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Une grippe de cochon

Mes chers amis

je suis malade comme un chien,

j’ai une fièvre de cheval,

je baille comme une carpe,

je marche en crabe,

sans cesse je plume mon renard !

 

Je suis là, ce soir, car je ne souhaitais pas vous poser un lapin !

 

En fait, cela m’a pris entre chien et loup, à table ;

moi qui ai toujours une faim de loup,

je regardais les yeux de gazelle de ma femme

en chien de faïence…

je gobais les mouches, quoi !

Ma femme, qui dit toujours que j’ai l’air d’avoir mangé du lion,

là, j’avais plutôt l’air franc de l’âne qui recule !

 

Nous étions attablés devant un bœuf bourguignon ;

ho, nous n’avons pas tué le veau gras,

non, nous traversons plutôt une période de vache maigre !

soudain, je me suis senti comme une poule qui vient de trouver un couteau;

moi qui d’ordinaire suis à table comme un coq en pâte,

je mangeais là comme un moineau,

j’avais la chair de poule;

une vraie couleuvre quoi !

 

on dit que là où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute ; mais quand même !

 

j’avais des grenouilles dans le ventre

et c’est peut-être ce qui me mit la puce à l’oreille ;

je ressentais des fourmis dans les jambes,

je me sentais maigre comme un coucou,

il faisait un froid de canard, brrr…

la faux me gardait assurément un chien de sa chienne !

je me serais endormi là comme un loir,

j’aurais été le dindon de la farce,

fait comme un rat !

la vie m’aurait probablement payé en monnaie de singe !

 

Ne riez pas comme des baleines,

si j’avais pu disparaître dans un trou de souris, je l’aurais fait !

 

Lorsque je suis devenu muet comme une carpe,

ma femme m’a donné un remède de cheval

et comme à cheval donné on ne regarde pas la bride,

j’ai pris le médicament, puis sur le lit je suis tombé comme une mouche

et j’ai dormi en chien de fusil !

 

Ha, la grippe m’a joué un beau tour de cochon !

Pour rien

Je suis passé par la chapelle

où Gladys priait, autrefois,

les mains croisées sur le missel

et les yeux rivés sur la croix ;

 

Gladys implorait, à genoux,

toute la noblesse des cieux …

pour rien,

car jamais l’un de ces ripoux

n’exauça le moindre de ses vœux !

 

Combien de jours et de semaines,

sur ces malons de pierre humide

elle fit trace de sa peine,

de larmes sillonnèrent ses rides ?

 

Dieu (Père et Fils), Marie, Joseph,

Saint Antoine, toute la cohorte

des anges ailés de la nef…

pour rien !

même si Gladys était forte,

 

même si Gladys était belle,

même si ses dix-huit ans hurlaient,

même si Gladys portait en elle

quelque bâtard comme ils disaient,

 

sa place était avec les siens,

aux champs, au chaud des cheminées,

à préparer comme il convient

la paillasse du futur bébé !

 

Pour rien Gladys n’aurait souhaité

que son rejeton eut pour père

un saisonnier, un feu follet !

mais l’amour frappe à sa manière,

   vous le savez ?

 

sinon courrez le rattraper,

lancez les chiens et les rapaces,

creusez des pièges, faites brûler

tous les cierges de la paroisse…

pour rien !

 

J’ai traîné ma vieille carcasse

où Gladys priait à genoux

pour retrouver un peu de grâce

auprès des femmes de chez nous.

 

Quand l’angélus donna le ton,

elle mit sa couronne de houx ;

son monde alors était si flou

qu’elle sauta par-dessus le pont…

pour rien !

 

La grande noblesse céleste

n’ayant pas daignée faire un geste,

les innocentes au cœur de pierre

mirent Gladys et bâtard en terre…

c’est tout !

 

Je passe devant la chapelle

pour m’en aller cueillir du houx,

mais comme là rien ne m’interpelle

jamais je ne tire les verrous ;

au ciel on se moque de nous

et ma maigre foi bat de l’aile ;

de la famille machin je m’en fouts

je ne suis plus de la clientèle !

 
 

Un jour la chapelle tombera !

quant aux prières de Gladys,

Vade rétro, De Profundis,

d’un rien, le lierre les recouvrira…

 

c’est la seule loi, ici bas !

