Promis, quand ma belle reviendra
alors j’ouvrirai les volets,
je ferai de mon trou à rat
la cassine la plus huppée
où je pourrai l’entendre rire,
où je pourrai la voir danser,
alors ça sentira la cire
et la fleur fraîchement coupée ;
ensuite elle y chantonnera
en écoutant de la musique
comme elle le faisait autrefois,
avant… avant qu’elle ne me quitte…
parce que je me suis mis à boire,
parce que je ne me suis plus lavé,
parce qu’en ma tête c’est la foire,
que mon corps a démissionné,
parce que mon esprit m’abandonne,
que flotte un brouillard permanent,
parce que le diable m’aiguillonne,
et que tout devient pestilent !
Promis, quand ma belle reviendra
je laverai à fond l’intérieur
de la maison… et puis de moi…
bien sûr j’y mettrai tout mon cœur,
je briquerai tout, jour et nuit,
je désempilerai les livres,
et nous lirons des poésies ;
alors je ne serai plus ivre
que d’elle, de ses fêtes charnelles,
et nous sortirons comme avant
écouter le chant des sittelles
le soir sur le cèdre du Liban ;
je remplacerai mes guenilles
par des vêtements à la mode,
je prendrai le fil et l’aiguille
pour coudre un nouvel épisode…
puis je me parfumerai même,
je redeviendrai le gars d’avant…
avant de lui poser problème…
avant qu’elle ne prenne le vent !
Promis, quand ma belle reviendra
nous retrouverons d’autres amis…
parce que je ne vois plus ceux-là…
et parce que j’ai perdu ceux-ci…
et le dimanche, comme elle aimait,
nous irons au bord de la mer
écrire près de l’eau, à grands traits,
nos initiales à cœur ouvert ;
puis à la place de la gnole
sur les étagères, le buffet,
je ferai une farandole
de desserts, de plats cuisinés…
ça embaumera le café,
l’air des garrigues, et le soleil
des quatre saisons viendra bercer
les draps blancs de notre sommeil !
Mais quand me raserais-je encore ?
Quand ouvrirais-je les volets ?
Comment croire à cette aurore
qui me ramènera l’être aimé ?
La bouteille verse sur le lit
le nectar de la déchéance…
dois-je donc éteindre ma vie
d’une dernière contredanse ?