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A vous quatre

Peu importe qu’un jour le thym ne fleurisse plus ;

pour qui exhale-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour proche le soleil implose ;

pour qui s’entête-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour le ruisseau soit à sec ;

pour qui serpente-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour les cigales se taisent ;

pour qui craquètent-elles encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour les gratte-culs s’étiolent ;

pour qui mûrissent-ils encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour l’école ferme ses portes ;

pour qui le poêle fume-t-il encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour brûlent les cahiers de morale ;

pour qui la déférence subsiste-t-elle encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour se fanent les drapeaux rouges ;

pour qui la lutte est-elle le point du jour encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour gauche et droite se perdent ;

pour qui les idées usées prônent-elles encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour la petite église s’effondre ;

pour qui doit-elle demeurer debout encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour nous ayons cru à Dieu ;

pour qui sa main sera-t-elle salvatrice encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour on nous donna le message ;

pour qui a-t-il l’odeur de la justesse encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour la camarde nous alpague ;

pour qui la fin est-elle une idée noire encore

sinon les gens de vignes, les poètes, les grillons ?

 

Peu importe qu’un jour je ne cuisine plus

ces tendres allégories que je cueille dans les nues ;

pour qui donc mes images clopinent-elles encore

sinon les gens de vignes, vous quatre, et les grillons ?

 

Moment de pause

Nous sommes sur le seuil de la cave, pensifs,

comme nos songeries la pluie vient de travers

et l’on suit du regard les fleurs de courant d’air,

les voiles d’eau hâtifs et les gouttes de suif…

 

nous pensons en silence aux choses essentielles,

à ces simplicités, qui, misent bout à bout,

font que finalement la journée tient debout

et font que malgré tout les saisons s’entremêlent !

 

Pas de violence dans le geste ni le verbe,

pas de violence dans la terre de chez nous ;

nous vivons à l’écart des sirènes et des fous,

nos musiques naissent du soleil et de l’herbe…

 

nous suivons la charrue d’un œil, tandis que l’autre

caresse la chair brune de la terre tranchée

et nous savons déjà, à l’entendre chanter,

que sera la récolte de raisin ou d’épeautre !

 

chaque jour c’est le dos du calcaire qu’on tisonne ;

admirez le sillon et sentez sa sueur…

la terre est bonne quand on l’ouvre avec le cœur !

sous l’aria du soc terre et laboureur fusionnent !

 

La pluie vient de travers, nous prenons un instant

pour voir tomber la vie en rayures obliques ;

nos fleurs du quotidien, simples et magnifiques,

courbent à présent l’échine sous les baffes du temps ;

 

tant ces lignes de fuite sont drues et aiguisées,

même les chiens mouillés cherchent un toit de fortune !

le temps de lire les gros titres à la une

et de lever les yeux la pluie s’est éloignée.

 

Nous quittons le seuil de notre cave repris

par ces tâches que nous ne finirons jamais ;

sur les tuiles, à nouveau le soleil vient glisser ;

le temps pour nous d’enfiler les bottes, c’est parti ;

 

nous devons cultiver les bienfaits de la vie !

L’homme nu

I

  

La pleine lune avait, déjà plus de cent fois,

du jeu perpétuel dont l’astre blond jouit,

à savoir se vêtir d’un apparat de soie

où de brumes rosées broder son fol esprit,

 

tiré l’épingle au gré des voluptés cosmiques

de la nuit qui s’égrène le long des sons glaireux,

archanges de mots doux, ronflements syllabiques,

pure fantasmagorie de tous gens orgueilleux !

 

Tel ce Dieu accoudé au balcon de l’Olympe

j’humais dans l’air du soir quelque éclat de bonté ;

philosophant au fil des valeurs les plus simples,

mon âme se gorgeait de vertus vanillées…

 

la fleur de bruyère ne convient pas au lieu ;

trop aride ; si beau sans le moindre artifice,

qu’au temps des folles amours j’y attèle mes vœux

et tire en sifflotant la houe de mes caprices…

 

le roulis des cyprès, étiolés à la taille,

dans l’azur pigmenté de papillons nacrés,

pareil aux filles des bals de la fin des semailles,

caressait sous les cieux un quatre temps parfait…

 

une onde claire allait, sans se presser vraiment,

léchant les rocs moussus d’une arrière-saison,

clapotant par ici, par-là se lamentant,

errant par habitude, sans but et sans raison…

 

afin qu’entre les plis de leur ventre adipeux

ne s’égarent en chemin les messagers d’Eole,

les candélabres, jaunis par la fumée des vieux,

accrochaient dans la plaine leurs mornes girandoles…

 

l’aurore était honnête et respectait les lois,

la logique sacrée, la gouverne des temps ;

le souffle d’Artémis, sur mon chemin de croix,

vint comme une promesse… et fût envoûtement !

