à René-Paul Entremont,
avec toute mon admiration et ma plus vive amitié ;
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Au sein de cette grande famille artistique, qui a pour nom « Poésie », René-Paul Entremont est à la fois mon camarade, mon frère, mon ami ; mon parrain également.
Notre première rencontre remonte au 8 juin 1996, chez Madame France Roque-Marmisse, Artiste Peintre et Poète, qui donnait là l’une de ses « Nuits Poétiques » au cours desquelles nous partagions le pain, le ponch et les strophes. Mon jeune octogénaire passait tout naturellement en « vedette » lors de la seconde partie, avec, accompagnant ses œuvres personnelles, quelques textes d’Hugo, de Ronsard et de Francis Jammes… comme à l’accoutumée.
La place de choix que René-Paul occupe au sein de notre grande famille ne lui est non seulement réservée pour la richesse de sa rime et la rigueur dont il fait preuve dans le respect des règles de la poésie classique, non seulement parce qu’il est un « fin diseur », non seulement pour les honneurs qu’il reçoit du « Conservatoire de la Poésie Classique Française » et ceux qu’il reçoit de « l’Académie des Lettres Pyrénéennes », mais pour cette sève poétique qui coule en ses veines et qui est un nectar si pur que l’essence même de son âme en est totalement imprégnée !
Oui René-Paul est un rêveur, un râleur, un épicurien ! Coléreux parfois ; oui René-Paul est un passionné ! Bien sûr qu’il est exécrable, bien sûr qu’il est attachant, évidemment qu’il est irremplaçable ! Il est unique, voilà tout !
A Dunes (Tarn et Garonne), où il est le Président Fondateur de « l’Atelier Dunois d’Expression Francophone » (qui s’articule autour de l’œuvre et de la vie d’Anne-Marie Kegels, née Canet à Dunes), à Toulouse, comme sur toutes les planches de France et de Navarre où René-Paul use de sa verve, chacun vous dira qu’en lui la poésie revêt son habit d’apparat !
Jean Nohain fut le parrain de René-Paul Entremont au sein de la Société des Poètes et Artistes de France ; René-Paul en devint le mien au printemps 1996, ce qui fut pour moi un extrême privilège doublé d’un plaisir inouï !
– Mise en bouche –
Le « Marinas », prononcez « MarinAS », avec le « as » sonore et appuyé, est le deuxième vent qui sévit sur ce petit pays des Corbières… qui se passerait d’ailleurs de ce drôle d’acolyte.
A l’inverse du vent de Cers celui-ci souffle Sud-Est / Nord-Ouest, pour que les arbres ne soient pas toujours penchés du même côté ; cela va de soi.
Tous ces noms à consonance occitane, terminés par un « as » sonore, indiquent quelque chose de lourd, de gênant, voire d’inutile ; le Marinas n’échappe donc pas à la règle. Il est lourd, vous laisse la peau moite, rend les mouches collantes, les maîtresses infernales, et décoiffe les Pyrénées de leurs bérets de brume, ce qui présage d’une pluie prochaine !
Gênant il l’est aussi quand il empêche le carrelage de sécher après avoir passé la serpillière et lorsqu’il fait se ramollir les longs poils noirs de la moustache de nos vieilles bigotes (voir recueils précédents), ce qui est plus que navrant au moment de la communion !
Inutile, bien sûr, car il réveille systématiquement l’arthrose, les sciatiques et toutes nos bonnes vieilles douleurs ; tenez, les cocus ont mal à la tête, par exemple, et sans relation apparente les curés se livrent à d’interminables séances de confession les jours où il souffle ardemment !
Malheureusement le Marinas « rentre » de temps à autres et personne n’y peut rien, même pas Monsieur le Président de la République qui ne s’intéresse guère plus aux vents qu’aux activités viticoles de notre région, qui ressemblerait autrement, à n’en nul douter, au jardin de l’Eden !
Inutile également de se risquer à la rime par grand Marinas, entendez bien sûr « le vent de la mer », car les « pieds » se détachent alors des strophes et les poésies deviennent bancales ; seul Tristan Corbière peut encore écrire « Les gens de mer » et « Les amours jaunes » d’une manière impeccable, mais c’est Tristan Corbière… et que voulez-vous, je ne peux guère lutter !
Quoi qu’il en soit je suis excessivement heureux d’être à nouveaux en votre compagnie. Vous retrouverez, au fil de ce recueil, quelques rimes toujours prêtes à prendre la poudre d’escampette, à hurler à tire-larigot ; quelques textes à ne jamais prendre au sérieux car seule la simplicité conduit au bonheur éternel !
Bonne lecture et bon vent !
J.G
– Table des poèmes –
1. Poème de René-Paul Entremont.
2. Réponse à René-Paul E.
3. Anne-Marie Canet-Kegels.
4. Poètes et compagnie.
5. Vie de scène.
6. Si la réponse vous convient.
7. Ligne parallèle.
8. La vie des gens.
9. Sous les amandiers d’Adrien Mathieu.
10. L’école « boscassièra » (texte français/occitan).
11. Phylloxéra, marchand de fiel…
12. Jour de fête.
13. A Jean Jaures.
14. Tolosa/ Toulouse.
15. Transes et comas idylliques.
16. A poing levé.
17. Métaphore saisonnière.
18. Toulouse en 2200.
19. Palingénésie des siècles.
20. Le Brie de mots…
21. La complémentarité artistique.
22. Tirez la chevillette.
23. La chose.
24. Le temps du slow.
25. L’imposture.
26. La nana aux brins de laine.
27. Bouquet de rimes et d’espoir.
28. Confessions.
29. Sans titre.
30. Parfums palingénésiques.
31. Le mal du pays.
1. – Poète, la farce est finie –
( Poème de René-Paul Entremont )
Discret, il s’en ira, recouvert de la cendre
Des mots vains ou fanés que personne n’a lus,
De feuillets griffonnés, feux-follets farfelus
Au royaume des sourds qui ne veulent entendre.
A-t’il réalisé, dans sa révolte tendre,
Sur les chemins d’emprunts des projets révolus,
Ses enjeux perpétrés au revers des talus,
Epars en désespoirs comme en langueur d’attendre ?
Timide et réservé, dans son cocon d’orgueil
Qu’a-t’il cru sublimer l’instant d’un bref clin d’œil ?
Répondit-il présent, d’instinct que rien ne lasse ?
Marqua-t’il le désir que s’applique le droit
D’être enfin reconnu ? Pour occuper la place ?
Celle du premier lord ? Qui sait même du Roi ?
2. – Réponse à René-Paul Entremont –
Moucher sa dernière chandelle
pour un voyage sans retour,
le poète fait cela tous les jours !
et s’en revient, cet infidèle,
aussi modestement, d’ailleurs,
qu’il a pu tantôt s’éclipser
par un sentier que lui seul connait
entre la raison et le cœur,
molestant les lois de la physique,
les règles de la société !
le Poète
est un épris de liberté
aux pulsions pour le moins chaotiques !
René-Paul n’y fait exception ;
Ronsard pourrait bien vous le dire !
on meurt souvent, et même pire,
on meurt vraiment de déraison !
Ainsi va son âme, en goguette,
de rouges aurores en bleus de nuit…
et tu voudrais rester au lit
alors que partout c’est la fête ?
Aiguise tes plumes, sors tes lampions,
ô mon ami, cher Drosophile 1,
reprends les grands thèmes et jubile,
fais gémir la poudre à canon,
lève sur les sujets tabous
les lourdes côtes de velours,
en vers tonitruants d’amour
pense espiègle, écris voyou !