La nana aux brins de laine

Pour autant que je me souvienne,

à tes jeans, quelques brins de laine

suspendaient aux couleurs du temps

le nuancier de tes vingt ans

et dans l’azur de vendémiaire,

« l’Albatros » de Baudelaire

assouvissait ses perversions

loin des brule-gueules et des cons.

 

A coups de liqueurs pacifistes,

de théories écologistes,

d’amour libre, de cheveux longs

tu buvais la révolution;

 

entre cannabis et tabac

tu fumais les rimes à Lorca.

 

De tes airs de Mère Theresa,

toujours prête à prendre en tes bras

toute la misère du monde,

tes poches bourrées de pierres à fronde,

ta « deutch », tes cocktails Molotov

et tes bras d’honneur aux sous-offs

je ne gardais que ton sourire,

quelques tirades de Shakespeare…

 

au creux d’une mansarde enfumée

le reste du temps on s’aimait.

 

Plus de capricorne et cancer,

d’œuvres d’Edgard Poe ou Prévert;

ni coquelicot, ni jeans à franges

je caressais le corps d’un ange.

 

Sous tes alcools abécédaires

j’en oubliais Apollinaire…

puis, à la nouvelle saison,

les anges perdant la raison,

comme le font les cerfs-volants,

tu pris les courants ascendants

et me clouais intra-muros

aux « Vingt sonnets » de Charles Cros.

 

Au fond du « Coffret de santal »

– pétale séché d’une « Fleur du mal » –

ce fut le temps des cauchemars…

je pris le pied chez Eluard…

 

Depuis,

pendu au bras de mes poèmes

je mène une vie de bohème,

non pas une vie dissolue

faite d’absinthe et de cigüe…

 

non…

je vais où va la tramontane;

comme  qui dirait « à dos d’âne » !

Le dernier automne

A travers sa vitre embuée

elle boit la pluie de la grand-rue,

à présent les trottoirs sont nus,

c’est l’automne qui paie la tournée !

 

Quand on est vieille et fatiguée,

quand ses pieds font la sourde oreille,

quand le vieux temps vous ensommeille,

l’eau bénite se boit à gorgées !

 

C’est le cliquetis dans les flaques

qu’elle affectionne, paupières closes;

quand on est triste, faut pas grand chose !

quand on est triste et puis patraque

 

les premières notes qui viennent,

les seules musiques qui passent,

on les accroche, on les enlace,

on les embrasse, on les malmène…

 

puis, comme les perles de buée

elles glissent le long du carreau

et rejoignent au caniveau

les cliquetis de la chaussée !

 

Les saisons prennent, une à une,

les coeurs, les vies, les vieilles vestes,

les souvenirs et tout le reste;

même la blancheur à la lune !

 

Même l’esprit passe à la meule !

le jour prend tout, la nuit le reste,

l’un s’en fout et l’autre proteste;

les saisons font ce qu’elles veulent !

 

Devant sa fenêtre embuée

le soleil éclaire la grand-rue,

l’habitude prend le dessus,

 le nez à la vitre; collé !

                                       

                                       Devant une vitre embuée

                                     son dernier automne sévit;

                                   certains diront que c’est la vie;

                                                           

                                       je serai le seul à pleurer!

L’exclue

La nuit, elle bombarde

de tags tous les murs;

elle joue les loubardes,

les filles au coeur dur !

 

Elle s’envole peut être

le jour lorsqu’elle dort;

sa prison de salpêtre

alors change de décors,

adieu l’étiquette

 de boue et de mort,

salut la perpette

il fait si beau dehors !

adieu l’étiquette,

les plissures de son corps;

du fond de sa musette,

elle dédie sa rosette

aux futures années d’or !

 

Elle joue les loubardes,

les filles de la rue;

la haine qu’elle bazarde,

c’est celle des exclus !

 

Elle n’a pas de boulot,

pas d’amour non plus

et n’a sur le dos

que des espoirs perdus;

elle partage un tripot

avec trois farfelus,

trois espèces d’ados

qui n’en veulent qu’à son cul

et qui lui piqueront son tricot

-les compères à nunue-

entre deux bécots,

dans le fond du tripot,

au premier froid venu !

