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Le monde chrysocale

En l’espace d’un songe je suis devenu vieux ;

hier soir j’étais enfant et ce matin, adieu !

J’ai sauté la barrière, en dormant, cette nuit ;

les chemins de la subsistance m’ont trahi !

 

En me levant, j’avais la larme au coin de l’œil

de celui qui a bel et bien perdu le breuil ;

non de celui qui a démérité, je pense,

ni craché dans la soupe, la soupe dans la panse !

 

J’ai perdu mes repères, changé d’entendement,

ne reconnais plus le chant des vieux arguments

et ne vois plus de coquelicot sur ma route ;

comme si mon âme, d’un coup, s’était dissoute…

 

et ne suis mort non plus, puisque je vous relate

ce qui, ma foi, pourrait bien être les stigmates

d’un mal irréversible, dont je ne sais la cause,

mais auquel, par le biais d’une métempsychose

 

je voudrais mettre fin ; m’éveiller à nouveau

sur l’herbe du talus ! sortir du caniveau !

A défaut de trouver sous le lit ma jeunesse,

je voudrais plus encore retrouver ces faiblesses,

 

ces forces, devrais-je dire, qui m’ont permis

de fendre la bise, le regard ébloui,

dans la naïveté, ô combien virginale,

de prendre pour de l’or les étoiles chrysocales !

 

Je ne suis pas déçu, je ne suis pas amer ;

j’ai seulement pris trop de choses à l’envers !

En l’espace d’un songe je suis devenu vieux ;

hier soir j’étais enfant et ce matin, adieu !

 

mais qu’ai-je fait de constructif entre les deux ?

La balade autour du lac

Histoire de sortir le derrière du hamac,

nous avions décidé de faire le tour du lac ;

les vacances ont ceci qu’elles sont abêtissantes,

aussi, prendre l’air frais et les senteurs des plantes

nous semblait être un exercice des plus sain

avant d’aller croquer le broutard au cumin !

nous marchions toujours main dans la main, d’un pas lent ;

d’un pas de juilletiste ou de convalescent !

 

Les joncs, épars, bordaient, comme de bien entendu,

les berges enracinées de la retenue

et les colverts allaient en bandes de copains

parmi les nénuphars et les touffes de plantain ;

l’eau laissait onduler ses gerçures légères,

quand les oiseaux poussaient la chanson forestière

orchestrée par un pic sur un billot de bois,

et nous suivions, radieux, la rive de guingois.

 

Nous évoquions le broutard au cumin,  les toasts,

puis, ne sachant par quel biais, l’aporie de Faust ;

oui, l’âme vagabondant en de tels endroits,

amplement décalée allègue ce qu’elle perçoit,

aussi, nous respirions tant l’humus de l’esprit

que celui des fougères et des millepertuis !

il est de doux moments où tout vous appartient,

la terre et le ciel, l’amour, en un tournemain !

 

Bien. Naturellement, d’une éclipse de lumière,

(il est là métaphore), d’un buisson mellifère,

la lune et le soleil, d’un coup de cul rageur,

pieds par-dessus cap, dans l’exigence de nos cœurs

se sont frottés sur les trompettes de méduse ;

permettez de temps en temps que le corps s’amuse !

puis, pleins d’amour, nous avons repris le chemin

guidés par le fumet du broutard au cumin.

 

Quant à savoir pourquoi j’ai composé ces rimes,

sachez

que de toute anecdote la poésie se grime !

Le poète grognon

Elle voudrait un poème frais

qui parle des oiseaux, des fleurs ;

elle m’emmerde, je n’ai pas le cœur

à aller chiader la saulaie !

 

Il faudrait être romantique

du printemps à la Saint-Sylvestre,

aimant comme la brave Hypermnestre,

et toujours l’âme bucolique !

 

Elle voudrait un poème frais

quand Claire Chazal nous inonde

des pires atrocités du monde

et des tribulations des gays !

 

Je devrais, certes, pour l’agréer,

 lui brosser la douce clochette

du muguet, ou bien la fauvette

zinzinulant sur les pommiers,

 

ou bien l’ondine, un brin folâtre,

qui vient chatouiller le cresson,

ou les troglodytes mignons

sur les frênes venant s’ébattre !