Quant à ces mots, vains ou fanés,
qu’hélas personne n’aurait lus,
comme ces feux follets farfelus
pendus aux feuillets griffonnés,
dans leur plus grande nudité,
eux chantent nos matins et nos nuits,
clament nos soleils, pleurent nos pluies !
l’ami, Ronsard nous l’a bien dit !
Riche de rires et de colères,
dans les méandres de l’esprit,
les mains tendues vers l’infini,
nuits et jours, toujours en prière…
la vie, René-Paul ; la vie !
L’homme n’a guère le droit de juger,
mais Dieu, qui n’est point fantaisiste,
en lisant tes pensées altruistes
aurait à Saint-Pierre confié
qu’entre son lorgnon et son nez
les larmes vinrent à couler !
la farce disais-tu ?
la farce ne fait que commencer !
Quant à « gloire » et « postérité »,
comme le dirait encore Ronsard,
tu es parti du bon panard !
certes,
mais est-ce là une raison
pour somnoler sur tes lauriers ?
1 drosophile : amateur de rosée. René-Paul fait partie du groupe des amateurs de rosée de Toulouse, groupe qui porte le nom de : « Drosophiles Capitolins » … en référence au Capitole de Toulouse.
3. – Anne-Marie Canet- Kegels –
Lorsque vous rentriez de l’école,
vos crayons dans la boîte en fer,
la boîte en fer blanc sur l’épaule,
vos poumons ivres de grand air…
la règle de bois graduée
hissant la tête par l’échancrure
d’un cartable de cuir tanné
par l’algèbre et les confitures,
je me souviens de vous ;
je me souviens de vous.
Nous avions l’enfance, mon amie,
et nous faisions route commune ;
rappelez-vous, Anne-Marie,
l’un à Fontiès et l’autre à Dunes !
souliers ferrés et capelines,
parés pour les quatre saisons…
et l’insouciance, chère cousine,
et la mélodie des grillons !
je me souviens de vous ;
je me souviens de vous.
Puis, à la croisée des chemins,
passées les moissons, les vendanges,
l’amour frappa si fort, soudain,
que vous apparurent mille anges !
le vent d’ouest, fol et délirant,
pris votre rouge capeline,
votre sac de cuir, vos gants blancs ;
ainsi l’enfance se termine !
je me souviens de vous ;
je me souviens de vous.
Bien des contrées vous traversâtes,
la grande ville m’arrêta.
Tous les couchants sont écarlates
pour peu que l’on ait près de soi
l’amour que tant ne trouvent pas,
le labeur et le réconfort !
pour peu que l’on sache rester soi,
l’enfant aux mille boutons d’or !
je me souviens de vous ;
je me souviens de vous.
Par la lucarne grande ouverte
viennent batifoler la nuit,
ces souvenirs, sur ma couverte,
pour lesquels j’ai grand appétit ;
au matin j’effeuille vos poèmes
et j’entends même votre voix,
cette voix de gosse que j’aime,
courir les chemins d’autrefois
lorsque nous rentrions de l’école
les crayons dans la boîte en fer,
la boîte en fer blanc sur l’épaule,
nos poumons ivres de grand air…
la règle de bois graduée
cherchant à travers l’échancrure
de nos cartables en cuir tanné
à picorer près des sentiers
quelques soleils et quelques mûres !
Que désormais la ritournelle
ait un air de vie éternelle !
Madame,
je vous embrasse sur les deux joues.
4. – Poètes et compagnie –
L’un nourrira les feux de joie
de rimes vives et petit bois ;
à chaque battement de pouls
l’autre trucidera les tabous ;
gloire aux frères de l’extravagant !
vive la rose et le chiendent !
contre-pieds et crânes chenus…
miroir des hommes et rien de plus !
n’en déplaise à l’égo de ceux
qui se prennent beaucoup pour des Dieux,
pourtant, Dieu sait si je les aime,
tous les poètes sont les mêmes !
seule entre le fol et le cancre
diffère la couleur de l’encre ;
les fioritures du recueil
ne sont souvent que trompe-l’œil !
ou coups de gueule ou bohèmes
toutes les strophes sont les mêmes !
toutes les muses alléchantes !
les poétesses excitantes !
n’en déplaise à l’égo de celles
que l’inspiration ensorcelle,
Dieu sait alors si je les aime,
les poétesses sont toutes les mêmes !
charnelles ou peaux de chagrin,
octosyllabes, alexandrins,
qui jouit à compter les pieds
n’a plus d’emprise au vent mauvais !
à chacun sa vision du ciel :
ou troubadour, ou ménestrel !
les « Gobe-Lune » 1 versifieront
entre la règle et l’exception…
hibou, genou, caillou… voyou…
eux n’auront envie que de vous !
de vos lèvres au creux de vos bras,
entre les mailles de vos bas,
on ne compte plus quand on aime !
la finalité est la même !
en dépit des rimes et des vents
toi seul, public, est différent ;
entre nous jamais de grimace,
ou tu m’engueules ou tu m’embrasses !
qu’il advienne que tu souris,
alors nous deux c’est pour la vie !
1 Gobe-Lune : duo de Poésie/Musique (textes de José Garrigou, musiques de Bruno Vergnes).
5. – Vie de scène –
à Monique LONGY, Auteur/Compositeur/Interprète et guitariste, avec qui j’ai partagé « les planches » de la salle de spectacle de Dunes. (Tarn-et-Garonne).
Je garde au fond de ma besace
(comme qui collectionnerait
les photos et les dédicaces
de ses artistes préférés),
la naïveté et l’audace
d’un frisson qui vient coulisser
du chevillier à la rosace,
de la rosace au chevillier ;
de La majeurs en Ré mineurs
et de demi-tons à la frette,
puisque les mots sont pour le cœur
et la musique pour la tête,
le jour ici, la nuit ailleurs,
prenons la poudre d’escampette !
sur la palette des couleurs
allons où nous mène la fête !
A la bouche un brin de réglisse,
sensible à ces doux sobriquets
que parfois quelque strophe esquisse,
– vieilles âmes que chacun aimait –
mêlé aux moutons de tontisse
d’un Limousin ainsi clamé,
quand ton bras se pose sur l’éclisse
alors je suis à tes cotés !
C’est marrant, dans ce même train
qui te ramenait au pays,
toi qui mâchouillais un refrain
au goût de baies de paradis…
le nez au vent de trois quatrains,
rempli d’images de son pays
un autre écrivait en chemin
des rimes bourrées de nostalgie !
Les souvenirs, quoi qu’on en dise,
emboîtent le pas à demain ;
Poète, je te fais la bise,
que dis-je, amie, le baisemain !
6. – Si la réponse vous convient –
Juste une vingtaine d’années
qu’il avait blanchi le plafond ;
un simple coup de badigeon,
c’est elle qui avait décidé !
les murs jaunis se patinaient
aux fumerolles d’arbousier ;
il fut des hommes, des contrées
que le soleil illuminait,
où seul comptait l’instant présent
lorsque filait du bord de l’oule,
des ergots du bouillon de poule
un trait de fumée insolent !
C’est au crochet qu’elle montait
les arabesques du rideau ;
elle savait les contes de Perrault
et la cire, à « l’ostal, » embaumait !
Qui se souvient des chaufferettes,
des édredons blancs et ventrus,
de cette huile de foie de morue
jouant le soir les trouble-fêtes,
du tablier troué de nos vieilles,
des fèves qu’elles écossaient,
et des tomates qu’elles enfermaient
pour l’hiver au fond des bouteilles ?
qui revoit le chien affalé
en travers de quelque paillasse,
pourléchant ses rêves de chasse,
ce temps où encore il courrait ?
qui se souvient des escarbilles,
de la tête cuivrée des chenets
sur lesquels les frusques séchaient,
et du tricot bardé d’aiguilles ?
