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Etude

C’est un petit jardin d’une beauté sublime,

triangulaire et noir comme l’œil du destin,

quand le destin s’affiche en roi illégitime

baisant le pli gonflé des nuisettes satins !

 

Quand le vent des jasmins, sous les arches d’alcôves,

lève de ses parfums le lin des baldaquins

et caresse à foison le poison des guimauves,

merci, grand Dieu, d’ouvrir la porte du jardin !

 

Quand le désir surgit des entrailles de la terre,

quand la rosée y fait rosir les euchéras,

qu’à la fontaine aux anges les saveurs printanières

du nectar infernal appellent au magma,

 

merci, grand Dieu, d’ouvrir l’enclos au grand soleil !

Quand la matière boit la lumière vibrante,

avant que ne s’enlacent des membres de sommeil,

quand les spasmes fleuris se meurent de mort lente,

 

ouvrez-moi le portail, déesses libertines,

que je respire les fragrances de l’extase

et faites en sorte, jouissances divines,

que sous le fin cresson qui retombe du vase,

 

pour une fois encore, parmi les euchéras,

quand la lune poindra, que les vents en furie

courberont l’échine, j’exhibe à bout de bras,

heureux comme Baptiste, les nerfs de la folie !

La dame au chien

La dame au chien se promenait ;

la dame au chien, devrais-je dire,

offrait aux passants son sourire,

son chien, des crottes à leurs souliers !

 

Quant aux passants, ô tristes sires,

ils ne se souciaient que du temps

qu’il faut pour aller en marchant

vite du Bénin au Zaïre,

 

de Bram à Castelnaudary,

de «l’Alaric» à «la Fajeolle»,

ou du vieux Blagnac à La Baule,

du vieux Trèbes au lac du Lampy,

 

ou bien du Sidobre à Graulhet,

ou bien de Nantes à Montaigut,

de Vérone à Honolulu,

du Géant vert chez les pigmés…

 

que sais-je !

 

je crois que la saison rend con !

plus personne ne rend les sourires,

l’esprit s’encombre de délires

et les souliers de déjections !

 

Pour moi, la dame au chien

promenait en laisse une idée,

– par innocence ou par bonté –

rien d’humain… ni vraiment canin…

 

une réflexion sur le temps ;

quelque chose de contemporain :

«Où vont ces gens, main dans la main,

moutonneux, hagards et bêlants !»

 

La dame souriait toujours,

son chien roulait du «popotin»,

les gens flottaient sur le chemin

et je rêvais encore d’amour !

 

Ainsi donc la philosophie

naîtrait à l’abri des regards,

de bon matin, sur les trottoirs,

d’une dame drôle, d’un chien bouffi ?

 

Ha, ha, ha, ha, ha, ha, ha, ha,

là, çà t’en bouche un coin, Socrate !

ne fais pas la gueule,

laisse donc les «cleps» lever la patte !

Extrait de « José à sa famille »

          Alors, lorsque le besoin de convoler avec les cieux revenait, récurent, je prenais de l’altitude et je hélais toute la clique des divinités depuis les ruines du château de Miramont, sur la montagne d’Alaric.

  Là, je le relate dans l’un de mes poèmes « L’homme nu », j’avais l’impression d’être au balcon de l’Olympe, un peu comme si j’étais déjà chez moi au ciel et nous bavardions entre potes.

  Mais ce qui me réjouissait le plus, est qu’à cet endroit, l’altitude parfaite permet à la fois de prendre un peu de hauteur par rapport au monde matériel, en contrebas, dans la plaine, et permet aussi d’en distinguer les infimes détails ; ce qui est particulièrement propice à la réflexion comme à la méditation !

  L’homme était là, petit comme une fourmi. J’étais enfin sorti de la fourmilière, j’avais enfin pris de la hauteur par rapport à mes semblables et je pouvais les regarder évoluer dans la sottise, l’ignorance et la contradiction !

  Quelques années de plus étaient passées ; ma barbe commençait à blanchir.

  Bien des fois, sur la montagne, aux “bénitiers “ d’Alaric, des rochers calcaires sculptés par l’érosion en forme de bénitiers, étant arrivé avec des doutes je repartais avec des certitudes ; des illusions, assurément, mais ainsi doit être le cheminement !