 

Mais je n’ai cure de versifier

le rose et le bleu qui se mêlent

et les soupirs des damoiselles

que la rosée fait chanceler !

 

Je n’ai pas envie de tremper

la plume à l’encre romantique,

tant que Claire, machiavélique,

nous campe ainsi la société !

 

Elle m’emmerde et puis c’est tout ;

elle n’aura pas un mot de moi !

d’ailleurs, c’est l’heure du muscat,

des potes et de la soupe au chou;

 

un point, c’est tout!

Fleur de lotus

Un petit air de violoncelle:

la “Ballade pour un trois-quart“,

un va-et-vient de balancelle,

une capeline, un foulard,

 une longue robe d’organdi,

 sautoir Hermès et escarpins,

un rouge à lèvres Givenchy,

des gants résilles en satin,

des clés à cheval sur un sac,

table de bronze ciselé,

deux verres, ice et applejack,

 une Jaguar bleue mal garée…

 

un saule pleureur, une barque,

une allée de quartz vert amande

bordée des trois statues des Parques,

des romarins en plates-bandes,

l’eau calme de la retenue,

carolins, mandarins, sarcelles,

des pizzicatos trotte-menu,

l’ombre furtive d’une ombrelle,

un subtil parfum de lilas

et des mésanges alentours,

des roses étagées ci-et-là,

deux cyprès chandelle dans la cour…

 

un violoncelle qui s’éteint,

une porte à petits carreaux

qu’on ouvre au museau d’un carlin,

un chien baveux, noir et lourdaud,

puis deux verres qui s’entrechoquent

dans un tintement de cristal

et de la musique baroque

entre les voiles du mistral,

une robe qui git à terre,

une Jaguar vitres ouvertes ;

 

juste une histoire d’adultère ;

une fleur de lotus offerte.

Les visites de Boadicée

Parfois, Boadicée, les nuits de lune noire,

le sourire éclatant des grands soirs de victoire,

sans un mot, sans un souffle apparait sur mon lit,

deux chardons violets roses dans ses roux frisottis.

 

Assise au fond des draps, une lance à la main,

un bouclier dans l’autre, en tunique de lin,

elle attend, immobile ; elle me fixe, elle me veille,

puis provoque l’instant où alors je m’éveille

 

coi de cette rencontre entre songe et réel !

Je me dresse en un mouvement révérenciel,

espérant, avant que l’émergence ne me quitte,

comprendre clairement l’objet de sa visite !

 

Elle parle ; je ne peux entendre son message,

 pas un son ne parvient à quitter son image ;

je tente d’établir entre nous quelque idiome…

comment communiquer avec Mrs fantôme ?

 

Si j’avance la main son image se brouille,

se distord et se meut, s’obscurcit et s’enrouille ;

pourtant, la reine ne me visite par hasard,

ni certainement pour me causer de César !

 

Connaîtrons-nous une nuit d’échanges fructueux ?

Aurais-je la faveur de ses derniers aveux ?

Chevaucherons-nous sur les rives de la Tas

pour la St George’s Day ou le prochain Christmas ?

 

Après un signe tendre toujours elle disparait…

et toujours à la lune noire, stupéfait,

je la retrouve assise sur un pendant de drap ;

pourquoi diable quitte-t-elle ainsi l’au-delà ?

 

Nous n’avons guère en commun, les icénes et moi,

que l’envie d’être en paix par les champs et les bois ;

mais la vie renferme tant de couloirs cachés…

voudrais-t-elle m’instruire d’un quelconque secret ?

Dis grand-père…

Que penserais-tu de l’admirable merdier,

si tu étais, grand-père, toujours à nos côtés ;

si tu pouvais de tes Corbières Occidentales

nous siffler les refrains des grèves générales ?

Comment appréhenderais-tu le grand foutoir ?

Dans cet immense bordel, aurais-tu l’espoir

de retrouver enfin quelque saison clémente

où l’homme jouirait de concorde et d’entente,

où l’enfant réapprendrait de son banc d’école

à ne plus adhérer aux idées “Picrocholes“ ?

Quels seraient tes mots pour aiguillonner la foule

qui va de dos ronds en étranges culs-de-poules ?