Rappelez-vous les herbes sèches
– ces tisanes accrochées au mur -,
et tournant dans ce clair-obscur
les perdrix pendues tête bêche !
Juste une vingtaine d’années
qu’il avait blanchi le plafond ;
et sur l’étagère le litron
pour les rares instants de récré !
Juste une vingtaine d’années
que j’étais né dans la maison,
que ces fragrances, à l’unisson,
étaient ma seule vérité !
et quand de la forge montait
l’odeur du sabot que l’on ferre,
et les injures de la porchère
que quelque bougre taquinait ?
Lorsqu’on me demande d’où viennent
mes rimes et pour quelles raisons,
je souris, jamais ne réponds
car j’aurais vraiment trop de peine ;
dans cet univers mirliton
je ne pense pas qu’ils comprennent
qu’entre jeunesse et cimetière
à Labastide je me promène
toujours pour les mêmes raisons !
toujours pour les mêmes raisons
comme dirait l’autre couillon !
7. – Ligne parallèle –
Ici, rien n’a changé vraiment,
les pots de confit, sous l’auvent,
jouent du coude sur l’étagère,
le chien maudit la moustiquaire ;
ici, rien n’a changé vraiment,
le temps semble aller nonchalant
loin des amas de populace
où tout ce qui se crée se casse ;
dans cette luxure primaire,
ici perdure l’ordinaire
au sens le plus noble du mot ;
le simple est infiniment beau !
Ici, rien n’a changé vraiment,
sauf peut-être les raisonnements
des friselis de la rivière…
que je trouve un peu cavalière,
bien fière de m’avoir snobé
alors que je passais à gué
et non par le vieux pont de bois !
j’ai pris le chemin d’autrefois,
quand on allait main dans la main
nos laines ornées de brins de foin ;
comme quand on rentrait des champs,
des boutons d’or à tes volants !
Bien sûr tu as pleurée longtemps
lorsque j’ai brûlé nos serments ;
je suis allé courir le monde,
ils disaient que partout abondent
des étoiles multicolores !
ce n’était là que métaphores,
manigances de sorcières,
que métaphores mensongères !
j’ai bien appris, à nos dépens,
que larme des villes ou des champs…
j’ai bien appris, à mes dépens,
que ce qui pousse à foutre le camp…
Tout est à l’identique, ici,
la chaise de paille, le logis…
que pourraient être les excuses
d’un fada qui coursait les muses ?
Je croyais décrocher la lune,
j’ai suivi le vent pour des prunes !
C’est quand elles ont été bien mûres
que tes doigts faits de confiture
ont caressé mes lèvres sèches,
m’ôtant à ce monde revêche ;
comme entre rêve et cauchemar
l’inconscient peut être roublard !
Otons, au fur et à mesure,
le couvercle des confitures,
tes mailles de laine et tes dessous ;
s’il est de vieilles meurtrissures,
guérissons-les… dessus… dessous…
dessus… dessous…
dessus… dessous…
8. – La vie des gens –
Si vous saviez, mes chers enfants,
du « Sautados 1 » à « l’Olivette 1 »,
combien de fers j’ai mis à blanc
et du bout de mon escopette
j’ai fait marcher à la baguette
d’ennemis et de grands loups blancs !
si vous saviez, étant enfant,
du Sautados à l’Olivette,
combien de rêves impatients
ont pris la poudre d’escampette
par les trous des vieilles chaussettes
via la garrigue et le grand vent !
mais,
si vous saviez, mes chers enfants,
du Sautados à l’Olivette,
ô combien il fut excitant
de me réchauffer la luette
de cette première cigarette
qui vous laisse l’œil larmoyant !
si vous saviez, un peu plus tard,
ni Sautados, ni Olivette,
venu l’âge des grands panards,
combien j’ai maudit la tempête
de ces vendus qui déchiquettent
en mille le papier buvard !
si vous saviez, loin de mes terres,
Sautados mort et l’Olivette
au banc des prochaines enchères,
combien j’ai poussé de brouettes
de culs piqués de baïonnettes
et de becs cloués de misère !
si vous saviez, mes chers enfants,
combien j’ai langui la soupière
et les reflets trop scintillants
du fer blanc de mes tabatières !
j’aurai donné la terre entière
pour y jeter le nez dedans !
ô, vous aussi mes chers enfants,
passé le temps des Olivettes
via le monde abracadabrant,
les jours de gloire et de disette,
vous prendrez la poudre d’escampette
les nuits où l’air est suffocant !
puis, comme vos vieux bien souvent,
les semaines où tout bat de l’aile,
vous penserez en souriant:
« Suis-je vraiment un bon modèle ? »
mais sitôt tourné les semelles
vous chasserez tout argument !
draps de lin ou draps de flanelle,
l’enfant s’endort contre sa mère…
et le paternel est content ;
c’est ainsi que vivent les gens !
1 « Sautados » et « Olivette » : lieux situés sur la commune de Fontiès-d’Aude, où l’on jouait étant enfant.
9. – Sous les amandiers d’Adrien MATHIEU –
Quant à la saison des iris bleus
les lunes vont à la queue leu leu,
perchée sur son roc tabernacle
une chouette assiste au spectacle.
Elle revient à chaque printemps
pour voir danser les pétales blancs
entre les amandiers de Mathieu…
qui ne se doute de rien, parbleu !
Lorsqu’une fille en quête de Bon-Dieu
défait le chouchou de ses cheveux,
et qu’alors, grisés par le grand air
on s’adonne à cœurs et corps offerts,
voici que le vaisseau des étoiles
vient hisser le foc et la grand-voile
entre les amandiers de Mathieu…
qui ne se doute de rien, parbleu !
J’ai même vu les gars du village
s’agripper tout de go aux branchages,
enfin quoi, mener la sarabande
pour piquer quelques poignées d’amandes
qu’ils cassaient d’un seul coup de caillou
et jetaient au fond de leurs bajoues
entre les amandiers de Mathieu…
qui ne se doutait de rien, parbleu !
Sans vouloir vous couper l’appétit,
pour les amandes, les gars, c’est fini !
les trois arbres d’Adrien Mathieu
se consument à l’âtre des cieux,
le vaisseau des étoiles est à quai
privé de ses trois mâts d’amandier…
quant aux souvenirs que j’avais de vous,
aux chouchous sur les souches on les cloue !
A la belle saison des iris bleus
la chouette aura les larmes aux yeux
puis oubliera son roc tabernacle ;
ce sont les aléas du spectacle !
Ne conjuguez « jadis » au vieux temps,
même si votre jeunesse fout le camp,
car une fois la cheminée passée,
même l’amandier n’est plus que fumée !
10. – L’école « boscassièra » – (texte français/occitan)
Salut grand oncle, ou peu ou prou
j’aurais été sur tes genoux
« boscassièr » 1 en nos « boscassièras » 2,
penjat à la méma primièra 3
quand Villar se pare de roux ;
penjat à la méma primièra
quand Villar se pare de roux !
A cada sason sa vertat 4,
luna mercruda, cèl estelat 5 …
parfois nos croisées sont étranges,
il est vrai, « Jésus II » 6 mélange
amont los mirgas e lo gat 7;
il est vrai, Jésus II mélange
amont los mirgas e lo gat !
Ta ieu l’escola èra clavada, 8
avias pres la clau en crosada 9 !
à Labastide, vierge marie,
par les sentiers, en poésie,
je cueillais le pigment de folie ;
par les sentiers, en poésie,
je cueillais le pigment de folie !
