Rss

« Ballade » au gré du vent de Cers (livre 3) 1998

aux miens,

au 8 rue du château,

aux soleils à venir.


Mise en bouche

 

                     Il est un proverbe romain qui dit : « Dans un voyage, le plus long est de franchir le seuil ! »

  Allez, sortez et voyez comme je vous attends avec impatience ! Mes nouveaux textes sont prêts ! Prenons le raidillon, la venelle, la sente ; prenons l’air ! Marchons, courons, volons… évadons-nous !

 Quelle félicité de vous retrouver pour la troisième fois ! Je souhaite ardemment, que l’étreinte des mots, les sujets choisis et le style que ma main gauche impose à la plume soient à la hauteur de vos désirs.

  Quoi qu’il en soit c’est avec un immense plaisir que je glisse une nouvelle fois la clé « des vignes » dans la serrure bien huilée de la porte de l’escapade. Le ciel est bleu, Apollon est à cheval sur la lune, Mnémosyne et ses filles tournoient autour du soleil, tout est fin prêt pour que cet instant « Poésie » se déroule sous les meilleurs auspices.

   Fièrement dressées le long de leur sarment les feuilles épaisses et verdoyantes retiennent auprès des ceps l’ombre bienfaitrice. Les raisins, charnus, « collent » entre les doigts ce qui indique que le degré d’alcool est excellent et que le vin sera une fois encore d’une qualité irréprochable !

  Adieu, ô vent de Cers ! Qui sait où il se cache à une heure pareille ! La sieste peut être ! En son absence, c’est certain, les ramures ne dansent plus, les rares nuages semblent suspendus à leurs projets et les grillons, malins, chantent leur moquerie ; ce n’est qu’un au revoir bien sûr ; ici le bougre n’est jamais loin !

  Si vous me le permettez, comme il fait encore chaud pour voyager je puis vous suggérer une idée : allongez-vous sous l’amandier… non… non… il est trop tôt pour déguster un merlot… et le vin de Serviès n’est pas de l’eau d’Alet ! Alet, par ailleurs, se situe juste de l’autre côté de la montagne, je vous y emmènerai plus tard, si vous êtes raisonnables !

   Pour l’instant allongez-vous sous l’amandier, lisez donc ce recueil de poésies contemporaines… et relisez les deux précédents en attendant que se lève le vent !

 J.G


Table des poèmes

 
  1.    Haïkus républicains.
  2.    Une image, un bruit.
  3.    Les deux vies.
  4.    Les fleurs rouges des Saintes-Maries.
  5.    Ma bonne étoile.
  6.    A l’espère, imbécile.
  7.    La vie passionnément.
  8.    C’est en écrivant que l’on…
  9.    L’éducation religieuse.
  10.    Panique au septième ciel.
  11.    Le serment d’Huppicrate.
  12.    Par la rase du temps.
  13.    Errata à Vouillé.
  14.    L’abbé Saunière, curé « dans l’Aude ».
  15.    Enfances d’autrefois.
  16.    La chansonnette des seize ans.
  17.    A chacun sa m…. !
  18.    Le danseur.
  19.    De mémoire de chaudron.
  20.    La marinade.
  21.    Tout feu, tout flamme.
  22.    Le sang d’or de Serviès.

1.  – Haïkus républicains

 

Nivôse est pâle

telle une âme de poète

sans inspiration.

 

Pluviôse s’endort ;

l’encrier se dessèche,

la plume se meurt !

 

Ventôse souffle ;

ô premiers balbutiements,

clarté divine !

 

Germinal éclos,

les rimes s’entremêlent,

l’image surgit.

 

Floréal, au mieux,

chasse le fond, la forme,

pêche l’adjectif ;

 

Prairial tricote,

une verve coureuse

sonne l’hallali !

 

Messidor nourrit

ses entrailles avides

de prose fleurie.