  Je ne savais ni quand ni où, mais j’avais en tout cas la certitude qu’ici je trouverais le chemin de ma plénitude ; le chemin par lequel mon esprit et mon âme seraient enfin libérés !

 C’est ainsi qu’un jour d’été je sentis une présence, un bruit de feuillage par une journée sans vent, et puis une voix féminine, celle de Mnémosyne qui me présentait ses neuf filles. Dans les semaines qui suivirent je fus tour à tour ami de Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Erato, Polymnie, Uranie et Calliope.

  Ne connaîssant de la rime que quelques tirades des plus classiques, sans savoir ni comment ni pourquoi, embrassant désormais les Muses dans le cou je me mis à écrire un texte poétique, puis un autre, encore un autre et encore beaucoup d’autres… j’avais trouvé le chemin qui libère l’esprit ; mon âme devait encore demeurer prisonnière quelques années.

Silence

Un jour je partirai laissant mille poèmes

au cœur desquels j’aurai colorié ce que j’aime

et tout ce que je hais, ce que j’espère aussi ;

de tendres anecdotes qui pigmentent la vie.

 

Quelques uns, je le sais, viendront vous faire rire,

d’autres vous alerter, les derniers vous séduire ;

ceux qui chanteront les louanges de mon pays,

préservez-les, ils sont les larmes de mes nuits !

 

.. puis, rangez pêle-mêle le vrac sur l’étagère,

mais ne le brûlez pas car ce sont des prières

adressées au Bon Dieu comme aux anges du ciel ;

n’allez pas prendre mes recueils pour des missels !

 

Ma plume ne ressemble guère à celle d’Hugo

dont la richesse étincelait à chaque mot ;

mes rimes ne sont nées pour traverser le temps

si ce n’est trois mois sus à mon enterrement !

 

Toujours franc du collier, prêt à rentrer en piste,

j’ai fait ce que j’ai pu d’un plaisir égoïste ;

si j’ai charmé quelques-unes de vos soirées

je cueillais là le verbe mais jamais les lauriers…

 

je buvais vos sourires et votre main tendue.

Il a neigé, venté, gelé, puis il a plu,

les amis ont viré avec leurs joies, leurs peines,

seuls mes textes, fidèles, sont demeurés les mêmes…

 

et passent les saisons, et tournent les ombrages,

je signe Garrigou au bas de chaque page,

la pendule du salon s’est enfin arrêtée

et si c’était cela “l’heure de vérité“ ?

 

La pendule du salon s’est enfin arrêtée,

et si ce n’était là que “l’immortalité“ ?

Le retour espéré

Et puis un jour elle est venue,

personne ne l’attendait plus !

elle est arrivée sous un vent

de flammes et de bombardements !

sans crier gare elle a passé

la porte, puis s’est installée.

 

Tant l’amour luisait sous ses ailes,

à la voir, on l’eut cru chez elle !

seul bémol, son accent perdu

sous la mitraille de la rue.

Elle a souri de ses yeux ronds,

puis a jeté son baluchon

 

dans le recoin de l’escalier,

comme si tout était terminé.

Comme s’il y avait une entourloupe,

nous avons mangé notre soupe

– la vie jouant à cache-cache –

sans lever l’œil ni la moustache !

 

Ce n’est qu’après le pousse-café

qu’à nouveau nous avons osé

– sans peur qu’elle ne fuit – l’embrasser ;

tout n’était que félicité !

Toujours, à l’œil d’une contrée,

le vent finit par se calmer…

 

et quel que soit le jour, la nuit,

sur ses ailes elle revient au nid,

 

la paix !

L’ordonnance

Ferme tes yeux serviles,

recolle aux coloris

de toute extravagance,

 

débranche l’inutile,

apaise ton esprit,

écoute le silence ;

 

invite l’air du soir

à calquer sur ta peau

les parfums d’autrefois,

 

ton unique devoir

est brandir le flambeau

d’un nouveau passe-droit ;

 

danse avec le feuillage,

redécouvre l’extase

des senteurs de sous-bois,

 

dégrafe ton corps sage

et recouvre d’opaze

tes sens et tes émois ;

 

crée ton nouveau langage,

interpelle les cieux,

chevauche la licorne,

 

n’aie de couleur, ni d’âge,

de peau, de vertueux,

de géométrie, de borne…

 

puis plane entre les mondes,

bois les élixirs

des sorciers d’outre-temps,

 

garde l’âme féconde

et tu verras s’ouvrir

les chatières du printemps ;

 

ferme tes yeux serviles,

recolle aux coloris

de toute extravagance,

 

débranche l’inutile,

apaise ton esprit…

voici mon ordonnance:

 

« écoute le silence » !

