Rss

Archives for : Divers

Le mal du pays

Si je disais un jour, au pays de mon père,

à ceux qui n’ont hélas à l’heure du repas

que du « treize degrés » à mettre au fond du verre,

un cuissot de sanglier pour vaincre le trépas,

un peu de persillade sur du beurre fondu,

un peu de « piboulade »,  un coulis de perdreau,

le Vendredi Saint une brandade de morue…

sauf les mécréants qui tirent un « taillou » du pot;

 

si je disais à tous ces gens dans la misère

que depuis que je suis en ville, croyez-moi,

mon taux de cholestérol a sauté les barrières,

que de ma vie, jamais je n’ai été si gras…

peut être qu’un jeunot voudrait prendre ma place

et qu’alors je pourrais enfin rentrer chez moi !

si j’ai quitté ma terre, ce n’est point par disgrâce,

l’usine automatique m’avait ouvert les bras !

 

à cause du brouhaha des machines électriques,

la pollution qui souille jusqu’à mes bouillons-blancs,

le stress et ses sarcasmes des plus ironiques

de sales triglycérides me rongent les sangs !

loin des couverts qui gisent au fond de l’assiette,

des chiens galeux peignant le bas des réverbères,

le toubib, un ami, veut me mettre à la diète;

le mal des villes,  en moi, a sauté les barrières !

 

moi qui n’ai obéis qu’à mes pulsions primaires,

le toubib, une fois, je devrais écouter!

je ne sais si ce fût Hugo ou bien Voltaire,

mais l’un des deux disait, « que le temps de crever,

c’est quand l’homme a compris », mais que faut-il comprendre ?

est-ce bien suffisant de n’avoir qu’une vie ?

quant à ce que j’ai pris, je ne veux plus le rendre !

quant à rendre la vie, là c’est encore  pis !

 

si je  disais un jour, aux amis de  naguère,

que  lorsque j’ai « le blues » je pense au vieux  pays,

va, j’en connais déjà… comme la gargotière…

(oh oui, la gargotière qui m’a connu petit),

qui riraient par derrière, car les gens sont ainsi !

que voulez-vous y faire, foetus, tout est inscrit;

 

l’un naît avec le slip et l’autre à poil,  pardi!

Le poulailler de Simone; ma tante

Le cadenas de Simone,

celui qui « tient » son poulailler

à l’abri de pas indiscrets

et de « mimines » polissonnes,

 

n’a pourtant qu’une seule clé

que seule Simone chaperonne !

mais

diable, les voyous s’en tamponnent

et « raspent » toujours ses poulets,

 

tordent le cou de ses pondeuses,

ouvrent à ses belles lapines

et les clapiers et les terrines;

Simone est furax et songeuse !

 

mais que fait la gendarmerie ?

«- Ma chère tante, elle dort la nuit…

 

et les voyous ont la vie belle ! »

Quand brille la lune, les poulets dorment,

je parle de ceux en uniforme,

d’avant Hollande ; de ceux sans zèle !

 

à présent,

les flics font un travail énorme :

les procès-verbaux s’amoncellent ;

on traque la moindre bagatelle

depuis la nouvelle réforme !

 

c’est que,

Hollande met du cœur à l’ouvrage !

mais on troue toujours ton grillage…

ma tante !

 

et là, le renard n’y est pour rien ;

ou les gitanes, ou le curé,

des amis bien intentionnés…

va savoir qui sont ces vauriens

 

qui narguent la maréchaussée !

reprends la technique des anciens :

le piège à loup pour ces coquins

et les poules seront bien gardées !

 

Le képi, c’est pas courageux,

ça reste pendu quand il pleut ;

ça ne fait la ronde qu’au grand jour,

 

ça ce moque bien des basses-cours ;

ça n’est jamais là quand il faut,

sauf s’il faut prendre quelques euros ;

le gendarme,

c’est sans pigment, c’est ordinaire

et ça se plaint d’être impopulaire !

 

Rien ne va plus, faites vos jeux,

les poulaillers sont trop boueux !

tout passe, tout lasse et tout s’émousse,

que voulez-vous …

 

c’est le pays des poules glousses !

Lucie de la rue des Saules

Elle gagnait juste sa monnaie,

dix pièces peut-être à la journée;

par tous les temps elle chatouillait

sa gratte aux terrasses des cafés;

 

on disait qu’elle n’avait que ça,

sa gouaille, ses refrains, son velours ;

personne ne lui savait de toit,

la place du tertre était sa cour.

 

Je buvais avec les moineaux

les larmes qu’elle tombait en passant ;

nous nous nourrissions de ses maux,

herbes folles des écorchés vivants.