 

Thermidor, bien las,

revendique la pause…

mais il n’en est rien !

 

Fructidor, serein,

cueille au creux de la treille

la ponctuation…

 

quand Vendémiaire,

sur les fils, compte par deux

les hirondelles !

 

Brumaire enfante ;

des douleurs maternelles

naquit Poésie !

  

Frimaire, heureux,

peut fumer la première,

l’aube pointe enfin.

 

Nivôse est pâle ;

l’âme du vieux poète,

l’ami, s’affaiblit ;

 

Pleure Pluviôse,

l’encrier est en berne,

le poète n’est plus !


2.  – Une image, un bruit.

  

Les temps anciens seraient,

s’il fallait une image,

celle d’hommes affairés

au milieu des feuillages,

souriants, pourtant las,

l’horizon invisible !

 

Chante grive des sous-bois,

leur tâche est bien pénible !

 

Si vous vouliez un bruit

pour illustrer la scène,

la cognée, sans répit

serait lourde et obscène.

Ecoutez le silence

qui guide leurs rêveries,

il brille d’impertinence,

biche et nargue la nuit !

 

Suspendre à présent

le bonheur au balcon,

serait agir, vraiment,

par anticipation !

il n’est point de salut

et ne rend plus heureux

d’accrocher la charrue

toujours avant les bœufs !

 

Si l’on a peint l’image,

comment parler du bruit ?

 

Faut-il d’un double vitrage

isoler l’écurie,

donner aux nourrissons

la potion « d’habitude »

ou rappeler aux matons

les notions de quiétude ?

 

Alors, des temps futurs

je fais ma référence,

au pied du nouveau mur

je sens venir ma chance !

Le soleil est devant,

les jours heureux approchent,

vers l’image, maintenant

tous mes espoirs ricochent !

 

Difficile à traduire,

la vie fait tant de bruit !

Embrassades et rires

s’élèvent à l’infini ;

c’est la libération

de l’homme asservi !

enfin la soumission

des chaînes de l’ennui ;

le peuple a gagné,

l’union fut la plus forte !

 

Allez cancres, allez,

sortez donc vos comportes !

 

Courez à votre secours,

courez paniers au bras,

courez les alentours

et vendangez l’amour !


3.  – Les deux vies

 

 Comment aurais-je pu

choisir entre une ou l’autre

l’arme de mon salut,

quand cerclé de menottes

j’ai conduit ma roulotte

sur l’axe défendu ?

 

Quand une farandole

 emporta sciemment

mon étroite gondole

sur les plus forts courants,

j’ai passé en chantant

les portes de ma geôle !

 

J’ai trouvé le repos

sur les tapis du diable,

dormi dans les cachots

des voies impénétrables,

où, reconnu coupable,

on dressa pour moi l’échafaud !

 

Comment aurais-je pu

choisir entre une ou l’autre

l’arme de mon salut,

quand par l’une et par l’autre,

poignardée et déchue

mon âme pourtant ne sut

reconnaître ses fautes ?

 

Les deux j’aime à jamais,

et trotte par le monde

portant la mèche jais,

portant la mèche blonde,

 

l’empreinte féconde

 de la sagesse enfin trouvée.


4.   Les fleurs rouges des Saintes-Maries

  

Si l’amour tenait à quelques cordes,

qu’il veuille se mettre au diapason,

qu’il implore miséricorde

pour mon cœur tombé en pâmoison,

 

si l’amour ensoleillait encore

mes désirs, mes envies, mes folies,

juste pour moi, s’il faisait éclore

les fleurs rouges des Saintes-Maries,

 

si l’amour était son de guitare,

alors, pour lui je serai gitan,

plus beau que Manolo de Navarre,

le musicos le plus extravagant !

 

et les belles viendraient nuit et jour

vibrer au son de leur croque-notes,

danser sur les banquettes velours,

le flamenco au fond de ma roulotte…

 

si l’amour ensoleillait encore

mes désirs, mes envies, mes folies,

juste pour moi, s’il faisait éclore

les fleurs rouges des Saintes-Maries !