 

la grive, si criarde, en son lit de feuillage

susurrait en silence, par ses vols éreintée,

les abeilles et les baies de ses papillotages ;

oiselle, mon amie, que demain te soit gai !

 

de ma blague polie au velours côtelé

d’un fond de poche usé par des ongles trop lourds,

quelques brins de tabac, à trois herbes mêlés,

sautaient en persillant, ô fieu, les alentours…

 

d’entre mes doigts brunâtres au travers de ma lippe,

d’un geste familier, d’un plaisir méthodique,

fidèle au règlement des étranges principes,

je bordais, là, ma nuit, d’un drapé féerique !

 

Apollon, par mégarde, me pensant assoupi

ou sur l’heure asservi à l’emprise des sens,

saupoudra les volutes de mes rêveries

de perles de folie et de poudre d’encens.

 

 II

 

 Au nirvana bleuté de l’extase empirique,

fidèle au souvenir des voyages d’antan,

lorsque la brume ôtait ses voiles impudiques

ma couche s’entrouvrait sur des lieux bienfaisants…

 

alors, l’esprit vidé d’encombre matérielle

j’atteignais l’océan de la sérénité ;

pendant que tremblements, sueurs et ribambelles

empoignaient ma tête et faisaient tout sauter

 

mon âme, elle, dansait au pays des sorcières

dont elle perçait la nuit de rires pénétrants ;

 apparaissaient alors aux reflets des cuillères,

Baudelaire et Gautier et l’hôtel Pimodan,

 

la confiture verdâtre des jeunes initiés,

les moqueries d’anciens, les réunions secrètes ;

les coches de l’île saint Louis, les délires programmés

mêlaient dans l’air ambiant, les Dieux, les hommes aux bêtes !

 

bien sûr, je n’étais rien qu’un corps dans la garrigue,

avachi en bordure des rives de l’enfer…

du « Paradis » dirait le père de Rodrigue !

ô Corneille, l’ami, pardonnes mes éthers…

 

quand tout tourne, sais-tu, de Ronsard et sa rose,

des orphelins de Rimbaud au triste hiver d’Eluard,

le passage clandestin des rimes à la prose

fiance les tragédies au roman de Renart !

 

chacun n’est que lui-même ! à quoi bon se mentir ?

Soi, en fait, est tout autre… et c’est Dieu que voici !

au balcon de l’Olympe Dieu SOI se fait plaisir

et nos corps dénudés redeviennent fourbis !

 

bientôt, d’ici, naîtra un monde unique et rond,

incontestablement j’en serai le maître !

les Dieux, au pinacle, unis me porteront !

qui pourrait sous vos cieux dire qu’il s’est vu renaître ?

 

ô nuages enfuis, ô lune galopante…

qu’il est doux, aujourd’hui, ce semblant de retour !

ô pays de l’absinthe, ô prairies d’acanthes,

ô pétales de rimes, ô couleurs de l’amour !

 

Apollon, par mégarde, me pensant assoupi

où sur l’heure asservi aux effets de la drogue,

saupoudra les volutes de mes rêveries

de poudre de folie et pensés interlopes.

  

III

  

Sur le char d’Apollon, Phaéton, les larmes aux yeux,

ordonnait aux chevaux de calmer leur ardeur,

car où Phaéton passait, tout n’était plus que feu ;

 vint le bruit du tonnerre, puis le calme enchanteur…

 

l’ondine, si tranquille, qui courait à mes pieds,

se fendit par là même où les ajoncs, tantôt,

jouant aux clapotis comme des gosses désœuvrés

riaient en aspergeant leurs superbes manteaux…

 

quand un chant mélodieux, entrecoupé de voix,

me parvint du ruisseau en un halo doré,

trois créatures de chair, vêtues de draps de soie,

dessinaient le profil d’une étrange destinée…

 

les nymphes allaient souffler une chaleur intense,

un bonheur sans pareil, une ivresse lucide ;

comme bouquet final de mes dernières transes,

je régnais désormais sur les terres d’Euripide !

