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Les deux chiens

Quand dans l’ascenseur, dans la cage d’escalier,

le chien du second pressent le chien du treizième,

comme leurs ancêtres allant aux fêtes de Brême

s’ensuit une cantate de haute gorgée !

 

Mais ceux-ci, à défaut de glapir, comme tant,

d’une voix sans appel, sans y aller de main morte

se filent une raclée au travers de la porte ;

un feu d’injures enrobé de vifs aboiements !

 

Ce sont deux mâles, que voulez-vous, deux rivaux ;

et vous savez que Dieu, dans sa grande largesse,

n’ayant équitablement transmit la sagesse,

il advient parfois quelques querelles de museaux !

 

Et croyez que lorsque je rentre ou je sors, j’aime

entendre la musique, la colère au ventre

et du prince qu’on sort et du prince qu’on rentre

résonner dans l’immeuble du second au treizième !

 

J’aime leurs voix puissantes s’affirmer sans complexe

dans un pays où l’homme ne sait plus que se taire ;

 si je n’entends leurs mots je perçois de leurs glaires

autant l’accent grave que l’accent circonflexe !

 

Mais n’allons voir le mal où se cache le beau ;

sous ces boules de poil au caractère hargneux

je vous parle de chiens au regard malicieux,

dont l’un a trois pattes et l’autre un brillant grelot.

Absurdité

Je viens de la ville, où tout le monde pianote,

femmes, enfants et vieillards sur des I Pad tout noirs;

et n’en ai vus aucun marcher la tête haute,

joyeux drille, insouciant, comme allait Titus Plaute

par les rues de Sarsina quand tombait le soir !

 

Je n’ai rencontré qu’une houle de cheveux,

des vagues de tignasses sous d’acres embruns.

Comme ils allaient un voile par-dessus leurs yeux,

je ne voyais leurs barbes, ils ne voyaient les cieux ;

je naviguais dans un univers importun !

 

Jadis, on saluait même le piéton d’en face

et l’on portait les paquets de la dame âgée

quand les trottoirs brillaient au temps des Saints de glace,

ou d’un regard complice on saluait les grâces

d’une passante à la croupe fort bien moulée !

 

Tous pianotaient vous dis-je et je vis tout autour

se tisser un grillage de banalités

dans lequel se prenaient autant les mots d’amour,

que les mots perdus et les appels au secours ;

la décadence orchestrée de la société.

 

Nul ne s’en rendait compte car tous étaient ailleurs

à chercher le bonheur sur une terre inculte !

comme tous étaient les moutons du dictateur,

ils broutaient, naïfs, les fleurs de l’usurpateur

sans en percevoir les rires dans le tumulte !

 

J’ai tenté de lever le doigt vers le soleil

pour montrer… mais sans me voir tous m’ont écrasé.

Pourtant le soir venait dans son simple appareil

poser sur les toitures son oreiller vermeil

et la nuit s’annonçait drôlement étoilée.

Panégyrique posthume

Pourquoi ai-je toujours cette idée saugrenue,

dès qu’un peu de temps libre pointe le bout du nez,

de faire ainsi danser mes doigts sur le clavier ?

faut-il donc que j’engrange ou bien que j’évacue ?

 

Quel est ce rapport fusionnel, ce jeu de dupe

qu’ont établi la page Word et mon esprit ?

pourquoi faut-il d’instinct que j’allume l’ordi

et salive à l’idée d’y peler mille drupes ?

 

Quel est ce ver qui se tortille en ma cervelle,

laboure sans cesse les landes de mes sens,

craque l’allumette sous la poudre d’encens

et fait trisser en moi les maux de Philomèle ?

 

Pourquoi faut-il qu’au final mes images riment ?

pourquoi dois-je traîner une lyre à mon cou

comme d’autres de lourds diamants ou un  licou ?

à quoi bon naviguer entre “entrée“ ou “supprime“ ?

 

Et pourquoi demeurer fidèle au quatrain

quand de prestigieux confrères, sous d’autres formes,

boivent les honneurs de l’habit vert, du bicorne ?

hélas, le quatrain ne procure plus le pain !