 

Elle n’est pas loubarde

et ne joue pas non plus

à celle qui poignarde

le premier venu…

 

elle voudrait bien

de cette société

que la nuit elle peint

sous de drôles de traits;

il y a bien longtemps,

espérant de la vie,

encore qu’une enfant

elle m’a souri;

si vous la croisez,

elle s’appelle Annie,

avec ma poupée

soyez très gentils…

 

donnez-lui la main

en suivant l’avenue,

c’est un peu de chagrin

qu’elle aura de moins;

 

donnez-lui la main

en suivant l’avenue,

c’est un peu de chagrin

qu’elle aura perdu !

Le disparu

Là, tout sentait l’anchois,

la basse terre, le ciel,

la cuillère de bois,

la confiture, le miel,

les tamaris en fleurs,

la petite maison,

les crêpes de chandeleur

et le bâtard au son,

la chaloupe ventrue,

les filets à la traîne,

l’huile de foie de morue

et les yeux des sirènes,

le phare rougissant,

l’écume et les galets,

le phare verdissant

et les cieux étoilés,

la friture dans la caisse,

la caisse sur la brouette,

le gros chat sur la caisse,

le miroir aux mouettes,

la casquette bleutée,

le caban décousu,

la bouffarde chargée

de tabac au merlu.

 

Là, tout sentait l’anchois

de la houle au soleil,

même Dieu et le Roi,

car tout sentait pareil…

et tous étaient égaux

devant l’immensité !

hommes, anchois et bateaux

côte à côte luttaient !

 

Là, tout sentait l’anchois ;

je m’y suis arrêté ;

ne croyez surtout pas

que l’odeur m’a gênée !

 

Là, tous étaient si bons,

là tout était si beau

que je bats pavillon

blanc en ces douces eaux.

 

Dites qu’en eaux profondes

un matin j’ai sombré ;

dites à tout le monde

que je suis mort noyé ;

oubliez que jadis

je buvais votre vin…

et dites à mon fils

que c’était le destin !

 

Le marin

Je vous vois attablés

autour d’un plat fumant,

un civet de sanglier,

des giroles, un faisan ;

 

j’entends d’ici vos rires

et je sens votre vin ;

je connais les délires

des soirs entre copains…

 

braves gens de la terre

à l’âme merveilleuse

et je sens l’atmosphère

enfumée et joyeuse

 

de la vaste cuisine

où vous êtes en rond,

faisant face aux verrines

et dos aux illusions…

 

faisant feu de tout bois !

jonglant avec les mots !

riant de je ne sais quoi,

d’un quelconque propos !

 

Je vous sais à la table

des humeurs pétillantes,

la posture impeccable,

la soif d’être, béante !

 

et rongeant votre vie

comme un os de poulet !

je vous sais, doux amis,

grandement occupés …

 

 aussi, je prends congé

sous une encre d’ébène,

car n’être à vos côtés

me cause grande peine !

 

je suis tout seul, là-bas,

les pieds et mains aux fers

sur un cercueil de choix

voguant en toutes mers !

 

« Un jour je serai grand

et je serai marin ! »

 

qu’est ce qu’on est con, enfant,

j’étais si bon terrien !

Glaucome

L’année recommence, on attend

que le soleil sorte de l’étang ;

causons d’égalité des chances

au cœur de cette vieille France ;

 

Hugo prêche de faire ce qu’il faut

pour tenir la tête hors de l’eau;

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

On a beau coller l’expérience,

le rituel à la cadence,

par des cordelettes vérolées

nous sommes pieds et mains liés ;

 

puisque nous sommes une kyrielle

à dire que tout bat de l’aile…

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Il va falloir, dès à présent,

être avec nous M’r le président,

avant que la dernière goutte d’eau,

M’r, ne fasse exploser le pot !

 

nos enfants n’ont d’autre appétit

que de pouvoir assumer leur vie…

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Notre justice a deux vitesses ;

plus question de serrer les fesses,

on tient la trique entre les dents ;

unis nous irons vers l’avant !

 

Nous ne sommes d’aucune manigance,

d’obscurantisme, de violence ;

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

Nous savons crever les paillasses,

loger la balle en la culasse ;

comme le chantait si fort Ferré

« nos armes sont vieilles et rouillées »…

 

mais nous sonnons là le réveil,

voulons notre part de soleil !

souvenez-vous de Claude Gueux

qui tua son geôlier « parce que ! »

 

souvenez-vous de Claude Gueux

que l’on tua à petit feu !