Avance automatique

Des géraniums sur les murettes,

des lauriers roses dans les cours,

des mains de cyprès alentours

et le vol rasant des fauvettes ;

 

des coquelicots à foison,

des nids d’hirondelles bâtis

sous les tuiles et les appentis,

des rideaux brodés aux maisons ;

 

des portes bleues à moustiquaires,

un bonjour qui sort, un bonsoir,

quelques poules rousses, un chat noir

et des bleuets aux gibecières…

 

puis, pacifistes casqués de vert,

des régiments de pieds de vigne,

en un garde-à-vous rectiligne

récitant leurs antipater ;

 

le vent qui corne jour et nuit

dans les chêneaux et les serrures,

les dégradés d’enluminures

sur les fenouils après la pluie…

 

et la voix roque et chaleureuse

de qui foule au pied le raisin,

des tapis d’aiguilles de pin

sur une terre rocailleuse ;

 

l’huile sauvage des romarins

et des ciels de cigales vives,

le goût des vendanges tardives,

la garde-robe des grands vins…

 

et la peau satinée des femmes,

leur corps parfumé par l’été,

la fougue altière des baisers

et tant de désirs qui s’enflamment…

 

puis des orages de couleurs

et des cascades de tendresse,

la grande saison des promesses

et les crêpes de chandeleur…

“le quotidien à minima !“

 

ici,

la vie roule calme et sereine !

pourquoi donc se charger de peine ?

pourquoi donc parler de trépas ?

à quoi servirait donc la haine,

la dispute et la guérilla ?

notre terre avance à grands pas,

 

enterré le phylloxéra,

nous donnons vie aux éoliennes !

Alchimie

Je m’étais allongé sur des aiguilles de pins,

n’ayant plus de force pour suivre mon chemin ;

je venais de bien loin et j’étais éreinté.

Je vous le donne en mille, savez-vous où j’étais ?

 

Là, tout près de Fontiès, je voyais les fumées,

joyeuses, en un ciel blanc d’hiver s’entortiller.

La neige, ici et là, avait laissé ses doigts

et j’aimais en son cœur voir l’empreinte des pas !

 

.. les animaux sont à l’œil si rares aujourd’hui,

que leurs traces dans la neige fleurent déjà la vie !

Il n’est jamais ici quelque hiver rigoureux

et la moindre bûchette vient à bout de tout feu !

 

Malgré le temps frisquet j’étais tout en sueur

et suais tant du corps que de l’âme d’ailleurs,

envoûté par les senteurs de cent fleurs célestes,

par la beauté des mots, par la douceur des gestes

 

de déesses aux dentelles fines et dorées !

il est temps de vous dire auprès de qui j’étais ;

il n’est là balivernes, ni rêve, ni ruse,

j’avais été convié sur les terres des muses !

 

Ne me demandez pas si j’avais en partant

semé pour le retour de petits cailloux blancs,

si là-bas règne le jour ou brille la nuit,

si les licornes dorment au pied des grands lits,

 

si les muses sont grandes, si leurs cheveux sont blancs,

s’il est le pays des sages et des grands enfants,

si leurs pinèdes, comme les nôtres, sont douces,

si les bords de leurs ruisseaux sont tapis de mousse…

 

ne me demandez rien car j’ai tout oublié !

.. est-ce la faute à l’un de ces philtres enchantés

– liqueur d’ambroisie aux pouvoirs surnaturels –

à quelque met que j’aurais dégusté au ciel ?

 

Là, près de Fontiès, où la résine de pin

fleure bon le pays méditerranéen,

regardant en arrière une nouvelle fois

je remerciais les muses d’avoir pris soin de moi,

 

puis versais la dernière larme de mon corps,

quand sur le sol tintait une paillette d’or !

