L’Alzou, c’est la rivière de ces jeunes années
où je craignais encore l’instit et le curé ;
où j’allais à vélo, à fond de pédalier,
le vent de Cers donnant des ailes à mes souliers.
Au pays du grenache, du thym, du gratte-cul,
du fenouil, du cyprès et des vieilles poilues,
l’Alzou coule toujours, détendue et limpide ;
en cinquante ans elle n’a pas pris une ride !
Je sais que l’anguille y chasse encore sous la berge,
que du cresson des bouquets de joncs bruns émergent,
et j’y vois appuyé, contre le tronc d’un saule,
mon petit vélo attelé à cent lucioles.
J’y vois des dragons dorés se prendre à mes pièges,
des bourres de peuplier se prendre pour de la neige,
et le soleil d’été chauffer la retenue
près du gué afin que l’on vint s’y baigner nu.
J’entends battre, sur des coquelicots bien mûrs,
le cœur d’une jeune brunette aux yeux d’azur
qui me couvrait alors de longs baisers fougueux
que les flots emmenaient insouciants et joyeux !
L’Alzou, c’est la rivière du fameux temps béni,
celui qui me forgea à l’enclume de la vie ;
l’Alzou, c’est un esprit ; celui de tous ces hommes
qui m’offrirent les reines d’une vie polychrome.
L’Alzou, c’est un trésor que je caresse quand
tout ce que je touche entre mes doigts fout le camp ;
comme en ces moments-ci, où tout va s’asphyxiant
par les gueules goulues de gras sables mouvants.
L’Alzou, c’est un fil de prénoms et de visages ;
à chacun son Alzou, chacun son paysage ;
à chacun son histoire, chacun son Paradis ;
à chacun son église… et chacun son parvis !