 

L’année recommence, on attend

que le soleil sorte de l’étang ;

souvenez-vous de Claude Gueux

que l’on tua à petit feu…

 

souvenez-vous de Claude Gueux,

qui perdit les siens pour bien peu !

Trois cathares nostalgiques

Même si c’est quelqu’un d’au-dessus de la Loire

qui leur a donné vie au sortir de Narbonne,

loin de cette idée folle “qu’il est meilleur de boire

à notre barricôt plutôt qu’à leurs bonbonnes“…

 

les chevaliers cathares, au bord de l’autoroute,

tout en cassant la croûte et dégustant leur vin

sifflent un air de mémoire, que les enfants écoutent !

malgré leurs rides ils me semblent avoir bon teint !

 

Sont-ce Benoît de Termes, Roger de Cabaret,

quelques grands de Toulouse, Pierre II, Trencavel,

Dame Guiraude ou Bélibaste assassinés ?

qui de la quatre voies lève ses armes au ciel ?

 

Peu importe, on s’en fout, ici tous ne font qu’un

– ils sont là, comme ailleurs un monument aux morts ! –

peu importe, on s’en fout, ici tout ne fait qu’un,

demande à Marcelin, d’Argeliers, si j’ai tort !

 

Les chevaliers cathares au regard apaisé,

de leurs robes de pierre dérangent, assurément ;

Montfort cauchemarde sous son heaume éventré

et le Midi caracole en tête au tournant !

 

Les chevaliers cathares, au sortir de Narbonne,

aiment à contempler les flamants sur l’étang,

prennent à pleins poumons le vent de Carcassonne

et se complaisent à voir les nuées d’estivants !

 

Ne les critique pas, ce sont des nostalgiques !

si leur terre est impure, ils s’en battent aujourd’hui ;

droits sur le bas-côté, raides comme trois flics

ils me sont sympathiques sans sifflet ni képi !

 

Les chevaliers cathares de l’A-61

vous rappellent qu’ici, jadis, naquit la paix ;

ils cultivait l’entraide et l’amour de chacun…

 

puis la haine est venue ; le monde est imparfait !

Le mal du pays

Si je disais un jour, au pays de mon père,

à ceux qui n’ont hélas à l’heure du repas

que du « treize degrés » à mettre au fond du verre,

un cuissot de sanglier pour vaincre le trépas,

un peu de persillade sur du beurre fondu,

un peu de « piboulade »,  un coulis de perdreau,

le Vendredi Saint une brandade de morue…

sauf les mécréants qui tirent un « taillou » du pot;

 

si je disais à tous ces gens dans la misère

que depuis que je suis en ville, croyez-moi,

mon taux de cholestérol a sauté les barrières,

que de ma vie, jamais je n’ai été si gras…

peut être qu’un jeunot voudrait prendre ma place

et qu’alors je pourrais enfin rentrer chez moi !

si j’ai quitté ma terre, ce n’est point par disgrâce,

l’usine automatique m’avait ouvert les bras !

 

à cause du brouhaha des machines électriques,

la pollution qui souille jusqu’à mes bouillons-blancs,

le stress et ses sarcasmes des plus ironiques

de sales triglycérides me rongent les sangs !

loin des couverts qui gisent au fond de l’assiette,

des chiens galeux peignant le bas des réverbères,

le toubib, un ami, veut me mettre à la diète;

le mal des villes,  en moi, a sauté les barrières !

 

moi qui n’ai obéis qu’à mes pulsions primaires,

le toubib, une fois, je devrais écouter!

je ne sais si ce fût Hugo ou bien Voltaire,

mais l’un des deux disait, « que le temps de crever,

c’est quand l’homme a compris », mais que faut-il comprendre ?

est-ce bien suffisant de n’avoir qu’une vie ?

quant à ce que j’ai pris, je ne veux plus le rendre !

quant à rendre la vie, là c’est encore  pis !

 

si je  disais un jour, aux amis de  naguère,

que  lorsque j’ai « le blues » je pense au vieux  pays,

va, j’en connais déjà… comme la gargotière…

(oh oui, la gargotière qui m’a connu petit),

qui riraient par derrière, car les gens sont ainsi !

que voulez-vous y faire, foetus, tout est inscrit;

 

l’un naît avec le slip et l’autre à poil,  pardi!