Et comment analyserais-tu le progrès ?

Et que penserais-tu des vagues d’immigrés ?

Comment verrais-tu les hommes qui nous gouvernent

et de quelle grosseur verrais-tu nos gibernes ?

Comment t’y prendrais-tu pour sauver la nature

et pour foutre le feu aux bureaux de questure ?

Comment offrirais-tu la joie aux portefaix ;

dis, grand-père, comment graverais-tu la paix ?

Dis, grand-père, comment stopperais-tu la pluie,

l’égoïsme, la haine, l’ignorance et l’ennui,

et la peur et l’angoisse de périr à feu doux ?

Et comment écarterais-tu les gabelous ?

Que dirais-tu à ceux qui meurent de solitude,

à celui qui vit parce que toujours il exsude,

à la femme qui doit aller tête couverte,

qui n’a pour seule voie que celle de sa perte ?

Et quels maux réserverais-tu aux chefaillons

qui harcellent sans cesse des troupeaux de moutons ?

Dis, comment tordrais-tu le cou à l’injustice,

à la souffrance, au vice, à la fausse justice ?

 

Mille pardons grand-père de t’avoir réveillé,

toi qui connus la guerre et le ciel bleu d’été…

n’ayant sur terre personne qui me comprenne

je me suis permis de toquer à tes persiennes ;

s’il est quelqu’un là-haut qui connait le chemin,

mettez-vous en route il faut façonner demain !

La migration des idées philosophiques

Bien des idées philosophiques,

perchées sur des fils électriques,

si l’on en juge la saison

préparent là leur migration !

 

Quelles sont drôles, au purgatoire,

les idées folles, les idées noires,

celles qui veulent conquérir

le monde avant de revenir !

 

Alors les rouges iront hurlant

du côté du soleil levant ;

elles partiront le poing dressé

causer aux hommes de liberté !

 

D’autres, le regard pacifique,

se préparent pour l’Amérique,

mais arriveront-elles à temps

pour stopper la course à l’argent ?

 

Les blanches, pour le Moyen-Orient,

déjà revêtent le drapeau blanc ;

sous la canonnade fournie

où construiront-elles leur nid ?

 

Les vertes, toutes en salopette,

portant les maux de la planète,

pondront, je sais, à chandeleur,

la saison des grands prédateurs !

 

D’autres idées se font la cour,

les bleues, celles qui chantent l’amour ;

elles iront au septième ciel

voir si l’amour est éternel !

 

il en est qui traitent de Dieu,

ou bien des femmes, ou bien du jeu,

il en est, bien sûr, qui plaisantent ;

d’autres timides ou qui se vantent…

 

et sans arrêt d’autres rejoignent

les fils, à mesure que s’éloignent

les idées qui ont trouvé leur voie !

d’autres idées prennent du poids !

 

Bien des idées philosophiques,

sur bien des fils télégraphiques

rendront là leur dernier soupir ;

transmise, l’idée doit mourir !

 

Je n’ai rien à faire, et c’est marrant

de donner, sans prendre de gant,

son idée sur la migration

de quelque grands thèmes à la con,

 

de philos extraordinaires

qui révolutionneraient la terre

portant la paix en tous logis,

dont l’homme, hélas, ne se soucie !

 

Et tant la conscience me pèse,

je passe des heures sur la chaise,

le nez vers les fils électriques,

l’œil grand ouvert, l’esprit critique !

 

Un jour, quelque idée jaira

depuis la chaise tout en bas ;

partout elle fera des petits;

 

ce sera mon idée de génie !

La femme ailleurs

Elle cache sous son chignon des bouffées d’oxygène;

chez elle les saisons passées ne sont bien loin,

et quand sur sa masure il fait un temps de chien,

l’oxygène, en étoiles, illumine ses veines ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle est ailleurs, toujours, au bord de la fenêtre,

semblant reconnaître dans les plis de la bise

les manches retroussées, le col de la chemise

de celui qu’elle aimait… et d’un autre… peut-être ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle est ailleurs, toujours, près des flammes mourantes

d’une bûche de chêne trop lourde pour ses bras ;

elle ferme les yeux, puis sourit, ils sont là,

tous, autour de la table, tous l’haleine fumante ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle a le cœur qui bât et le chignon qui gonfle,

un souvenir s’extirpe de sa mélancolie ;

l’oxygène s’écoule, quelques larmes aussi,

et de la chemise entrevue un poitrail ronfle ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle est ailleurs, toujours, lorsque frémit la soupe ;

toujours la même soupe, sur le même trépied !

