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Archives for : Les textes du terroir

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Des géraniums sur les murettes,

des lauriers roses dans les cours,

des mains de cyprès alentours

et le vol rasant des fauvettes ;

 

des coquelicots à foison,

des nids d’hirondelles bâtis

sous les tuiles et les appentis,

des rideaux brodés aux maisons ;

 

des portes bleues à moustiquaires,

un bonjour qui sort, un bonsoir,

quelques poules rousses, un chat noir

et des bleuets aux gibecières…

 

puis, pacifistes casqués de vert,

des régiments de pieds de vigne,

en un garde-à-vous rectiligne

récitant leurs antipater ;

 

le vent qui corne jour et nuit

dans les chêneaux et les serrures,

les dégradés d’enluminures

sur les fenouils après la pluie…

 

et la voix roque et chaleureuse

de qui foule au pied le raisin,

des tapis d’aiguilles de pin

sur une terre rocailleuse ;

 

l’huile sauvage des romarins

et des ciels de cigales vives,

le goût des vendanges tardives,

la garde-robe des grands vins…

 

et la peau satinée des femmes,

leur corps parfumé par l’été,

la fougue altière des baisers

et tant de désirs qui s’enflamment…

 

puis des orages de couleurs

et des cascades de tendresse,

la grande saison des promesses

et les crêpes de chandeleur…

“le quotidien à minima !“

 

ici,

la vie roule calme et sereine !

pourquoi donc se charger de peine ?

pourquoi donc parler de trépas ?

à quoi servirait donc la haine,

la dispute et la guérilla ?

notre terre avance à grands pas,

 

enterré le phylloxéra,

nous donnons vie aux éoliennes !

Alchimie

Je m’étais allongé sur des aiguilles de pins,

n’ayant plus de force pour suivre mon chemin ;

je venais de bien loin et j’étais éreinté.

Je vous le donne en mille, savez-vous où j’étais ?

 

Là, tout près de Fontiès, je voyais les fumées,

joyeuses, en un ciel blanc d’hiver s’entortiller.

La neige, ici et là, avait laissé ses doigts

et j’aimais en son cœur voir l’empreinte des pas !

 

.. les animaux sont à l’œil si rares aujourd’hui,

que leurs traces dans la neige fleurent déjà la vie !

Il n’est jamais ici quelque hiver rigoureux

et la moindre bûchette vient à bout de tout feu !

 

Malgré le temps frisquet j’étais tout en sueur

et suais tant du corps que de l’âme d’ailleurs,

envoûté par les senteurs de cent fleurs célestes,

par la beauté des mots, par la douceur des gestes

 

de déesses aux dentelles fines et dorées !

il est temps de vous dire auprès de qui j’étais ;

il n’est là balivernes, ni rêve, ni ruse,

j’avais été convié sur les terres des muses !

 

Ne me demandez pas si j’avais en partant

semé pour le retour de petits cailloux blancs,

si là-bas règne le jour ou brille la nuit,

si les licornes dorment au pied des grands lits,

 

si les muses sont grandes, si leurs cheveux sont blancs,

s’il est le pays des sages et des grands enfants,

si leurs pinèdes, comme les nôtres, sont douces,

si les bords de leurs ruisseaux sont tapis de mousse…

 

ne me demandez rien car j’ai tout oublié !

.. est-ce la faute à l’un de ces philtres enchantés

– liqueur d’ambroisie aux pouvoirs surnaturels –

à quelque met que j’aurais dégusté au ciel ?

 

Là, près de Fontiès, où la résine de pin

fleure bon le pays méditerranéen,

regardant en arrière une nouvelle fois

je remerciais les muses d’avoir pris soin de moi,

 

puis versais la dernière larme de mon corps,

quand sur le sol tintait une paillette d’or !

Par la rase du temps

  Le Cers était léger,

le souvenir tenace ;

le lièvre était passé

et je cherchais sa trace !

 

au milieu de la vigne

je courais l’ancien temps,

jouais de l’interligne

et traquais l’inconscient…

 

sans fusil ni cartouche,

ni chien, ni cri… ni vie,

une feuille à la bouche

j’allais en rêveries ;

 

de fous rires en pleurs,

de hoquets en grimaces,

les rouquettes en fleurs

parfumaient mes audaces,

 

le Cers était léger

et ma quête tenace,

le lièvre était passé,

je trouverais sa trace !

 

et partout sur la vigne

flottait ce fameux chant !

en ses rimes malignes

sautillaient tant d’accents !

 

au feu les vieilles souches,

le grenache fini,

la Carthagène en bouche

n’est plus que gazouillis !

 

gazouillis ou rumeur,

l’histoire, hélas, s’efface !

peut être un rimailleur

forcera sa préface

 

et saura débusquer

le lièvre de son gîte !

le vin a bien coulé,

les jeunes ont pris la suite !

 

Sous les détonations,

ami du genre humain,

ce soir, à Montredon,

qui va main dans la main ?

 

Le Cers est bien léger,

je pétris ma colère !

la terre abandonnée

engendre la misère !

 

le lièvre capturé,

sa mort inévitable !

mon pauvre Beaumarchais

« sa mère n’est point coupable » ! 1

 

à la source, mon fils,

ôte la lourde pierre,

irrigue tes iris

de vérités premières,

 

au pied de la fontaine

sème quelques pensées…

ainsi, mon âme en peine

boira sa liberté !