 

Je n’ai rien à manger, pourtant j’écris sans cesse ;

misérable qui croit que versifier nourrit !

s’il savait le malheureux combien je maigris,

il m’allaiterait… fut-ce toujours de promesses !

 

Un jour je serai si maigre que les eaux-fortes

qui glougloutent en mon âme feront céder mon corps ;

j’irais en chapelets de quatrains vers la mort,

une métaphore d’or coincée dans l’aorte…

 

et vous direz alors, vous qui me condamnez

à errer dans l’enfer des poètes maudits :

« C’est vrai que ce rapsode avait bien du génie ! »

“panégyrique posthume“…

ces éternelles louanges qu’aujourd’hui vous taisez.

Le monde chrysocale

En l’espace d’un songe je suis devenu vieux ;

hier soir j’étais enfant et ce matin, adieu !

J’ai sauté la barrière, en dormant, cette nuit ;

les chemins de la subsistance m’ont trahi !

 

En me levant, j’avais la larme au coin de l’œil

de celui qui a bel et bien perdu le breuil ;

non de celui qui a démérité, je pense,

ni craché dans la soupe, la soupe dans la panse !

 

J’ai perdu mes repères, changé d’entendement,

ne reconnais plus le chant des vieux arguments

et ne vois plus de coquelicot sur ma route ;

comme si mon âme, d’un coup, s’était dissoute…

 

et ne suis mort non plus, puisque je vous relate

ce qui, ma foi, pourrait bien être les stigmates

d’un mal irréversible, dont je ne sais la cause,

mais auquel, par le biais d’une métempsychose

 

je voudrais mettre fin ; m’éveiller à nouveau

sur l’herbe du talus ! sortir du caniveau !

A défaut de trouver sous le lit ma jeunesse,

je voudrais plus encore retrouver ces faiblesses,

 

ces forces, devrais-je dire, qui m’ont permis

de fendre la bise, le regard ébloui,

dans la naïveté, ô combien virginale,

de prendre pour de l’or les étoiles chrysocales !

 

Je ne suis pas déçu, je ne suis pas amer ;

j’ai seulement pris trop de choses à l’envers !

En l’espace d’un songe je suis devenu vieux ;

hier soir j’étais enfant et ce matin, adieu !

 

mais qu’ai-je fait de constructif entre les deux ?

La balade autour du lac

Histoire de sortir le derrière du hamac,

nous avions décidé de faire le tour du lac ;

les vacances ont ceci qu’elles sont abêtissantes,

aussi, prendre l’air frais et les senteurs des plantes

nous semblait être un exercice des plus sain

avant d’aller croquer le broutard au cumin !

nous marchions toujours main dans la main, d’un pas lent ;

d’un pas de juilletiste ou de convalescent !

 

Les joncs, épars, bordaient, comme de bien entendu,

les berges enracinées de la retenue

et les colverts allaient en bandes de copains

parmi les nénuphars et les touffes de plantain ;

l’eau laissait onduler ses gerçures légères,

quand les oiseaux poussaient la chanson forestière

orchestrée par un pic sur un billot de bois,

et nous suivions, radieux, la rive de guingois.

 

Nous évoquions le broutard au cumin,  les toasts,

puis, ne sachant par quel biais, l’aporie de Faust ;

oui, l’âme vagabondant en de tels endroits,

amplement décalée allègue ce qu’elle perçoit,

aussi, nous respirions tant l’humus de l’esprit

que celui des fougères et des millepertuis !

il est de doux moments où tout vous appartient,

la terre et le ciel, l’amour, en un tournemain !

 

Bien. Naturellement, d’une éclipse de lumière,

(il est là métaphore), d’un buisson mellifère,

la lune et le soleil, d’un coup de cul rageur,

pieds par-dessus cap, dans l’exigence de nos cœurs

se sont frottés sur les trompettes de méduse ;

permettez de temps en temps que le corps s’amuse !

puis, pleins d’amour, nous avons repris le chemin

guidés par le fumet du broutard au cumin.

