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Les vrais amis

Il voulait que j’y aille, ça paraissait urgent,

je pensais qu’il avait quelque chose à me dire,

un secret, pourquoi pas, quelque chose de pire !

tout était normal, il avait soif, seulement !

Il voulait, en fait, que l’on descende à sa cave,

que l’on goûte, entre amis, un de ces crus gaillards

qui à coups de nectar vous ôtent le cafard ;

un Roussillon peut-être, un Bourgogne ou un Graves !

On descend quelques marches, un tournant à l’équerre,

puis un dans l’autre sens, et déjà la fraîcheur

vous saisit au mollet et les chaudes senteurs

du vin qui se repose parfume vos chimères !

J’y sens la résine de pin vert et le blé ;

comme les néophytes à la dégustation

j’y trouve la framboise et les fruits de passion !

j’hume entre le moisi et les toiles d’araignées

et tout ce qui entre par les yeux, par le nez,

par la bouche ressort en d’innocents soupirs,

quand pris de frénésie, je sens poindre et frémir,

les papilles alanguies, un flot de rosé frais !

Je disais “le moisi“, car dans les caves à vin

la pourriture est comme le caramel au flan,

le pénicillium au roquefort, évidemment !

ne me parlez de ces chais qui ne sentent à rien !

Il voulait donc que j’y aille, ça paraissait urgent,

j’accourus m’imaginant quelque “effilochade“,

et suis tombé de cul dans un pot d’anchoyade

qui parrainait un Chablis, orgueilleusement…

un blanc, un bout de pain, un bout de pain, un blanc,

l’huile d’olive qui perlait sur les anchois,

le Chablis qui succédait au Chablis, je crois,

je ne sais à quelle heure j’ai foutu le camp

mais quand mes cheveux fous poussèrent en dedans,

allongé sous un toit où les tuiles dansaient,

la voix comme si j’avais croqué de la craie

et l’haleine boisée au tanin de hareng…

je partis à la douche puis à la pharmacie ;

j’avais toujours rêvé d’avoir de vrais amis !