Là, tout sentait l’anchois,
la basse terre, le ciel,
la cuillère de bois,
la confiture, le miel,
les tamaris en fleurs,
la petite maison,
les crêpes de chandeleur
et le bâtard au son,
la chaloupe ventrue,
les filets à la traîne,
l’huile de foie de morue
et les yeux des sirènes,
le phare rougissant,
l’écume et les galets,
le phare verdissant
et les cieux étoilés,
la friture dans la caisse,
la caisse sur la brouette,
le gros chat sur la caisse,
le miroir aux mouettes,
la casquette bleutée,
le caban décousu,
la bouffarde chargée
de tabac au merlu.
Là, tout sentait l’anchois
de la houle au soleil,
même Dieu et le Roi,
car tout sentait pareil…
et tous étaient égaux
devant l’immensité !
hommes, anchois et bateaux
côte à côte luttaient !
Là, tout sentait l’anchois ;
je m’y suis arrêté ;
ne croyez surtout pas
que l’odeur m’a gênée !
Là, tous étaient si bons,
là tout était si beau
que je bats pavillon
blanc en ces douces eaux.
Dites qu’en eaux profondes
un matin j’ai sombré ;
dites à tout le monde
que je suis mort noyé ;
oubliez que jadis
je buvais votre vin…
et dites à mon fils
que c’était le destin !