 

Etoilées d’idées farfelues,

les rimes des poètes fantômes

qu’elle semait aux coins de la rue

durcissaient les traits de la môme,

 

mais quand s’entremêlait enfin

la rosée aux pétales de roses,

l’amour luisait en ses quatrains

et j’aimais ce p’tit bout de chose!

 

les autres la traitaient de putain

depuis qu’au cul du Sacré-Cœur

une nuit de peur et de faim

elle avait bu le déshonneur !

 

Sous sa casquette déchirée,

ses mirettes brillaient comme deux phares

et courraient de longs doigts de fée

sur les cordes de sa guitare.

 

Elle battait tôt le lourd pavé;

faut crapahuter sur la butte,

user ses godasses pour becter,

soi et soi toujours à la lutte !

 

un matin d’automne, rue des saules,

à sept heures elle dormait encor;

posant ma main sur son épaule

je sentis la douceur de la mort…

 

elle gagnait là son paradis ;

deux anges peut-être l’entouraient

et lui sifflaient les mélodies

de leurs célestes cabarets.

 

Ils diront qu’elle n’avait que ça,

sa gouaille, ses refrains, son velours,

mais ils lui offriront un toit

d’où elle verra ses rues, sa cour !

 

Je boirai, avec les moineaux,

le sel qui nous viendra du ciel,

quand tomberont de ses flûteaux


les larmes du rire éternel !

Et le monde appartient aux femmes

Copernic rêvassait à table,

Jean de La Fontaine à côté ;

l’un des deux déclamait des fables,

l’autre buvait une voie lactée…

 

les mots se mêlaient aux étoiles,

les morales à l’immensité.

C’est alors qu’un vaisseau sans voile

au coin des cieux fit son entrée ;

 

vaisseau sans mousse ni canon,

sans gouvernail et sans tonneau,

agrippant la vague au jupon,

épousant le vide et les flots…

 

quand sur le pont, un homme nu

de vie terrestre souriait

aux anges argentés puis aux nues,

aux mélodies qui l’emportaient.

 

Il gobait chaque girandole

de métaphores et les strophes

–  en alliances croquignoles –

perlaient à l’œil du philosophe !

 

Quand Copernic et La Fontaine

mouchèrent leur bout de chandelle,

de ces nébuleuses lointaines

gorgées de gaz et d’étincelles

 

nous parvinrent deux soupirs radieux ;

le poète avait rendu l’âme,

l’astronome les clés à Dieu ;

 

le monde appartenait aux femmes !

Le chariot de la joie

Le chariot de la joie sillonne le village;

les enfants, enchantés, chicanent en son sillage,

les feux d’artifice et les pétards enjôleurs

font vibrer les pupilles, les tympans et les cœurs ;

partout la liesse fait grand ouvrir les fenêtres,

on voit planer les rires sur plusieurs kilomètres,

 la terre, humide, accouche d’un air de violoncelle

et les filles de joie chatouillent les pucelles !

 

dis, connais-tu les secrets du pré aux phalènes ?

 

Soudain, les coins de rues s’embrasent et l’on se tient,

la longue farandole revêt un fier dessein,

les haches, à grands coups, éventrent les barriques,

le cristal des coupes a des reflets mirifiques !

tant de fleurs recouvrent le bitume à présent,

qu’on dirait un hameau au beau milieu des champs !

les grillons donnent corps à cette symphonie,

l’exaltation déplie ses bras nus dans la nuit !

 

dis, connais-tu les secrets de la douce Arcadie ?

 

Droite sur le pare-boue d’un vélo de bois,

une Ève de couleur tient un coq en ses bras ;

à ses ailes tournoient deux clés de sol en or ;

de notes blanches, Ève a tatoué son corps !

d’un faîte à l’autre les étoiles sautent pieds joints,

les déshabillés couvrent les meules de foin ;

le chariot de la joie suspend aux réverbères

quelques fragments de temps, ses pantoufles de vair !

 

dis, connais-tu les secrets de la blanche Cythère ?

 

Dans les ruelles, de longs ballets d’hirondelles

accompagnent gaiement la folle ribambelle,

les visages se parent de multiples couleurs,

 les mots se transforment en délicates senteurs !

bientôt l’on ne reconnaît l’endroit que d’instinct,

convaincu d’être alors au jardin de l’Eden !

 

Quel est la part de rêve, quel est donc cet éther

qui suce l’ordinaire par le côté amer ?