Et « la Pradeille 10 » toujours chantonne
aux premières notes de la faune !
per nuèchs blancas e cops d’esclops 11
se canta encara dins lo clot 12
la mémoire de l’autochtone ;
se canta encara dins lo clot
la mémoire de l’autochtone !
Lo temps, coma una rasada de vin 13,
chauffe le ventre de celui
– corne d’auroch, tomme de bique –
qui raisonne « paléolithique » 14,
passa divendres a l’alholi 15 ;
qui raisonne « paléolithique »,
passa divendres a l’alholi !
Aici, Josèp, rés a cambiat 16 ,
d’aiga fasèm pas lo muscat 17 ;
aux quatre coins du Val-De-Dagne
sans cesse Cers bat la campagne…
la vida mena seu combat 18 !
comme elle la rime se gagne,
mon bon plaser al paradis 19…
e totjorn la rima se ganha, 20,
mon bon plaser al paradis…
1 : charbonnier
2 : charbonnières
3 : pendu à la même première
4 : à chaque saison sa vérité
5 : nouvelle lune un mercredi, ciel étoilé
6 : « JESUS 2 » (Editions Grasset 1947) Joseph Delteil
7 : en haut les souris et le chat
8 : pour moi l’école était fermée
9 : tu avais pris la clé en croisade
10 : maison forestière où est né Joseph Delteil, à Villar-en-Val (Aude)
11 : par nuits blanches et coups de sabots
12 : on chante encore dans la fosse (bas-fond)
13 : le temps comme une rasade de vin
14 : « La Cuisine paléolithique » (Editions Robert Morel 1964) Joseph Delteil
15 : passe vendredi à l’aïoli
16 : ici, Joseph, rien n’a changé
17 : d’eau nous ne faisons pas le muscat
18 : la vie mène son combat
19 : mon bon plaisir au Paradis
20 : et toujours la rime se gagne.
11. – Phylloxéra, marchands de fiel… –
Les livres disent que là-bas
il est un pays – je le plains –
où les vents ne chantonnent pas,
jamais de Cers ni de Marin !
sans la note d’un Dieu harpiste,
juste le cri du goéland,
que ce pays doit être triste
voué à son air ambiant !
Se faufilant par les rocailles,
les « genèstas 1 » et les cyprès,
caressant le dos des semailles,
les roses blanches des prieurés,
par chez nous, le souffle d’Eole
saute les murettes à foison
pour que les minots des écoles
se suspendent à son barbichon !
Ce sacro-saint du baromètre
fait bien partie de la famille !
et s’il venait à disparaître
– araignée rouge et cochenille –
nous reviendrions aux temps obscurs
où sans musique naturelle
le cœur de l’homme était impur !
je chante tes louanges, ô Cybèle !
puis j’invoque à nouveau ton nom
car il est au creux du village,
comme aux quatre coins du canton,
bien des âmes qui font ombrage
aux hommes de bonne volonté,
à ceux qui n’ont peur d’entreprendre,
qui veulent demain ensoleillé ;
à ceux qui donnent sans reprendre !
Je ne sais si pour elles le vent
a soufflé du mauvais côté,
n’a pas soufflé, ou trop longtemps
pour qu’elles puissent brader l’amitié,
mais si tu croises Eole, au ciel,
tape-lui un peu sur l’épaule…
il ne faudrait pas, « macarèl 2 »,
phylloxéra, marchand de fiel…
qu’on refasse la guerre des Gaules !
1 « genèstas » : traduction occitane de: genêts
2 « macarèl » expression occitane que l’on emploie familièrement pour marquer l’étonnement.
12. – Jour de fête –
C’était en d’autres temps,
c’était en d’autres lieux,
je connais vos visages…
c’était en d’autres temps,
c’était en d’autres lieux,
nous étions réunis ;
c’était en d’autres temps,
c’était en d’autres lieux,
j’aimais vos paysages
et nous étions amis !
Nous partagions le pain,
nous faisions notre vin,
vivions de nos folies…
nous partagions le pain,
nous faisions notre vin,
nous étions frères, pardi ;
nous partagions le pain,
nous faisions notre vin
et nous fumions, la nuit,
la fleur de paradis !
Pain et vin sont espiègles,
au gré des feux de pailles
le vent pousse sa houe…
pain et vin sont espiègles,
au gré des feux de pailles
chacun a fait son trou ;
pain et vin sont espiègles,
au gré des feux de pailles
je suis resté canaille
et joue du « bufador 1 » !
Je joue du « bufador »
à la grande esbroufeuse
qui se monte le cou…
je joue du « bufador »
à la vieille faucheuse
qui me prend pour un fou ;
certes, je joue comme un clou,
mais les notes merveilleuses
que m’offre mon « bufador »
un tantinet rêveuses
m’ont amenées à vous !
1 bufador : (mot occitan) soufflet pour raviver le feu.
13. – à Jean JAURES –
Jaurès ! Jaurès ! Jaurès !
Carmaux pleure « l’Enfant du Peuple »,
les « gueules noires » sont consternées ;
Jaurès vient d’être assassiné,
la classe ouvrière se sent seule !
D’autres s’en vont, criant, aux champs,
– les paysans, les socialistes –
levant aux cieux nationalistes
leurs fourches et leurs points saillants !
Jaurès ! Jaurès ! Jaurès !
Le député s’en est allé
– prophète de la république –
vers les bancs d’une école laïque
enseigner à d’autres le respect !
La une de l’Humanité
mêle désespoir et vengeance,
et l’on clame partout en France
le Pacifiste au parler vrai,
le militant des droits de l’homme,
chef de file de tous débats !
celui qui dit non au combat,
non à la guerre de quatorze !
non
au million et demi de morts,
aux idées, aux tranchées infâmes,
aux pleurs des mères, aux cris des femmes !
non
à la raison qui s’endort !
Jaurès,
dites-moi si sur votre île,
les baladins de thermidor
n’ont que les pavés, rue du Taur, 1
pour unique domicile ?
Jaurès,
dites-moi si sur votre île,
les coqs du clocher Saint Sernin, 1
de noël à la saint Crépin
chantent en cœur une ère débile ?
Jaurès,
dites-leur si sur votre île,
du Capitole 1 à Jolimont 1
les Capitouls 2, en procession,
traquaient la Paule 3 juvénile ?
Jaurès…
que du sable fin de votre île
au gravier du Jardin des Plantes
résonnent les foulées d’Atalante
et les poignées de mains viriles !
Jaurès,
clamez à ces bêtes serviles
qu’on partage de jour son vieux pain
et qu’on fume de nuit son terrain
pour que demain soit plus fertile !
pour que PAIX soit indélébile !
1 « Rue du Taur, Saint-Sernin, Capitole, Jolimont » : divers endroits de Toulouse.
2 « Capitoul » : nom donné aux officiers de la ville de Toulouse entre le moyen-âge et la révolution.
3 « Paule » : Paule de Viguier, dite la Belle Paule (1518 – 1610) était une dame toulousaine du XVIème siècle connue pour sa beauté, immortalisée par un tableau d’Henri Rachou dans la salle des Illustres du Capitole.
14. –TOLOSA / TOULOUSE –
Fidèle à l’hymne nourricier,
ô crénelures des temps passés,
roses dentelles et cheveux noirs,
ocres tuiles épousant le soir…
je suis, j’étais, enfin… je rêve…
peut-être était-ce un soir de trêve
dans une Occitanie en guerre…
et j’étais un page impubère !
dans une Occitanie en guerre…
et j’étais un page impubère !