  

IV

 

Bien sûr, la lune avait, une nouvelle fois,

du jeu perpétuel dont l’astre blond jouit,

à savoir se vêtir d’un apparat de soie

ou de brumes rosées troubler mon fol esprit,

 

tiré l’épingle au gré des volontés humaines,

rassasié l’un des siens, réconforté un brin !

 

A chacun son histoire, à tous la même peine

à tous le même but… à chacun ses chemins.

Ni vigneron ni força

Je ne sais si cette année les souches ont la rondeur

des femmes en délicatesse de huit mois ;

des ventres lisses et ronds chantant dans leur chaleur

les trésors de la vie, de leur plus douce voix…

 

je ne sais si le vent marin boit aux rameaux

ni si le soleil coule sur le pourpre des grains,

si les cigales solfient dans leurs soirs rougeauds,

si d’autres abreuveront de moût leurs fols quatrains…

 

je ne peux faire de pronostic de vendange,

vous dire si le cru va tenir ses promesses,

si les cueilleurs bûcheront les pieds dans la fange

ou si fuseront dans l’azur des traits de liesse…

 

vous dire si ailleurs les machines sont prêtes

à enjamber les ceps et avaler l’offrande,

comme le font, au ruisseau sacré, les poètes,

et la tramontane vorace sur la brande…

 

je ne sais si la musique des barriques qu’on roule,

ou l’alcool des anges sous les voutes des caves,

ou les senteurs ferrées des outils qu’on émoule

rempliront l’âme de mes frères les plus braves…

 

je ne sais à quelle sauce cuira la saison,

si les foudres cuveront un automne charnel,

s’il fera bon, ensuite, sous les coups de tisons,

et ce que chanteront les futurs ménestrels…

 

je ne sais

 

car mon corps s’est éteint juste avant la récolte,

roulé par les déferlantes de temps ingrats ;

et je suis là, couché face aux vieilles archivoltes,

sur un drap à longs pans et sous un ciel extra…

 

je suis là, rouge encore, comme ceux des révoltes !

je suis là, raide et blanc, comme ceux du trépas !

je suis là, au milieu d’amours qui virevoltent ;

je ne suis plus rien, ni vigneron ni força !

Le doute affreux

Nitrates, paracétamols,

perturbateurs endocriniens,

pesticides, séléniums,

bactéries, radioactivité…

 

chéri, prenez un verre d’eau du robinet !

 

bactérie Eschérichia coli,

antibiotiques, salmonelles,

dioxines, activateurs de croissance,

biocides, métaux lourds…

 

chéri, laissez-vous tenter par un succulent steak haché !

 

fongicides, herbicides,

nématicides, insecticides,

désherbants, phosphates,

xénobiotiques, tensioactifs…

 

chéri, consommez-vous vos cinq fruits et légumes au quotidien ?

 

méthylmercure, dioxine,

polychlorobiphényles,

cadmium, plomb,

arsenic, organo-étains…

 

Chéri, que diriez-vous d’un poisson pour varier le menu ?

 

particules, ozone,

oxydes d’azote,

dioxine de soufre,

ammoniac, benzène…

 

chéri, prenez donc un grand bol d’air frais !

 

Syphilis, condylome,

blennorragies, Chlamydia trachomatis,

mycoses, herpès, sida,

lymphogranulomatose vénérienne rectale…

 

chéri, le sexe est excellent pour le moral !

 

Voyez-vous, amis, parfois je me demande si l’amour que me voue cette femme est des plus sincère…