 

Le chariot de la joie poursuivra son voyage

pour faire, en d’autres lieux, ouvrir bien d’autres cages !

si seulement la vie pouvait avoir conscience !

si seulement l’esprit pouvait avoir confiance !

 

dis, qu’as-tu fait de tes os, Byzance ?

Lettre à Dieu, mon ami.

Depuis que les bigotes du quartier

pendent leurs culottes aux bénitiers

sans se soucier de l’opinion,

qu’elles accrochent près des caleçons,

près des mirlitons du curé

leurs dentelles et leurs effets,

des balcons de ta religion,

Dieu, mon ami, lève ton veston !

 

entre les uns qui n’ont la flamme

et les autres qui te réclament,

où faut-il que je me positionne

pour ne faire de tort à personne ?

Faut-il, pour être dans le coup,

que je te parle en disant vous ?

C’est bien de ta faute après tout,

c’est bien de ta faute malgré tout

si sous ma caboche rien ne résonne !

Dieu, mon ami, gare à la pomme !

 

tu sais ce qu’il serait bien de faire

au lieu d’être deux adversaires ?

Je connais, au cœur de la ville,

un vieux meublé, sous quatre tuiles,

où nous pourrions, seuls et peinards,

devant un cruchon de pinard

refaire le monde, tranquilles,

Dieu, même si c’est difficile !

 

tu pourrais, sans y aller trop fort,

me conter l’histoire de la mort ;

je te raconterais alors la vie,

le bisness, les nuits de folie…

tu prendrais alors conscience

que tes fils n’ont pas tous la chance

de fouler les trottoirs de France,

bien que chez mes frères aussi,

Dieu, mon ami, tout est fini !

 

leur ventre chantonne le soir

la mélopée du désespoir !

alors pour eux, essaie un peu,

essaie de faire de ton mieux,

modifie la situation…

je veux bien être ton second ;

si tu le veux, je serai ton second !

allez, chausse tes bottes, enfile ton bleu,

 

sinon tu ne seras plus crédible,

on ne la lira plus, ta bible,

et les bigotes du quartier

pendront fièrement aux bénitiers

leurs culottes et leurs dentelles,

quand le vil abbé, sous leurs ailes,

priera pour que la jupe des pucelles

soit de plus en plus échancrée ;

allez, fais-nous dans l’originalité !

 

tu sais ce qu’il serait bien de faire

au lieu d’être deux adversaires ?

Je connais, au cœur de la ville,

un vieux meublé, sous quatre tuiles,

où nous pourrions, seuls et peinards,

dans la fumée de nos pétards,

au pied d’un cruchon de pinard,

d’une grosse boule d’argile

refaire le monde, tranquilles,

Dieu, façonne un monde fertile !

 

Dieu, mon ami, prends ton bâton,

plante-moi la révolution

à coups d’éclairs et de tonnerre!

ce changement, il faut le faire !

fais donc courir sur l’arc en ciel

les blancs, les rouges, les caramels ;

que les noirs, les verts, les pastels

viennent un soir à la maison,

dans cette ruelle de ma ville

un p’tit meublé, sous quatre tuiles,

pourrait bien être leur asile !

 

Au lieu d’être deux adversaires

cette révolution faut la faire !

prends ta pioche, prends ta brouette,

prends ton grimoire et ta soufflette ;

change les hommes, change les bêtes,

change les femmes et les poètes

et donne les trois coups de la fête !

 

depuis déjà belle lurette

flotte sur l’eau des bénitiers

les culottes et les effets

d’une société en goguette !

change les hommes, change les bêtes

change les femmes et les poètes

et donne les trois coups de la fête!

Nuit blanche

Je me fouts de la nuit,

des affres de la mort,

des âtres de l’enfer…

 

me fouts de ses envies,

des humeurs de son corps,

de son humour amer;

 

je me fouts du sale temps,

des quatre vents qui braillent

sur la lande incendiée…

 

me fouts de ses draps blancs,

comme des petites mailles

de son déshabillé;

 

que Bacchus me protège,

je suis ivre et me livre

une guerre acharnée

 aux relents d’un manège

où l’encens et le givre

ne cessent de parader !

 

je me fouts des jonquilles,

du doux parfum des roses,

des frais coquelicots…

 

me fouts de tout ce qui brille,

des rimes et de la prose,

l’encre bleue du stylo;

 

je me fouts du centre ville,

des néons des boutiques,

de l’odeur des boulevards…

 

des traces indélébiles,

du trop peu éclectique

des croix de leurs brassards;

 

que Bacchus me protège,

je suis ivre et me livre

une guerre acharnée

aux relents d’un manège

où l’or blanc passe au cuivre

l’anneau des fiancés !