 

Trois boutons d’or à la chevelure,

le printemps ornant ses falbalas,

si une diseuse de bonne aventure

me lançait un pétillant holà,

 

un avenir où l’amour serait loi,

où le vent chaud de ma gitane

raviverait les braises d’autrefois

d’un souffle de tramontane,

 

si l’amour tenait à quelques cordes,

qu’il veuille se mettre au diapason,

qu’il implore miséricorde

pour mon corps tombé en pâmoison,

 

si l’amour ensoleillait encore

mes désirs, mes envies, mes folies,

juste pour moi, s’il faisait éclore

les fleurs rouges des Saintes-Maries,

 

si par quelque chemin de croix

bohémien je trouvais la foi,

alors

près des flammes d’un feu de choix

ma guitare ne vous laisserait de bois !


5.  – Ma bonne étoile

  

Depuis que nous trainons ensemble

la Corbière comme deux fous,

que nous faisons les quatre-cent coups

par le chemin des grandes landes,

 

depuis que nous suivons l’amour

toujours prêts à lever la jambe

au son de la viole de gambe,

le coude au fond des vieilles cours,

 

depuis qu’au cœur du grand théâtre

en un ballet de sauvageonnes

nos diableries d’autochtones

courent après l’ombre folâtre

 

et depuis qu’à la belle étoile

nous trouvons litières garnies

de mousse, de foin, de rêveries,

du doux orchestre des cigales,

 

depuis qu’églantiers, genévriers,

lièvres, perdrix cailles et lapins,

grives, miel, merles et raisins

prennent grand soin de nos gosiers,

 

depuis que tu me tiens la main

dans ce paysage rocailleux,

par les iris, ivres et heureux,

les yeux rivés sur le lointain,

 

jamais une seconde je

ne pris le temps et m’en excuse,

de te serrer plus fort ma muse,

de caresser tes fols cheveux !

 

Pour le peu qu’il nous reste à vivre

avant que l’homme n’impose sa loi,

qu’il ne vienne, affable et sournois,

emprisonner nos âmes vives,

 

pour toi, que je n’ai jamais vu,

mais qui sans cesse vers la lumière

la bonne humeur en bandoulière

guide mes pas de vieux barbu,

j’écris ces rimes singulières !

 

fussent-t-elles pour moi une prière,

pour toi

un quelconque « Je vous salue… ».


6.   A l’espère, imbécile.

 

Sous les branchages d’un vieux figuier,

blotti dans un cocon de fortune,

déposé là par le crépuscule

un ange tendrement sommeillait…

 

et partout la garrigue craquait

tel un plancher sur lequel on danse ;

pour seule musique, l’allégeance

du gel qui chaque nuit renaissait.

 

Tombé de quelque chemin de Rome,

essoufflé, égaré et transi

par le froid qui couvrait mon pays

ce soir-là de lueurs polychromes,

 

sous les branchages d’un vieux figuier,

au creux d’une couche d’herbes sèches,

au cœur de cette saison revêche,

ses ailes argentées repliées

 

un ange sommeillait vous dis-je,

un ange sommeillait !

 

A l’instar des maîtres d’autrefois

ce soir-là j’étais à l’espère,

à l’affût d’une harde de chimères

qui bientôt quitterait le sous-bois…

 

et mon âme de pisteur Huron

guettait du haut de la colline,

les poumons au vent des santolines,

le fusil pointant les sauvageons…

 

quand perçant le manteau de l’hiver,

un halo, une bruine d’étoiles

sous le figuier étendait sa voile

et montait entre les fruits amers !

 

Longtemps je veillais, immobile,

cet être spirituel flapi ;

par les songes de l’ange, ébloui,

quand l’aube apparut je m’endormis…

 

par les songes de l’ange vous dis-je,

par les songes de l’ange !