 

Quant à savoir pourquoi j’ai composé ces rimes,

sachez

que de toute anecdote la poésie se grime !

Le poète grognon

Elle voudrait un poème frais

qui parle des oiseaux, des fleurs ;

elle m’emmerde, je n’ai pas le cœur

à aller chiader la saulaie !

 

Il faudrait être romantique

du printemps à la Saint-Sylvestre,

aimant comme la brave Hypermnestre,

et toujours l’âme bucolique !

 

Elle voudrait un poème frais

quand Claire Chazal nous inonde

des pires atrocités du monde

et des tribulations des gays !

 

Je devrais, certes, pour l’agréer,

 lui brosser la douce clochette

du muguet, ou bien la fauvette

zinzinulant sur les pommiers,

 

ou bien l’ondine, un brin folâtre,

qui vient chatouiller le cresson,

ou les troglodytes mignons

sur les frênes venant s’ébattre !

 

Mais je n’ai cure de versifier

le rose et le bleu qui se mêlent

et les soupirs des damoiselles

que la rosée fait chanceler !

 

Je n’ai pas envie de tremper

la plume à l’encre romantique,

tant que Claire, machiavélique,

nous campe ainsi la société !

 

Elle m’emmerde et puis c’est tout ;

elle n’aura pas un mot de moi !

d’ailleurs, c’est l’heure du muscat,

des potes et de la soupe au chou;

 

un point, c’est tout!

Fleur de lotus

Un petit air de violoncelle:

la “Ballade pour un trois-quart“,

un va-et-vient de balancelle,

une capeline, un foulard,

 une longue robe d’organdi,

 sautoir Hermès et escarpins,

un rouge à lèvres Givenchy,

des gants résilles en satin,

des clés à cheval sur un sac,

table de bronze ciselé,

deux verres, ice et applejack,

 une Jaguar bleue mal garée…

 

un saule pleureur, une barque,

une allée de quartz vert amande

bordée des trois statues des Parques,

des romarins en plates-bandes,

l’eau calme de la retenue,

carolins, mandarins, sarcelles,

des pizzicatos trotte-menu,

l’ombre furtive d’une ombrelle,

un subtil parfum de lilas

et des mésanges alentours,

des roses étagées ci-et-là,

deux cyprès chandelle dans la cour…

 

un violoncelle qui s’éteint,

une porte à petits carreaux

qu’on ouvre au museau d’un carlin,

un chien baveux, noir et lourdaud,

puis deux verres qui s’entrechoquent

dans un tintement de cristal

et de la musique baroque

entre les voiles du mistral,

une robe qui git à terre,

une Jaguar vitres ouvertes ;

 

juste une histoire d’adultère ;

une fleur de lotus offerte.

Les visites de Boadicée

Parfois, Boadicée, les nuits de lune noire,

le sourire éclatant des grands soirs de victoire,

sans un mot, sans un souffle apparait sur mon lit,

deux chardons violets roses dans ses roux frisottis.

 

Assise au fond des draps, une lance à la main,

un bouclier dans l’autre, en tunique de lin,

elle attend, immobile ; elle me fixe, elle me veille,

puis provoque l’instant où alors je m’éveille

 

coi de cette rencontre entre songe et réel !

Je me dresse en un mouvement révérenciel,

espérant, avant que l’émergence ne me quitte,

comprendre clairement l’objet de sa visite !

 

Elle parle ; je ne peux entendre son message,

 pas un son ne parvient à quitter son image ;

je tente d’établir entre nous quelque idiome…

comment communiquer avec Mrs fantôme ?

 

Si j’avance la main son image se brouille,

se distord et se meut, s’obscurcit et s’enrouille ;

pourtant, la reine ne me visite par hasard,

ni certainement pour me causer de César !

 

Connaîtrons-nous une nuit d’échanges fructueux ?

Aurais-je la faveur de ses derniers aveux ?

Chevaucherons-nous sur les rives de la Tas

pour la St George’s Day ou le prochain Christmas ?