Lettre à mon âme

Chaque coquelicot

qui pigmente les blés

est un rouge sanglot

qu’un nuage a tombé ;

 

chaque nuage en fleur

que la bise déroute

sème au hasard ses pleurs

sur nos âmes, goutte à goutte.

 

Les grappes d’amarante

accrochées aux rochers,

le langage des menthes,

les elfes, les cyprès,

 

l’églantier à l’affût,

les bordées d’orchidées,

notre temps, révolu,

mes amours, envolées…

 

que de coquelicots

parsemés dans les blés ;

de rougeâtres sanglots

que pour toi j’ai versés !

 

La ronde des nuages,

le manège des tourments,

les nuées de vieux anges,

les automnes d’antan,

 

les régiments d’ajoncs

et la chaleur épaisse,

les froufrous, les chignons,

nos nuits enchanteresses,

 

la cabane à refaire,

les murettes à tomber,

nos couches à défaire,

nos serments à jamais…

 

fini ;

je boucle le voyage !

 

On dit qu’en chaque lys

sommeille un souvenir,

que la corolle d’iris

dévoile l’avenir…

 

et les tresses fleuries

des diseuses d’aventure

offrent à qui veut la vie

le bleuet et la mûre!

 

du creux de son ruisseau,

la violette interpelle

les notes d’un flûteau

qui filent à tire-d’aile !

 

à l’abri du talus,

les boutons d’or déplient

pour deux cœurs éperdus

l’étincelant tapis !

 

la folle avoine, qui

n’a de cœur ni d’esprit,

danse seule la nuit

sur d’obscures mélodies !

 

ici, le brin de thym

fait se courber l’échine

du vulgaire dandin

qui niaisement chemine!

 

la jonquille, bien sur,

lève le nez aux cieux

proférant vers l’azur

ses tendresses à Dieu !

 

la bruyère, là-bas,

recueille quelque étoile

saisie par le frimas

dans sa course fatale…

 

alors, je m’époumone

sur le blanc pissenlit

pour que mes vœux jalonnent

les voies du paradis !

 

adjugé ;

je boucle le voyage !

 

Je boucle le voyage

et tu es loin de moi,

loin de ce paysage

qui fut tien autrefois !

 

Tout est là, en l’état,

aussi vrai «que nature»

prêt à prendre le pas

sur nos deux vies futures !

 

C’est dans cet écheveau

que je quitte la terre !

je verrai Dieu, bientôt ;

je suis prêt, solitaire…

 

mais avant de partir

au pays de la faux,

permets-moi de t’offrir

cet ultime cadeau :

 

de rougeâtres sanglots

du pays enchanteur ;

 «simples coquelicots !»

 

tu vois,

à présent peu m’en chaut

du langage des fleurs!

Par la rase du temps

  Le Cers était léger,

le souvenir tenace ;

le lièvre était passé

et je cherchais sa trace !

 

au milieu de la vigne

je courais l’ancien temps,

jouais de l’interligne

et traquais l’inconscient…

 

sans fusil ni cartouche,

ni chien, ni cri… ni vie,

une feuille à la bouche

j’allais en rêveries ;

 

de fous rires en pleurs,

de hoquets en grimaces,

les rouquettes en fleurs

parfumaient mes audaces,

 

le Cers était léger

et ma quête tenace,

le lièvre était passé,

je trouverais sa trace !

 

et partout sur la vigne

flottait ce fameux chant !

en ses rimes malignes

sautillaient tant d’accents !

 

au feu les vieilles souches,

le grenache fini,

la Carthagène en bouche

n’est plus que gazouillis !

 

gazouillis ou rumeur,

l’histoire, hélas, s’efface !

peut être un rimailleur

forcera sa préface

 

et saura débusquer

le lièvre de son gîte !

le vin a bien coulé,

les jeunes ont pris la suite !

 

Sous les détonations,

ami du genre humain,

ce soir, à Montredon,

qui va main dans la main ?

 

Le Cers est bien léger,

je pétris ma colère !

la terre abandonnée

engendre la misère !

 

le lièvre capturé,

sa mort inévitable !

mon pauvre Beaumarchais

« sa mère n’est point coupable » ! 1

 

à la source, mon fils,

ôte la lourde pierre,

irrigue tes iris

de vérités premières,

 

au pied de la fontaine

sème quelques pensées…

ainsi, mon âme en peine

boira sa liberté !