Circulez, il n’y a rien à voir,
mon âme est tombée du trottoir
et dans le fond du caniveau
s’est brisée en mille morceaux !
Heureusement qu’il passait là,
une eau, qui dans l’anonymat
allait du côté de la rivière,
pécher au fil de sa misère
quelques bouts de soleil levant,
comme le font parfois les enfants,
d’un fil, d’une boite et de pain,
en espérant qu’un beau matin
se prendra à leur hameçon
un avenir de cotillons
où les serpentins, les lumières
qu’ils réclament en leurs prières
deviennent enfin réalités
et qu’ils pourront boire et danser
au bar des hommes qu’on dit « actifs »,
qu’ils causeront de leur passif
comme des années de galère
où tout le monde se disait frère,
mais où l’on montrait du doigt
le mal rasé en fin de droit,
vêtu des braies d’une politique,
ou droite et gauche identiques
faisaient la pige au capital,
la cour aux filles du général !
parce qu’être fille de général
c’est quand même moins infernal
que d’être le coin-coin du coin,
celui qui ne vit de presque rien
parce que papa n’est pas bien riche,
qu’il ne promène pas de caniche;
parce que dans les bras de maman
un York ne joue pas du séant !
Circulez, il n’y a rien à voir,
mon âme est tombée du trottoir
et dans le fond du caniveau
s’est brisée en mille morceaux !
C’est pas bien grave, d’autres viendront
bercer de rêves mes illusions;
d’ailleurs, j’ai ouï dire que les riches
partageraient leurs pois-chiches…
de gré ou de force parbleu…
moi qui tire le diable par la queue !
là, j’ai revu ma position,
j’ai même changé de religion,
désormais,
mon Dieu, se nomme « Révolution » !