 

 bien sur je me fouts du feu

qui s’endort ou se meurt

abandonnant mes pieds…

 

la pègue en mes cheveux,

la raison ou le coeur

semblent m’interpeller

 

loin des flammes où dansaient

mes colères, mes dégoûts

au rythme du tison;

 

je ne suis qu’un corps vautré

sur un canapé mou,

mais grand Dieu, qu’il est bon

 

de n’être rien du tout!

L’ordonnance

Ferme tes yeux serviles,

recolle aux coloris

de toute extravagance,

 

débranche l’inutile,

apaise ton esprit,

écoute le silence ;

 

invite l’air du soir

à calquer sur ta peau

les parfums d’autrefois,

 

ton unique devoir

est brandir le flambeau

d’un nouveau passe-droit ;

 

danse avec le feuillage,

redécouvre l’extase

des senteurs de sous-bois,

 

dégrafe ton corps sage

et recouvre d’opaze

tes sens et tes émois ;

 

crée ton nouveau langage,

interpelle les cieux,

chevauche la licorne,

 

n’aie de couleur, ni d’âge,

de peau, de vertueux,

de géométrie, de borne…

 

puis plane entre les mondes,

bois les élixirs

des sorciers d’outre-temps,

 

garde l’âme féconde

et tu verras s’ouvrir

les chatières du printemps ;

 

ferme tes yeux serviles,

recolle aux coloris

de toute extravagance,

 

débranche l’inutile,

apaise ton esprit…

voici mon ordonnance:

 

« écoute le silence » !

Alchimie

Je m’étais allongé sur des aiguilles de pins,

n’ayant plus de force pour suivre mon chemin ;

je venais de bien loin et j’étais éreinté.

Je vous le donne en mille, savez-vous où j’étais ?

 

Là, tout près de Fontiès, je voyais les fumées,

joyeuses, en un ciel blanc d’hiver s’entortiller.

La neige, ici et là, avait laissé ses doigts

et j’aimais en son cœur voir l’empreinte des pas !

 

.. les animaux sont à l’œil si rares aujourd’hui,

que leurs traces dans la neige fleurent déjà la vie !

Il n’est jamais ici quelque hiver rigoureux

et la moindre bûchette vient à bout de tout feu !

 

Malgré le temps frisquet j’étais tout en sueur

et suais tant du corps que de l’âme d’ailleurs,

envoûté par les senteurs de cent fleurs célestes,

par la beauté des mots, par la douceur des gestes

 

de déesses aux dentelles fines et dorées !

il est temps de vous dire auprès de qui j’étais ;

il n’est là balivernes, ni rêve, ni ruse,

j’avais été convié sur les terres des muses !

 

Ne me demandez pas si j’avais en partant

semé pour le retour de petits cailloux blancs,

si là-bas règne le jour ou brille la nuit,

si les licornes dorment au pied des grands lits,

 

si les muses sont grandes, si leurs cheveux sont blancs,

s’il est le pays des sages et des grands enfants,

si leurs pinèdes, comme les nôtres, sont douces,

si les bords de leurs ruisseaux sont tapis de mousse…

 

ne me demandez rien car j’ai tout oublié !

.. est-ce la faute à l’un de ces philtres enchantés

– liqueur d’ambroisie aux pouvoirs surnaturels –

à quelque met que j’aurais dégusté au ciel ?

 

Là, près de Fontiès, où la résine de pin

fleure bon le pays méditerranéen,

regardant en arrière une nouvelle fois

je remerciais les muses d’avoir pris soin de moi,

 

puis versais la dernière larme de mon corps,

quand sur le sol tintait une paillette d’or !

Le rire du vent

Le vent s’en est allé

happer en d’autres terres

les feuilles de peupliers,

les feuillets de prières,

le fil des habitudes,

les mots de tous les jours,

le flot des inquiétudes,

les fleurs d’arrières cours…

 

ici, le calme, enfin

déploie ses larges ailes ;

tout naît et croît serein !

 

à voir les asphodèles

étirer leurs étoiles

dans l’espace apaisé,

à oublier le râle

lugubre, échevelé

du souffle tyrannique,

on dirait que tout flotte

sous un air angélique ;

au loin rit Iscariote !

 

léger le pas nouveau,

le battement de cœur,

tout repart à zéro,

comme en apesanteur !

 

sous les blanches poitrines

des broderies altières,

l’âpre nuit se termine

ravinant de lumière…

 

le vent s’en est allé

 rire au bout de la terre,

le calme est éphémère…

 

dansez dans sa trouée !