 

Après un signe tendre toujours elle disparait…

et toujours à la lune noire, stupéfait,

je la retrouve assise sur un pendant de drap ;

pourquoi diable quitte-t-elle ainsi l’au-delà ?

 

Nous n’avons guère en commun, les icénes et moi,

que l’envie d’être en paix par les champs et les bois ;

mais la vie renferme tant de couloirs cachés…

voudrais-t-elle m’instruire d’un quelconque secret ?

Dis grand-père…

Que penserais-tu de l’admirable merdier,

si tu étais, grand-père, toujours à nos côtés ;

si tu pouvais de tes Corbières Occidentales

nous siffler les refrains des grèves générales ?

Comment appréhenderais-tu le grand foutoir ?

Dans cet immense bordel, aurais-tu l’espoir

de retrouver enfin quelque saison clémente

où l’homme jouirait de concorde et d’entente,

où l’enfant réapprendrait de son banc d’école

à ne plus adhérer aux idées “Picrocholes“ ?

Quels seraient tes mots pour aiguillonner la foule

qui va de dos ronds en étranges culs-de-poules ?

Et comment analyserais-tu le progrès ?

Et que penserais-tu des vagues d’immigrés ?

Comment verrais-tu les hommes qui nous gouvernent

et de quelle grosseur verrais-tu nos gibernes ?

Comment t’y prendrais-tu pour sauver la nature

et pour foutre le feu aux bureaux de questure ?

Comment offrirais-tu la joie aux portefaix ;

dis, grand-père, comment graverais-tu la paix ?

Dis, grand-père, comment stopperais-tu la pluie,

l’égoïsme, la haine, l’ignorance et l’ennui,

et la peur et l’angoisse de périr à feu doux ?

Et comment écarterais-tu les gabelous ?

Que dirais-tu à ceux qui meurent de solitude,

à celui qui vit parce que toujours il exsude,

à la femme qui doit aller tête couverte,

qui n’a pour seule voie que celle de sa perte ?

Et quels maux réserverais-tu aux chefaillons

qui harcellent sans cesse des troupeaux de moutons ?

Dis, comment tordrais-tu le cou à l’injustice,

à la souffrance, au vice, à la fausse justice ?

 

Mille pardons grand-père de t’avoir réveillé,

toi qui connus la guerre et le ciel bleu d’été…

n’ayant sur terre personne qui me comprenne

je me suis permis de toquer à tes persiennes ;

s’il est quelqu’un là-haut qui connait le chemin,

mettez-vous en route il faut façonner demain !

Les bénitiers d’Alaric

Les cieux étaient limpides,

comme la mer, en juillet,

qui s’en vient taquiner

la « vieille » Océanide;

 

« vieille » n’est qu’adjectif,

à nos yeux qu’une image

et ne vaut témoignage

plus que superlatif !

 

sus au septentrion

où mes terres se rident !

Alaric, « chrysalide »,

pas encore « papillon » !

 

« vieille » n’est qu’adjectif,

à nos yeux qu’une image

et ne vaut témoignage

plus que superlatif !

 

les cieux étaient limpides

et j’avais rendez-vous

à la messe des fous,

avec de fiers candides

 

qui tirent leur bonheur

des essences divines

du « pays d’origine »

et chantent tous en coeur !

 

sommes nous donc débiles

d’honorer la nature

et d’offrir en pâture

notre amour aux fossiles ?

 

mais l’office est grandiose

sans abbé, ni hostie !

que la foi et l’envie,

le silence et l’osmose !

 

quand le soleil décline

entre les bénitiers,

dans le rougeoiement sacré

des cieux qui s’illuminent,

 

j’entrevois le Bon Dieu,

cheminant, solitaire,

vers quelque sanctuaire

oublié des banlieues…

 

près des fonts baptismaux

« Alaricou » sourit

aux tendres gazouillis

qui pourlèchent les vitraux;

 

par nos chants de liesse

nous clamons son prénom !

à demain nous croyons,

l’enfant se nomme « Sagesse » !

 

 nous clamons son prénom

en nos chants de liesse !

l’enfant se nomme « Promesse »…

et demain… nous verrons !