Carillons, luths, cithares en verve
clamez donc vos louanges à Minerve,
vos stances rondes à Apollon ;
Garonne chante à l’unisson !
j’étais, je rêve, enfin… je suis
tel Rossignol quittant le nid !
où rue du Taur, où Saint-Sernin,
à chacun ses vers de lutrin !
où rue du Taur, où Saint-Sernin,
à chacun ses vers de lutrin !
Voyez Riquet qui s’émoustille,
son canal neuf qui se tortille,
ses batelières qui suspendent
leurs trophées de thym et lavande
aux cordelettes des chalands…
et le soleil du firmament !
j’étais, je suis, enfin… je rêve…
j’étais un gamin de la grève !
j’étais, je suis, enfin… je rêve…
j’étais un gamin de la grève !
Je suis juive, maure ou gitane
pliant au coup de tramontane,
le vent du noble, l’air du gueux,
qui pousse un accent rocailleux !
je fais rouler au caniveau
l’eau de vaisselle et le cerceau !
je suis, j’étais, enfin… je rêve…
la reine des galettes à fèves !
je suis, j’étais, enfin… je rêve…
la reine des galettes à fèves !
Laissez donc au supersonique
les pendulettes analogiques,
les gants de croco, le business,
vous êtes en état de stress !
mais s’il vous vient une fringale,
réflexe feu de bois et sandale !
je ne rêve plus, entrez chez moi,
TOULOUSE, en lettres capitales,
Mademoiselle, Mademoiselle,
TOULOUSE, en lettres capitales,
Mademoiselle, vous étreindra !
15. – Transes et comas idylliques –
Chaînon d’une vie mécanique,
robot, numéro, vase clos,
reclus à la lente musique
huileuse des axes verticaux,
des bains d’acide sulfurique,
des plaquettes de silicium,
de ces longs râles spasmodiques
inculquant le rythme au sternum…
je me détruis, je me périme ;
je me périme, je me détruis !
ô feuilles encyclopédiques
de spécifications régimes,
rituels de formules physiques,
oxydations savantissimes,
binos pointés au vingt centième,
combinaisons hémiplégiques,
abscisses, ordonnées, barèmes,
flux laminaires cathodiques,
consanguinités scientifiques,
tablatures enrubannées,
classifications périodiques,
ô conventions bicolorées,
je me détruis, je me périme ;
je me périme, je me détruis !
atomes, éléments chimiques,
check-lists, fusions, Mendeleïev…
Mendeleïev ?
N’y avait-il à Saint-Pétersbourg
pas la moindre lande d’amour
où tu rognais ton vieux sandwich ?
ton beurre est rance, Ivanovitch !
pas le moindre champ de colchiques,
la moindre note d’insouciance,
la moindre note poétique,
pas la moindre réminiscence ?
– souvenirs morts à peine éclos –
d’anciennes Vénus de Milo,
de Margareth, de Véronique ?
de danse folle ni de bécot ?
de la becquée, de la bécane,
de raccourci atmosphérique ?
de nuits chaudes, de drôles de dames,
de leurs clichés photographiques,
leurs rendez-vous qui vous enflamment
de leurs sourires féeriques ?
pas la moindre graine de sésame
qui fît le pain des romantiques ?
Tout se détruit, tout se périme ;
tout se périme, tout se détruit !
pas le moindre champ de colchiques,
de rainette au bord de l’étang ?
– nénuphars antisymétriques –
pas de bête du Gévaudan,
ni de muscle zygomatique
prêt à déchausser quelque dent ?
A présent la fin est bien proche,
l’éprouvette jure à gros bouillons
les équations percent mes poches,
que viennent les sublimations !
adieu Microsoft, Mackintosh !
le vent du large m’envahit,
les brisants ont tout englouti ;
seule l’écume se souvient !
les abîmes me tendent la main…
je viens, j’arrive… je viens, je viens !
A qui croirait que je me noie,
que mon esprit est diabolique,
que je suis foutu, que je chois
entre les voiles maléfiques…
non,
je m’offre au jeu métaphorique,
j’alterne transes et comas ;
entendez « comas idylliques » !
tu m’as cru cuit, me revoilà !
16. – A poing levé –
Avec les mots pour seules armes, un pied dans la poussière des temps, l’autre intuitant dans le cosmos quelque lendemain moins saignant, que le poète semble absent de la réalité présente ! – ô figurine du néant ! –
Traîne savate à la semaine, contestataire perpétuel contre les idées établies, la société qui normalise et le mouton qui va bêlant ; lui, l’hérétique. Le poète dont on se rit. Celui qu’on cite, à l’occasion, lorsque la couardise et l’estoc se font à nouveau face à face.
L’escargot pareil au poète et le poète à la limace ; chacun laisserait donc une trace ?
Les mots sont à double tranchant ; entendez-les correctement !
Zoroastre prêchait alors une morale d’action fondée sur la certitude du triomphe de la justice ; ce fut en 620 av JC. Temps fécondés ou révolus, libre à chacun d’en faire grimace ; Toulouse exige en sa besace, Capitole maintes fois opprimé, la vérité qui lui est due !
Alors la cité lèvera la face ; je dirais, une fois de plus !
Fronder n’est pas jouer ; altruisme est méconnu ; concertation pourrait encore être de ce monde, mais trop souvent « dirigé » il reste un terme sans issue.
Il n’est plus là querelle de parti, ni place à pourvoir. « L’homme s’autodétruit » crie-t-on sur la grand’ place ! l’intérêt ne connaît le tablier de la gueuse que ses rides ont souillé.
Prenez garde, « usuriers », le poète renaîtra sans cesse de ses cendres et mon poing demeurera levé !
17. – Métaphore saisonnière –
La feuille de nos vignes
est espiègle toujours
quand l’automne souligne
de pourpre son contour ;
et si le soir attise
d’un brin de tramontane
ses rêveries exquises
de valses ou de sardanes,
le sarment, indigné,
peut crier « à la garce ! »
ses volants bigarrés
s’adonnent à la farce…
rappel !
Au cycle des saisons,
quand l’homme met la main
septembre fait le con,
et puis l’été indien
parade comme si
dans son clair justaucorps
à l’air seul radoucit
on oubliât la mort,
troquât ses crayons noirs
pour des bois de couleurs !
certes, le vent du soir
est un vieil enchanteur…
rappel !
Toulouse est bambocheur
et jamais ne rechigne
au bal des vendangeurs
quelque danse maligne !
seulement, cette année,
seule, aux festivités
va la feuille de vigne !
Il est vrai que tout suit:
l’automne fait le vin,
l’hiver tire la lie…
mais personne n’oublie
qu’on eut l’été indien!
rappel !
18. – Toulouse en 2200 –
Aux abords de la piste, le béret de guingois,
le « Caouec 1 », chahuté par les vies de Pétrarque,
promène son bonheur sous quelque antique émoi ;
adieu vieille utopie du Martien qui débarque !
pas de vaisseau Alpha, soucoupe d’iridium
clignotant par bâbord et par tribord hurlant,
ni civilisation bardée d’aluminium !
pas d’aéropostier venu d’un autre temps !
ici, les oiseaux blancs piaillent paisiblement ;
Blagnac demeure « Blanhac 2 » » en deux mille deux cent !
A l’ombre des arcades, Clément Ader junior
– Eole boutonné d’un laser cousu bleu –
de breuvages liquoreux sied son nouveau décor ;
c’est l’été toulousain, Capitole est en feu,
un marchand d’ustensiles replie son chapiteau,
le zodiaque a repris son état sidéral ;
le camelot n’a plus ni médaille ni couteau,
et Goudouli 3 junior siffle un nu intégral !
le sud a des vertus, midi est insolent,
Toulouse reste Toulouse en deux mille deux cent !
