Pour autant que je me souvienne,
à tes jeans, quelques brins de laine
suspendaient aux couleurs du temps
le nuancier de tes vingt ans
et dans l’azur de vendémiaire,
« l’Albatros » de Baudelaire
assouvissait ses perversions
loin des brule-gueules et des cons.
A coups de liqueurs pacifistes,
de théories écologistes,
d’amour libre, de cheveux longs
tu buvais la révolution;
entre cannabis et tabac
tu fumais les rimes à Lorca.
De tes airs de Mère Theresa,
toujours prête à prendre en tes bras
toute la misère du monde,
tes poches bourrées de pierres à fronde,
ta « deutch », tes cocktails Molotov
et tes bras d’honneur aux sous-offs
je ne gardais que ton sourire,
quelques tirades de Shakespeare…
au creux d’une mansarde enfumée
le reste du temps on s’aimait.
Plus de capricorne et cancer,
d’œuvres d’Edgard Poe ou Prévert;
ni coquelicot, ni jeans à franges
je caressais le corps d’un ange.
Sous tes alcools abécédaires
j’en oubliais Apollinaire…
puis, à la nouvelle saison,
les anges perdant la raison,
comme le font les cerfs-volants,
tu pris les courants ascendants
et me clouais intra-muros
aux « Vingt sonnets » de Charles Cros.
Au fond du « Coffret de santal »
– pétale séché d’une « Fleur du mal » –
ce fut le temps des cauchemars…
je pris le pied chez Eluard…
Depuis,
pendu au bras de mes poèmes
je mène une vie de bohème,
non pas une vie dissolue
faite d’absinthe et de cigüe…
non…
je vais où va la tramontane;
comme qui dirait « à dos d’âne » !