Soixante-dix ans en partage

Tant de soleils ont tout blanchi,

tant de pluies ont tout lessivées,

tant de grêlons ont rebondi

sur les lames de nos parquets,

tant de gelées ont racorni

le bout de nos souliers ferrés,

tant de boutons d’or ont fleuri

sur nos rêves d’égalité…

 

tant de progrès en peu de temps,

tant de vitesse, tant de violence,

tant d’espoirs, tant de différends,

tant de baisers, tant de démence,

tant de fêtes et tant d’absents,

tant de chardons dans la balance,

tant de pierres, tant de chiendent,

tant de sueurs et de souffrances…

 

tant de musiques sont passées,

tant d’amis lointains sont venus,

tant de fricots ont mijoté,

tant de chocolats ont fondu

et tant de verres ont tinté,

tant d’embrassades de bienvenue,

tant de nappes blanches ont flotté

comme des drapeaux de salut…

 

tant de lundis gris et cassants,

tant de souches à la rangée

tant de « bofanèlas », de sarments,

tant de capelines ajustées

et tant de sourires brûlants,

tant de rouquettes à couper,

tant de raisins noirs et craquants,

tant de misère à supporter…

 

puis tant d’hivers et tant de bûches,

tant de langes épais étendus

sur de longs fils de fanfreluches,

tant de saucisse dépendue

et de pain volé à la huche,

tant de crucifix, de statues,

de laurier bénit et d’embuches,

tant de secrets dans le bahut…

 

tant de vendanges en chemisettes

tant de tombereaux attelés,

tant de biscuits et d’anisette

pour le repas sous le noyer,

tant d’anecdotes dans les assiettes,

d’abeilles dans les seaux sucrés,

tant de sécateurs, d’oreillettes

et de bonheur à partager…

 

et tant de valses pour lesquelles

nous avons couru à vélo

tant de chemins où la dentelle

coulait le long des caracos ;

au pédalier tant d’étincelles

et tant de frissons dans le dos,

non tant pour la fête charnelle

mais pour l’ivresse du tango !

 

Depuis nos jambes se sont tues,

on ne marche plus, on fait rouler,

et si notre monde exigu

de souvenirs est tapissé,

comme deux jeunes ingénus

on tue nos journées à s’aimer,

puis on sommeille confondus

en écoutant le vent chanter.

 

« bofanèlas » :   fagots de sarments de vigne en langue d’Oc.

 

Mon Pierre, as-tu trouvé la paix ?

Depuis que tu es parti, mon Pierre, en ces prairies

où tu voyais la paix fleurir sous chaque pas,

je n’ai pas pu prendre une seconde pour toi ;

pardonne-moi, tu sais la course de la vie !

 

As-tu fait bon voyage par les strates célestes…

ne t’es-tu pas perdu par ces voies encombrées…

as-tu trouvé l’endroit, la porte dérobée…

t’es-tu abonné à quelque autre palimpseste ?

 

Dis-moi, mon Pierre, dis, au creux de mon oreille,

est-ce conforme au moins à ce que tu espérais…

as-tu vu la Famille Divine… et Beaumarchais…

et les meubles sentent-ils la cire d’abeille ?

 

Nous avons tant et tant de fois, devant un verre,

croqué la philo et les olives ici-bas,

imaginé les nues remplies de nymphéas,

de vignes à longs doigts, de plantes fourragères

 

enguirlandées de pourpre et de jaune et de bleu…

et combattu l’absurde à coup de mots choisis,

et fait coulisser les verrous du Paradis ;

tu me manques, mon Pierre, sous mon ciel ténébreux !

 

Parfois, l’arc en ciel enjambe le Lauraguais

et les tuiles d’Alzonne scintillent sous la rosée ;

le soir, quand tous les autres sont devant la télé

le cul bien enfoncé et les neurones en biais,

 

je pense à toi, mon Pierre, et j’envie le grand jour

où devant un rosé, des olives à la main

 nous trinquerons encore à d’autres lendemains,

nous foutant pas mal du cours du topinambour !

 

Entité en goguette, si tu passes par-là

viens me joindre à la fête, je n’attends plus que ça !

pardonne-moi, tu sais la course de la vie,

je dois te laisser les emmerdes cognent à l’huis !

Au cimetière

L’un était curé, l’autre était viticulteur,

l’autre était ébéniste et l’autre instituteur…

plus loin un « Mr le Comte »… bien des gens disparates ;

mélange d’os de bougnats et d’aristocrates !

 

Puis, régulièrement, posant sur des photos,

des anciens moustachus de la Ligne Maginot…

et gravé à la pointe sur de froids marbres gris,

cette glorieuse inscription : « Mort pour la Patrie ».

 

Partout des chrysanthèmes et des pensées de soie,

des colombes qui roucoulent, et des signes de croix

qui filent à la hâte de visages éteints ;

un pré de croix par un mur de cyprès enceint.