Vingt-troisième siècle, au quai de la Daurade
Garonne va sereine, sans l’ombre du dragon
aux sept langues fourchues, au parler revirade,
à l’écume de fiel, sans « Jourdain », « Harpagon » !
les Précieuses Ridicules « mimiquent » au fond des puits,
les erreurs se consument aux âtres de l’orgueil,
sur le Pont Neuf on lit le grand livre de la vie
et la Place Occitane ouvre de nouveaux recueils…
sous son rose hoqueton, les couettes hoquetant,
parée de falbalas, ornée de girandoles,
les jupes au vent d’Autan, Toulouse est une enfant
qui Prairie des Filtres, danse la Carmagnole !
une fille d’honneur, une fille de sang…
vieille fille d’antan aux amours gaudrioles,
elle est reine du monde en deux mille deux cent !
1 Caouec: surnom donné aux habitants de Blagnac.
2 Blanhac: occitan de Blagnac.
3 Goudouli: Poète occitan.
19. – Palingénésie des siècles –
Sans humeur, ni couleur, ni bruit,
sans matière ni énergie,
sans rotation ni cadence,
sans précédent ni expérience…
un simple rien, sans exigence.
Pas d’idée, de casus belli,
exempt de raison et d’ennui,
vide d’espoir, creux de soupir,
rien à aimer, rien à haïr,
promu à un bel avenir…
il n’est que vide et rien de plus !
vide dessous, vide dessus,
sans forme ni contour, pourtant
de lui viendra la prime enfant !
la vie naîtra d’un rien béant !
Vide devant, vide derrière,
sans la moindre once printanière,
pas raccroché ni suspendu,
ni symétrique ni biscornu,
pas plus moucheté que velu,
au néant des théologies,
sans Bernadette, sans Marie,
sans fanatisme aucunement,
ni reliques ni ossements,
il n’est que vide, infiniment !
——————
Trois rides ancrées profondément
attestent irrémédiablement
des lois du prime enfantement !
ce fut,
maille à l’endroit, maille à l’envers,
sans maestro ni Lucifer,
il y a quinze milliards d’hivers ;
d’un grand rien naquît Univers !
Qui voudrait mettre en vers « l’Explosion »
et l’évolution de la terre,
aurait, je le crains, fort à faire,
et clôturant l’ère Azoïque
d’une série de strophes épiques
verrait ses neurones en fusion !
Peu de mes confrères ne trempent
leur plume à l’ère Précambrienne !
pour autant qu’il m’en souvienne
poissons du Paléozoïque
ou oiseaux du Mésozoïque
ne peuplent leurs rimes faîtières !
Ce fut chez l’Australopithèque,
ou peut-être chez Cro-Magnon
qu’ils dénichèrent la raison,
de jolies fleurs de circonstance,
les premiers mots, la laitance,
le nectar des bibliothèques !
Truculences d’Homo-sapiens,
préhistoire du soleil levant,
premiers feux, poursuites d’enfants,
sur deux pattes et sans tralala
déjà le jour file à grands pas !
– herbes rousses, rondeurs de seins –
et voici le poème inculte !
des vers aux parfums naturels,
un enchaînement visuel ;
voici les coulées de fragrances,
le temps des premières jouissances,
les soirs rougeoyants qui exultent !
Dès lors les tremblements s’activent,
le corps balance, le spasme est d’or,
l’inspiration colle au décor !
voici les poissons, les oiseaux,
c’est la création à nouveau !
cet oiseau crie: c’est une grive !
ce poisson pique: c’est une vive !
le poète réalise enfin
que tout est « art » et que demain
sa rime épousera les plis
des grandes toiles de la vie !
ô Poète…Poète mon ami…
sois béni !
20. – Le Brie de mots –
Vous ais-je conté le bris de Meaux,
ces images qu’on jette à la casse,
qu’on trouve bien maigres ou trop grasses,
qui ne viennent de sous les fagots ?
ces poncifs sans « l’appellation »,
le label d’origine contrôlé,
et qui ne peuvent s’afficher
sur l’œuvre des fils d’Apollon ?
Pour le Brie de maux, mille excuses,
n’allez pas m’en faire un fromage !
de ma part, certes, il n’est pas très sage,
mais comme je n’ai la science infuse
d’une littérature appliquée
pas plus qu’une poétique parfaite,
j’entasse sous les tuiles de mon faîte
ces jeux de mots bien affinés !
Quant à ceux qui disent que c’est trop,
que l’imperfection nuit à la rime,
je répondrais sans la moindre frime
que je suis à l’abri de leurs Meaux !
il peut souffler sur ma cahute
une tempête de « qu’es aco »,
je m’en bats l’œil, les oreilles et les os
et n’en aurais les poils hirsutes !
Que demain quelqu’un reconnaisse
les plumes qui ont de la fesse,
de la cuisse, les plumes folichonnes
qui s’extasient ou qui ronchonnent,
celles qu’on trempe dans le vin
juste pour se faire du bien,
la mienne serait alors bonne
pour les éloges, voire le baise main !
on me nommerait « l’Ecrivain » ;
ah putain !
21. – La complémentarité artistique –
Je me lève et je te bouscule,
tu ne te réveilles pas,
comme d’habitude…
alors,
quelque envie sempiternelle
au saut du lit me pousse au train ;
ô vents d’impulsions rebelles,
je me hâte vers le petit coin !
là, deux bribes de Karl Marx
me reviennent à l’esprit :
« Travailleurs de tous les pays,
brisons nos chaînes sans répit ! »
Sur toi, je remonte le drap,
j’ai peur que tu ais froid,
comme d’habitude…
alors,
la corvée sempiternelle
me pousse vers l’usine, sans entrain.
Au poste, le requiem des nouvelles
– engrenages d’un siècle d’airain –
ne pimente en rien mon affaire…
le boss aura le dernier mot,
partout les syndicats font la paire
pour te faire un petit dans le dos !
là, deux bribes de Karl Marx
me reviennent à l’esprit :
« Auditeurs de tous les pays,
écoutez les singles dernier cri ! »
Et puis je rentrerai manger,
les lentilles seront brûlées,
comme d’habitude…
mais le plaisir sempiternel
de t’ouïr à nouveau chantonner
m’ouvrira les portes du ciel,
ma colombe, mon grillon, ma dulcinée !
là, deux bribes de Karl Marx
me reviendront à l’esprit :
« Travailleurs de tous les pays,
après dîner, faites boggie-boggie ! »
Alors tu t’endormiras,
moi je resterai là,
comme d’habitude…
et l’envie sempiternelle
des doux carrousels de minuit
s’égrènera sur l’arc en ciel
des fantasmes inassouvis.
Couché sur la table de nuit
entre le Manifeste et l’Huma,
depuis longtemps Karl Marx aura pris
son tilleul et ses pastilles Valda.
Amis, le prolétariat s’assoupit !
Poètes de tous les pays,
il est l’heure de mener grand bruit !