 

A mon réveil l’oiseau s’était enfui

loin du souffle barbare de l’homme,

à nouveau sur les chemins de Rome

ou la voie sacrée d’un paradis…

 

et longtemps je restais là, immobile,

malheureux, maladroit, malhabile,

 

imbécile, imbécile vous dis-je !

imbécile !


7.  – La vie passionnément

  

Au bord de la rivière,

l’ami, j’avais un champ

où nichaient mes prières,

où pondaient mes serments ;

sur les avoines folles,

chaque soir, en secret,

au grand bal des lucioles

mon âme virevoltait.

 

Au bord de la rivière,

l’ami, j’avais un champ,

un triangle en jachère

qui fleurait le printemps,

où j’humais, d’aventure,

mes tendres amours de gosse

sous la dent parfois dure

d’une fille précoce.

 

Au bord de la rivière,

l’ami, j’avais un champ,

une taxe foncière

dérisoire et pourtant

tombant de mon calcaire

je fus abasourdi

le soir où m’sieur le maire

vint s’asseoir et me dit :

 

«  Au bord de la rivière,

l’ami, tu as un champ

à l’herbe hospitalière,

la commune te le prend !

il est « d’intérêt public »

aussi l’on ne peut rien faire

pour tes pieds de basilic ;

allons chez le notaire ! »

 

Au bord de la rivière,

à la place de mon champ,

l’ami, un cimetière

on construit maintenant…

 

mais au fond, chuis content,

car à l’heure de la grand-messe,

en souvenir du temps

où je lui serrais les fesses,

je verrai la Mairesse

sur ma tombe, chantant,

déposer une tresse

faite des fleurs de son champ !

 

Au bord de la rivière

l’amour est bon enfant ;

le dernier de m’sieur le maire,

qui me ressemble tant,

au bord de la rivière

s’en ira comme les grands…

 

toujours en sifflotant…


8.  C’est en écrivant que l’on… –

 

 Vous avez donc songé

à écrire quelques vers,

à les faire rimer

sous la bruine d’hiver,

bravant la froidure,

avec soin et doigté

bien décrit l’échancrure

dentelée de l’été…

et voici qu’à présent

vient le merle siffleur

précurseur du printemps,

l’animal crève-cœur !

L’automne est infernal

quand vos feuilles volent au vent…

 

oui, votre texte est génial !

 

Vous voici proche parent

du poète d’antan,

le pince sans rire,

littéraire exaltant

aux accents en délire !

l’éternel bon enfant

qui le soir astiquait

bien consciencieusement

le bouchon, l’encrier,

la plume de canard,

caressait son lorgnon

et pompait du buvard

son humble inspiration !

 

Brûlez donc vos vinyles,

aujourd’hui le laser

modifie les profils

et les filles, plus fières,

dansent toutes du nombril

dans des caves profondes

avec de durs virils

à la houppette blonde !

de vrais mecs, s’il vous plaît,

à la boucle « Mireille »

qui transperce le nez

aussi bien que l’oreille !

des mâles à talons hauts,

la nouvelle esthétique !

plus de tapette rétro,

la nana veut de la brique,

du biceps, de la came,

du sexe et de l’alcool,

de la voix dans le brame

et des spots dans la piaule !

 

Remballez vos poèmes

ou retournez le papier ;

entrez dans le système

et faites-vous péter

la bille en lettre ouverte !

aux maux de notre temps

faites une disserte

qui crève les tympans,

et qu’aux baffles de la vie

sorte un accord nouveau !

que d’orgasme et d’envie

naisse un autre fabliau !

à la mode qui trépasse

faites un pied de nez !

 

Il est bien plus cocasse

d’en rire que d’en pleurer ;

s’il est quelque regret,

quelque holà d’infortune

qui…

oh, reprenez donc la plume… et persévérez !


