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Pour rien

Je suis passé par la chapelle

où Gladys priait, autrefois,

les mains croisées sur le missel

et les yeux rivés sur la croix ;

 

Gladys implorait, à genoux,

toute la noblesse des cieux …

pour rien,

car jamais l’un de ces ripoux

n’exauça le moindre de ses vœux !

 

Combien de jours et de semaines,

sur ces malons de pierre humide

elle fit trace de sa peine,

de larmes sillonnèrent ses rides ?

 

Dieu (Père et Fils), Marie, Joseph,

Saint Antoine, toute la cohorte

des anges ailés de la nef…

pour rien !

même si Gladys était forte,

 

même si Gladys était belle,

même si ses dix-huit ans hurlaient,

même si Gladys portait en elle

quelque bâtard comme ils disaient,

 

sa place était avec les siens,

aux champs, au chaud des cheminées,

à préparer comme il convient

la paillasse du futur bébé !

 

Pour rien Gladys n’aurait souhaité

que son rejeton eut pour père

un saisonnier, un feu follet !

mais l’amour frappe à sa manière,

   vous le savez ?

 

sinon courrez le rattraper,

lancez les chiens et les rapaces,

creusez des pièges, faites brûler

tous les cierges de la paroisse…

pour rien !

 

J’ai traîné ma vieille carcasse

où Gladys priait à genoux

pour retrouver un peu de grâce

auprès des femmes de chez nous.

 

Quand l’angélus donna le ton,

elle mit sa couronne de houx ;

son monde alors était si flou

qu’elle sauta par-dessus le pont…

pour rien !

 

La grande noblesse céleste

n’ayant pas daignée faire un geste,

les innocentes au cœur de pierre

mirent Gladys et bâtard en terre…

c’est tout !

 

Je passe devant la chapelle

pour m’en aller cueillir du houx,

mais comme là rien ne m’interpelle

jamais je ne tire les verrous ;

au ciel on se moque de nous

et ma maigre foi bat de l’aile ;

de la famille machin je m’en fouts

je ne suis plus de la clientèle !

 
 

Un jour la chapelle tombera !

quant aux prières de Gladys,

Vade rétro, De Profundis,

d’un rien, le lierre les recouvrira…

 

c’est la seule loi, ici bas !

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