22. – Tirez la chevillette –
L’un crie merde au plaisir,
l’autre hue le sentiment ;
certes, l’un veut mourir,
à coup sûr l’autre ment !
l’un ne peut aboutir
et l’autre est un enfant ;
quand l’un voudrait partir
v’là que l’autre se rend !
l’un des deux « excentrique »,
l’autre « conventionnel » ;
les deux « anachroniques »,
leur monde bien cruel !
des pulsions archaïques
rythment leurs rituels ;
tous deux sont critiques,
l’un a raison, lequel ?
l’un ferme les volets,
l’autre braille en plein air ;
l’un ne pense qu’à coucher,
l’autre au péché de chair…
et les fleurs, on le sait,
parfument l’univers
ou calment les regrets
de qui part en enfer !
l’un s’approche des braises,
l’autre brûle déjà ;
personne n’est à l’aise
des nœuds à l’estomac !
l’un ferre alors le dièse,
celui du dernier pas,
l’autre a tort, n’en déplaise
au désir immédiat !
les talons hauts cliquettent
sur le trottoir d’en face ;
à trop conter fleurette
les deux perdent la face !
montée la moulinette
et perdue la nana,
tirez la chevillette…
la bobinette cherra !
23. – La chose –
Une ride légère ;
un tout petit sillon
qui rapporte d’en guerre
des nouvelles du front,
un pet de tramontane
qui vient et met en joue,
pour rire, Saint Antoine
sur son socle à Padoue,
un grenadier de plomb
des Napoléoniennes,
le pétard à bouchon
des gamines siciliennes,
le soleil des grands jours
ou l’étoile lointaine ;
pas encore mot d’amour
ni croquis de fredaines…
et quand bien malheureux
de n’entrevoir sa tête
chacun se prend au jeu
quand chante la merlette !
en genre comme en nombre
il s’accorde à foison,
serpente à travers l’ombre
tel un caméléon…
dépose sur la peau
le frisson de l’aurore ;
les lèvres, en porte-à-faux,
le réclament encore…
roule sur les épaules
ses perles désœuvrées,
en douce farandole
se prend à dériver…
sur quelque galbe chaud
voilà qu’il s’émoustille,
verrouille le hublot,
ferme les écoutilles,
lève l’ancre du port,
ferme l’encre du pot
et prend à bras-le-corps
la vie à demi-mots !
ses paupières mi-closes
transcendent l’arc en ciel
puis se gavent à la chose
de filasse et de miel…
tout alors devient beau
quand le jour le révèle ;
ce n’était qu’un appeau,
une ride infidèle…
certes, juste un appeau,
mais un « attrape Adèle » !
24. – Le temps du slow –
C’est une mélodie passée,
un air sur lequel on dansait
l’un contre l’autre si serrés
que nos désirs s’entremêlaient…
depuis, cent saisons ont passées.
Nos printemps ce sont envolés
parmi les lampions de papier ;
les guirlandes accordéon
figées dans les nues du plafond
ont oublié notre jeunesse,
nos cœurs serrés et nos promesses…
pauvres papillons de bohême
la musique n’est plus la même !
Mes rimmels sont un peu plus noirs,
je boude à présent les miroirs,
mes drapés de rêves insensés
ne m’empêchent plus de pleurer…
mais ce soir pour toi j’ai vingt ans,
mon cœur est ferme et bouillonnant !
les papillons des jours heureux
revêtissent leurs ailes bleues,
ce soir je me donne à l’amour,
je recommence le parcours.
C’est une mélodie passée,
un air sur lequel on dansait
l’un contre l’autre si serrés
que nos souffles s’entremêlaient
aux volutes d’éternité ;
C’est une mélodie d’autrefois,
notes de laine, envie de toi,
mots dérisoires, mains de velours…
une mélodie de toujours,
accords fleuris, notes d’amour !
Tourne, tourne, oui tourne encore,
fais-moi danser jusqu’à l’aurore,
enlève- moi, tour après tour
puisque l’amour est de retour
puisque les portes sont ouvertes,
puisque notre île est déserte,
serre, serre, serre-moi fort,
vole mon âme et prends mon corps…
ma tête au creux de ton épaule,
susurre de tendres paroles,
laisses aller au long de mon cou
quelques baisers, quatre mots doux,
laissons resurgir nos ivresses,
leurs charmes et leurs maladresses…
mêlons à cette symphonie
nos lèvres gonflées de folie
comme si l’on oubliait le temps,
comme si l’on était débutant;
parce qu’il est doux qu’un souvenir
en plein hiver vienne fleurir ;
parce qu’il est drôle qu’un frisson
puisse rouvrir tant de saisons…
au travers d’un air démodé !
vole, vole, vole pour moi quelques étés !
25. – « L’imposture » –
Il n’est pas là foutaise,
vantardise ou chiqué !
aux filles à corps de braise
qui peuplaient mes forêts
je me suis bien brûlé…
et j’en porte les traces !
vous en restez pantois ;
sachez, par saint Pancrace,
que sous sa carapace
mon cœur est aux abois !
Des guirlandes de lierre,
clairières à baldaquins,
magistrales volières
aux amours pique-grains
il ne demeure rien !
plus de couche de thym
qui parfumait l’amour !
l’idéal féminin
a changé de chemin,
d’art… ou de troubadour !
des nymphettes perdues
reste un foulard doré ;
rêve d’or saugrenu
qui flotte sur le gibet
du vent des grands regrets !
Il n’est pas là foutaise,
vantardise ou chiqué !
les filles à corps de braise
ont troqué leur fournaise
pour de vils feux-follets !
A vous, jeunes déesses
aux désirs frémissants,
je remets ma détresse !
faites-moi le serment,
faites-moi la promesse
que nous serons amants
avant que ne volètent
les flocons de l’avant !
26. – La nana aux brins de laine –
Pour autant que je me souvienne,
à tes jeans, quelques brins de laine
suspendaient aux couleurs du temps
le nuancier de tes vingt ans…
et dans l’azur de vendémiaire,
« l’Albatros » de Baudelaire
assouvissait ses perversions
loin des brule-gueules et des cons !
A coup de liqueurs pacifistes,
de théories écologistes,
d’amour libre, de cheveux longs
tu buvais la révolution ;
entre cannabis et tabac
tu fumais les rimes à Lorca !
De tes airs de Mère Theresa,
toujours prête à prendre en tes bras
toute la misère du monde,
tes poches bourrées de pierres à fronde,
ta « deuch », tes cocktails Molotov
et tes bras d’honneur aux sous-offs
je ne gardais que ton sourire…
quelques tirades de Shakespeare…
au creux d’une mansarde enfumée
le reste du temps on s’aimait !
Plus de capricorne et cancer,
d’œuvre d’Edgard Poe ou Prévert ;
ni coquelicot, ni jeans à franges
je caressais le corps d’un ange…
sous tes alcools abécédaires
j’en oubliais Apollinaire,
puis, à la nouvelle saison,
les anges perdant la raison
comme le font les cerfs-volants
tu pris les courants ascendants
et me clouais intra-muros
aux vingt sonnets de Charles Cros !
Au fond « du Coffret de Santal »
– pétale séché « d’une Fleur du Mal » –
ce fut le temps des cauchemars…
je pris le pied chez Eluard !
depuis,
pendu au bras de mes poèmes
je mène une vie de bohème,
non pas une vie dissolue
faite d’absinthe et de cigüe…
non,
je vais où va la tramontane…
comme qui dirait « à dos d’âne »!
27. – Bouquet de rimes et d’espoir –
Si je souligne en quelques strophes
tes yeux, ton visage, tes mains,
plus que poète, philosophe,
j’effeuille l’œillet sur ton sein…
si sur les brisants de ton corps
s’abîme mon âme naufragée…
et si je m’encanaille encor
à la vague renouvelée…
– heureux qui prend le vent du large –
ô muse, suis-je libertin,
folâtre, un tantinet volage
d’enchaîner proses et quatrains
jusqu’à l’épuisement complet
des termes roses du dictionnaire,
et succomber – puisqu’il te plaît –
dans les couleurs de la grammaire ?