 

Quelques petites vieilles, qui demeurent encore,

l’arrosoir à la main dès que pointe l’aurore,

charriant l’eau, deux glaïeuls, la canne brinquebalant

et pensant à leur proche futur grimaçant…

 

plus loin un mitron, un commerçant, un pompier,

tous face à face de chaque côté de l‘allée,

séparés par un long drap de gravillons blancs,

les uns bien costumés, les autres en balandran…

 

d’autres femmes évoquant le vieux temps à voix basse,

– tant de souvenirs que volontiers on embrasse  –

le portail qui crisse à chaque allée et venue

séparant le monde décadent du déchu…

 

de jeunes anges se coursant à tire-d’aile

entre le nid des bleus et ceux des Dardanelles,

et dans le ciel, là-haut, un splendide soleil…

et dans la terre, en bas, un splendide sommeil.

Un poème de comptoir

Garçon, un poème je vous prie !

des vers sans sauce ni Chantilly,

juste quelques rimes nature ;

une belle idée sans fioriture !

 

un thème fleuri s’il vous plait,

ni lourd, ni couru, ni  surfait ;

une musique de printemps…

mais sans soleil éblouissant !

 

qu’on puisse aussi tergiverser

au second ou troisième degré…

avec une dose d’humour,

et quelque chose un brin glamour !

 

qu’il parle de vigne, de fille légère,

de paysan et de sorcière,

ou de bon grain ou bien d’ivraie

peu importe, mais qu’il soit vrai !

 

et puis, veillez aussi, garçon,

à ce qu’il y ait la ponctuation,

ce qu’hélas trouvent subalterne

la plupart des poètes modernes !

 

des quatrains sans prise de tête ;

un peu de poudre d’escampette

qui m’entraîne au travers des nues

hors mascarade et hors chahut !

 

qu’on y voit le coquelicot

danser sous un vent in-folio,

et qu’en la trame à l’encre noire

il y ait à manger et à boire !

 

garçon, un poème je vous prie,

sans prétention mais fort joli !

un cru classé en quelque sorte

qui vienne des tripes et de l’aorte !

 

et que l’auteur soit généreux,

dans sa cuisine, un cordon bleu !

et que l’auteur soit expressif,

qu’il choisisse à point l’adjectif !

 

——

 

Très bien, Monsieur, j’ai ce qu’il faut.

Jamais primé au Renaudot

bien que Poète de haut-goût,

un vrai délice, un vrai bijou,

 

Monsieur,

Je vous apporte un « Garrigou » !

De D3 à D114

Je la prenais à longueur de temps cette route.

J’y buvais les voix et y croquais les parfums

d’êtres chers et de longs étés, hélas défunts.

Vous la conter m’apaise ; vous en parler me coûte.

 

C’était un ruban d’asphalte, gris, qu’un artiste

avait imaginé dodelinant un brin

entre les souches de Carignan, les jardins

et les arpèges en fleurs des accordéonistes.

 

Une chaussée qu’il avait crayonnée parfaite

pour que se croisent les chiens errants, les vélos,

les piétons, les voitures, les tracteurs, les tonneaux,

les troupeaux de chèvres, les pâtres et les poètes.

 

Une ganse de satin qui reliait, joyeuse,

la place d’un patelin à l’église de l’autre,

mêlant les chants de chasse et les patenôtres,

les rêves d’interdits et les âmes songeuses.

 

Pour que tous aillent à l’ombre, le pas bienfaisant,

la chaussée traversait sa contrée paysanne

fleurie de boutons d’or, bordée de lourds platanes

sur lesquels les pies bâtissaient en jacassant…

 

quand des villages traversés, l’on percevait

des rires échappés de cognements d’outils,

et des encens d’oignon et de poulet rôti

le jour où le Seigneur laissait les femmes en paix.

 

Puis, des hommes penchés poussaient de part et d’autre

dans un décor de vignes et de rudes saisons…

comme sous les chênes poussent les champignons

et sur les stèles des églises les apôtres.

 

Je la reprends parfois cette route, assombri

par les amis au ciel et les arbres arrachés ;

certes, une route n’est faite que pour passer !

mais quand je pense comment a muté la vie,

 

je pleure et j’appelle, regrette… et puis j’écris.