante-moi la révolution

à coups d’éclairs et de tonnerre!

ce changement, il faut le faire !

fais donc courir sur l’arc en ciel

les blancs, les rouges, les caramels ;

que les noirs, les verts, les pastels

viennent un soir à la maison,

dans cette ruelle de ma ville

un p’tit meublé, sous quatre tuiles,

pourrait bien être leur asile !

 

Au lieu d’être deux adversaires

cette révolution faut la faire !

prends ta pioche, prends ta brouette,

prends ton grimoire et ta soufflette ;

change les hommes, change les bêtes,

change les femmes et les poètes

et donne les trois coups de la fête !

 

depuis déjà belle lurette

flotte sur l’eau des bénitiers

les culottes et les effets

d’une société en goguette !

change les hommes, change les bêtes

change les femmes et les poètes

et donne les trois coups de la fête!

Ma lutte poétique

Circulez, il n’y a rien à voir,

mon âme est tombée du trottoir

et dans le fond du caniveau

s’est brisée en mille morceaux !

 

Heureusement qu’il passait là,

une eau, qui dans l’anonymat

allait du côté de la rivière,

pécher au fil de sa misère

 

quelques bouts de soleil levant,

comme le font parfois les enfants,

d’un fil, d’une boite et de pain,

en espérant qu’un beau matin

 

se prendra à leur hameçon

un avenir de cotillons

où les serpentins, les lumières

qu’ils réclament en leurs prières

 

deviennent enfin réalités

et qu’ils pourront boire et danser

au bar des hommes qu’on dit « actifs »,

qu’ils causeront de leur passif

 

comme des années de galère

où tout le monde se disait frère,

mais où l’on montrait du doigt

le mal rasé en fin de droit,

 

vêtu des braies d’une politique,

ou droite et gauche identiques

faisaient la pige au capital,

la cour aux filles du général !

 

parce qu’être fille de général

c’est quand même moins infernal

que d’être le coin-coin du coin,

celui qui ne vit de presque rien

 

parce que papa n’est pas bien riche,

qu’il ne promène pas de caniche;

parce que dans les bras de maman

un York ne joue pas  du séant !

 

Circulez, il n’y a rien à voir,

mon âme est tombée du trottoir

et dans le fond du caniveau

s’est brisée en mille morceaux !

 

C’est pas bien grave, d’autres viendront

bercer de rêves mes illusions;

d’ailleurs, j’ai ouï dire que les riches

partageraient leurs pois-chiches…

 

de gré ou de force parbleu…

moi qui tire le diable par la queue !

là, j’ai revu ma position,

j’ai même changé de religion,

 

désormais,

 

mon Dieu, se nomme « Révolution » !

L’âme vagabonde

J’aurai voulu avoir

quelques années de plus

et jeter au pouvoir

les pavés de ma rue !

 

jurer ! le verbe haut !

le poing brandi, serré !

et malgré les assauts

des hommes noirs, casqués,

 

tenir !

 

tenir pour l’avenir,

pour que la société

puisse redécouvrir

ce mot de LIBERTE !

 

J’aurai voulu avoir

quelques années de plus,

m’éveiller au dortoir

d’un monde chevelu…

 

dans le lit des sarcasmes

où les mille couleurs

fleurissant mes fantasmes

auraient étreints leurs cœurs !

 

vivre !

 

vivre sans l’ombre de la trique

de ces âmes batées,

me désignant d’excentrique,

de jeune écervelé !

 

Le monde est opprimé,

la lutte continue,

d’innombrables guerriers

s’affrontent aux coins des rues !

 

Si je pouvais avoir

quelques années de plus,

sur un caillou, m’asseoir,

contempler la décrue

 

et sentir dans mon dos

les rayons de bonheur

d’une ère de repos,

d’amour et de chaleur…

 

alors, je laisserais

la place à la jeunesse

et je repartirais

dansant, dans l’allégresse !

Un mercredi néfaste

Les cyprès ne cessaient de pointer vers le ciel

un doigt long d’ironie, d’amertume et de fiel,

les fleurs courbaient la tête, les abeilles rentraient,

les loupiotes de ruches peu à peu s’éteignaient ;

 

les hérissons ne traversaient plus hors des clous,

les mulots regagnaient leurs rives et leurs trous,

les hirondelles boutonnaient leur martingale,

sous les poutres, les araignées pliaient leurs toiles ;

 

les grues sur une patte, ignoraient les poissons,

les grues sur deux pattes, cessaient leurs rotations ;

seuls les corbeaux riaient, charognards insolents

qui claquent du bec quand d’autres claquent des dents !

 

les vieilles tiraient les rideaux de leur cuisine,

sous les fagots les vieux terminaient leur chopine,

les chattes regagnaient leur panière d’osier,

dans les volières plus une perruche ne chantait !

 

à la sortie des classes, les petites fillettes

montaient d’un geste grave leurs petites socquettes

et leur instituteur, homme sage et prudent,

s’assurait qu’un cheveu ne dépasse du rang !

 

les cerceaux et les billes n’avaient plus d’ambition,

on eut dit que plus grand-chose ne tournait rond !

les chouettes ne mettaient guère de sentiment

dans la voix et livraient de tristes hululements !

 

comble du comble, en ces landes où règne le vent,

où les curés et les cornards, aux cerfs-volants

passent la matinée, tout paraissait désert ;

pas une âme qui vive, pas le moindre courant d’air !

 

le jour s’épaississait; les candélabres éteints,

les grillons assoupis et la fumée du train

qui montait dans un ciel sans ange ni soleil,

on eut cru, je le dis, à un pays pareil

 

à ces contrées fantômes qui vous glacent d’effroi !

mais je compris enfin le comment du pourquoi !

– là, nul n’aurait pu demeurer indifférent –

là, tout était en berne et c’était évident !

 

il en est ainsi, quand le peuple mécontent,

un mercredi midi, reçoit son président !