Mort pour toi, je le fut cent fois
et certainement mille encore !
et quand viennent – dieux et sournois –
tourbillonner tes sémaphores
dans le halo gris des chandelles,
l’aube déploie ses coudées franches
sur bien des brouillons pêlemêles
et la pudeur d’une page blanche !
alors,
plus de philosophe, de poète
ni d’effervescence ; je dors
comme dormirait une bête,
un simple d’esprit, un trésor !
Là, ta main au creux de la mienne,
nous cheminons jusqu’à demain
sous le vent des harpes éoliennes,
des fifres et des clavecins !
Chacun façonne ses florilèges
aux vents de son jardin secret,
d’espoirs, de soupirs et d’arpèges,
des papiers musiques d’Orphée !
parmi tes roses en bosquets
et tes primevères en cortèges
aurais-je un jour le privilège
de prétendre au tendre baiser ?
28. – Confessions –
Qui donc me fera taire ?
Je vais vous le conter :
j’ai vu le solitaire,
oui, j’ai vu l’effronté !
là-haut sur la colline,
il chantait et dansait ;
j’ai vu la sauvagine
qui l’applaudissait !
vice et curiosité
ou pulsion innocente,
je me suis approchée
de l’étoile filante…
lui ne me voyait pas ;
je buvais à sa source
et gobais pas à pas
la nuit sous la Grande Ourse !
le peuple allait hurlant :
» – Sus au vieil excentrique ! «
moi j’ai vu un enfant
heureux et pacifique
allant les bras aux cieux,
confessant à la lune
de grands paniers d’aveux,
sa hotte d’infortunes !
entendez: « le Poète »
mesdames et messieurs ;
mettez-vous donc en tête,
c’est lui le bienheureux !
entendez: « le Poète » !
auprès de son grand feu
moi j’ai perdu la tête
et ce fut merveilleux !
le vent lissait les pages
aux lueurs de l’aurore,
léchant à chaque image
le suc des métaphores !
les strophes dormaient nues
à même la poussière
et les muses « cornues »
pelissaient leur crinière !
la tête sur l’épaule
du rêveur apaisé,
à l’heure où les lucioles
verrouillent leurs volets…
qui donc me fera taire ?
je vais vous le conter
tant pour vous satisfaire
que vous faire bisquer…
j’ai croqué le poète,
tout demi -Dieu qu’il est !
et bout de femmelette
n’en fis qu’une bouchée !
les strophes, aux alentours,
gisaient dans la poussière,
et les muses toujours
pelissaient leur crinière ;
le peuple allait hurlant
» – Sus au vieil excentrique! «
moi j’hurlais, en dedans,
de plaisirs érotiques !
on veut tout du poète,
c’est une absurdité !
le mien a sa planète…
je l’aime comme il est !
le mien a sa planète…
et moi j’aime voyager !
tout bout de femmelette,
j’en ai pris pour perpette…
mais moi, je suis comblée !
29. – SANS TITRE –
Intox, Flitox ; intox, Flitox !
On ment, on assassine,
éradique la vermine ;
intox, Flitox !
les rats sortent du trou,
la guerre loin de chez nous ;
intox, Flitox !
les camps de réfugiés
vomissent à la télé ;
intox, Flitox !
les grands de l’état pleurent,
leurs larmes sont des leurres ;
intox, Flitox !
Kalach ou M16,
diplomatie de braise ;
intox, Flitox !
la soif et l’armement,
riz blanc, médicaments ;
intox, Flitox !
journalistes étroits,
analyses d’apparat ;
intox, Flitox !
extérieur, intérieur,
c’est marche ou crève-cœur ;
intox, Flitox !
« politiques » périmées,
retraites, sécurité ;
intox, Flitox !
bâtards encore chauds
soixante cents d’euro ;
intox, Flitox !
avis à prolétaire :
« Travailler et se taire ! «
intox, Flitox !
cocu et fier de l’être,
brocard à la fenêtre ;
intox, Flitox !
la terre est une orange
les côtes dans la fange ;
intox, Flitox !
les nerfs à fleur de peau
tu souilles l’air et l’eau ;
intox, Flitox !
le ventre dans la ouate,
« bof » et d’extrême droite ;
intox, Flitox !
quatorze ans, dans la rue,
ça hurle à la verrue ;
intox, Flitox !
neurones en fusion,
basses récupérations ;
intox, Flitox !
actions, financements,
doutes et licenciements ;
intox, Flitox !
cancers et compagnie,
agonies et saisies ;
intox, Flitox !
tu pètes la goupille,
trucides la famille ;
intox, Flitox !
tomates pelées entières
au « gnouf », au cimetière…
STOP !
au pays de Pierrot
les hommes naissent égaux ;
je suis mort ce matin,
overdose de chagrin !
de la voûte des cieux
le monde paraît bleu,
bleu comme une orange,
je l’aime et je LA mange ;
intox, Flitox, intox, Flitox…
30. – Parfums palingénésiques –
On commémore avec des fleurs,
on se souvient avec des mots.
On laisse papillonner son cœur
sur la trame d’un album photo…
un parfum resurgit alors
– celui qu’on préférait hier –
l’essence même du réconfort,
présence intime de l’être cher !
Offrant une trace indélébile
les parfums viennent, puis s’en vont
mêlant à leur souffle immobile
les mots, les fleurs, les papillons…
l’esprit trouve alors le chemin.
La terre et les cieux communiquent !
L’étoile brille, ô pèlerin,
sur les voies palingénésiques !
31. – Le mal du pays –
Si je disais un jour, au pays de mon père,
à ceux qui n’ont hélas à l’heure du repas
que du « treize degrés » à mettre au fond du verre,
un cuissot de sanglier pour vaincre le trépas,
un peu de persillade sur du beurre fondu,
un peu de « piboulade » 1, un coulis de perdreau,
le Vendredi Saint une brandade de morue…
sauf les mécréants qui tirent un « taillou » 2 du pot ;
si je disais à tous ces gens dans la misère
que depuis que je suis en ville, croyez-moi,
mon taux de cholestérol a sauté les barrières,
que de ma vie jamais je n’ai été si gras…
peut-être qu’un jeunot voudrait prendre ma place
et qu’alors je pourrais enfin rentrer chez moi !
si j’ai quitté ma terre ce n’est point par disgrâce,
l’usine automatique m’avait ouvert les bras !
à cause du brouhaha des machines électriques,
la pollution qui souille jusqu’à mes bouillons blancs,
le stress et ses sarcasmes des plus ironiques
de sales triglycérides me rongent les sangs !
loin des couverts qui gisent au fond de l’assiette,
des chiens galeux peignant le bas des réverbères,
le toubib, un ami, veut me mettre à la diète ;
en moi le mal des villes a sauté les barrières !
moi qui n’ai obéi qu’à mes pulsions primaires,
le toubib, une fois, je devrais écouter !
je ne sais si ce fût Hugo ou bien Voltaire,
mais l’un des deux disait, que » … le temps de crever,
c’est quand l’homme a compris ! « , mais que faut-il comprendre,
est-ce bien suffisant de n’avoir qu’une vie ?
quand à ce que j’ai pris je ne veux plus le rendre !
quand à rendre la vie, là c’est encore pis !
si je disais un jour aux amis de naguère
que lorsque j’ai « le blues » je pense au vieux pays,
va, j’en connais déjà (comme la gargotière,
oh oui, la gargotière qui m’a connu petit),
qui riraient par derrière, car les gens sont ainsi !
que voulez-vous y faire, fœtus tout est inscrit ;
l’un naît avec le slip et l’autre à poil, pardi !
1 piboulade: champignon de peuplier en patois languedocien.
2 taillou: morceau de confit en patois languedocien.
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