toujours l’odeur du chou vert, de l’os décharné,

du chêne mêlé à la cendre et l’étoupe ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle est ailleurs, toujours, l’œil sur la broderie,

deux lettres majuscules en haut du drap de lin ;

elle causait de trousseau en un été lointain !

qu’elle paraît petite sur le rebord du lit ;

 

elle est ailleurs !

 

Elle passe ses journées sur sa chaise de paille,

l’esprit vif et le corps aux trois quarts assoupi ;

elle voyage à vélo, elle va danser Mamie,

elle va rire… et vous irez à ses funérailles…

 

ou ailleurs !

 

Elle rira toujours de sa caisse de pin

lorsque vous déposerez vos fleurs en pleurant,

sûre de retrouver par les cieux son amant,

– émue comme au début –

quand de vos lippes rouges vous dépeindrez sa fin !

 

Elle rira toujours, d’ailleurs, elle rira…

d’ailleurs,

n’entendez-vous point les rires de l’au-delà ?

L’homme seul

Un ange, sur un monocycle,

traînait une vieille carriole

par la traverse de Villesiscle ;

un petit chemin sans bagnole.

 

Je faisais, “la piquette“ aux doigts,

des bottes de poireaux sauvages

par un après-midi sans froid

où j’étais sorti de ma cage…

 

car je vis seul à la maison ;

alors, je vais, panier au bras,

cueillir les fruits de la saison :

le pissenlit, la fraise des bois…

 

Soudain, quand son timbre tintât,

que ce tintement traversa

 la capuche de ma parka,

je l’aperçu derrière moi !

 

Pour sûr, il avait tout de l’ange !

deux ailes blanches dans le dos,

la “coupe bol“, petite frange,

chapelet sur le sac à dos…

 

il portait l’aube et les basquets,

affichait un sourire malin…

de nuit, il aurait pris un pet

de chevrotine, c’est certain !

 

Voici quelque oiseau migrateur

qui ne se fiait aux étoiles

mais aux panneaux indicateurs,

sur une espèce de char à voile !

 

Où allait-il ainsi accoutré ?

– la question vous paraît étrange ? –

je fis un signe pour l’arrêter,

mais savez-vous ce que fit l’ange ?

 

il disparut à l’instant T,

ange, monocycle et carriole ;

j’en suis encore bouleversé !

 

par la solitude harcelé,

j’avais dû forcer sur la gnole !

Ha bein ça alors !

Comment vous dire,

j’ai…

 

un travail simple,

des objectifs simples,

un chemin de vie, simple,

des envies simples,

des besoins simples,

un compte en banque simple,

des idées de gauche simples,

des idées religieuses simples,

des idées amoureuses simples,

des idées extra planétaires simples,

une maison simple,

un jardin simple,

une voiture simple,

 une table simple,

quatre chaises simples,

un lit simple,

des draps simples,

une couverture simple,

deux lampes de chevet, simples,

un pyjama simple,

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un réfrigérateur simple,

des mets à l’intérieur, simples,

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un cholestérol simple,

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des sorties du dimanche, simples,

des balades en forêt, simples,

des restos attitrés, simples,

des envies de poésie, simples,

des envies d’écrire, simples,

des textes simples,

des vêtements simples,

un chapeau simple,

une pipe simple,

du tabac simple,

un sommeil simple,

des rêves simples,

des réveils simples,

des déjeuners simples,

une machine à café, simple,

du café équilibré, simple,

une douche simple,

un savon de Marseille, simple,

un dentifrice simple,

une brosse à dent, simple,

une femme simple,

avec des boucles d’oreille, simples,

du bleu sur les yeux, simple,

du rouge à lèvre rose, simple,

des cheveux noirs, simples,

un travail simple,

des objectifs simples,

un chemin de vie simple,

des envies simples,

des besoins simples,

un compte en banque simple…

pourtant,

  

je ne suis pas socialiste !