9.   – L’éducation religieuse

 

 Depuis qu’un soir la catéchèse

me fit connaître le Saint Lieu,

épinglé mon nom sur une chaise

au pied de la croix du Bon Dieu,

 

depuis ce dimanche fatidique

où ma catéchiste, endiablée,

parée d’attributs symboliques

d’une fin de siècle tourmentée

me fit l’honneur, vieille brebis,

après le rituel de l’office,

dans le fin fond d’une sacristie

d’être l’objet du sacrifice,

 

depuis,

 

entre chapelle et cathédrale

je cours l’œuvre dominicale,

j’offre mon âme, livre mon corps

aux crédos, aux confiteor !

 

Du sacrifice j’étais l’objet,

de ma catéchiste la victime ;

victime des cuirs qui la paraient,

de ses désirs les plus intimes…

 

je goûtais à la guêpière,

me délectais d’une fétichiste,

d’une mi louve mi bergère

sous l’œil inquiet de saint Baptiste…

 

sapristi, je pris le pied !

et par ces divines pratiques

fais aujourd’hui mes dévotions

en quelques salles évangéliques

où trois ouailles sur les genoux,

sur les lèvres un nouveau cantique,

je prie, je confesse et j’absous

les rosières les plus angéliques !

 

Hélas… hélas… et c’est atroce…

pour le séminaire je suis trop vieux !

au grand jamais mon sacerdoce

ne recevra l’appui de Dieu !

                                                           

Heureux soit celui qui prêche l’amour,

les ébats jamais n’ont rendu sourd !


10.  – Panique au septième ciel

  

Prosper s’éleva vers les cieux,

par « vice » ! Voilà qui est fort

lorsque l’on  pense que seuls les morts

à l’âme pure vont à Dieu !

 

(tant est, ma foi, que l’on caresse

ces dires qui enthousiasment l’abbé,

sachant cet homme endoctriné

aux vérités du vin de messe !)

 

Mon Albert, toi qui a le respect

et la notion des convenances,

après toutes condoléances

à la famille endeuillée,

après les mots de réconfort,

après avoir bien humecté

quelques voilettes éplorées,

glissé la pièce aux croque-morts…

 

sache

que sous l’infarctus du myocarde

Prosper cache une histoire paillarde !

 

Prosper rejoignit bien les cieux,

le septième ciel devrais-je dire,

au rythme du corps en délire

d’une diablesse de banlieue !

 

Adieu la musique classique,

le sucre sous la goutte de rhum,

Prosper atteignait le summum

des jouissances liturgiques !

 

Prosper, en pleine fantasia,

festoyait au-delà des brumes

par tant de feu et tant d’écume

qu’à minuit l’auroch trépassa !

 

Alors,

 en suée l’homme monta aux cieux,

par « vice » ! Voilà qui est fort

lorsque l’on pense que seuls les morts

à l’âme pure vont à Dieu !

 

(tant est, ma foi, que l’on caresse

ces dires qui enthousiasment l’abbé,

sachant cet homme endoctriné

aux vérités du vin de messe !)

 

Tu peux grommeler, te marrer

ou dire tes dernières volontés,

c’est lorsque tu t’y attends le moins

que la faux ravage ton champ de foin !


 11.  Le serment d’Huppicrate

 

 La timidité excessive

qui bridait mon extraversion

fut à la fois cause et raison

de bien étranges dévotions

pour lesquelles encore je salive !

 

Un rouge du cru se trouvant là

je lui offris mon innocence,

léguai mon lot de confidences

lorsqu’après maintes réminiscences,

c’est incroyable, la Syrah

prit en pitié, ce fut justice,

mes ratés et mes rancunes,

mes longues nuits d’infortune…

pour peu que je me résume,

lima les griffes à l’appendice !

 

Au bec du robinet de buis

s’égrainaient de longues caramboles

autour desquelles une fumerolle

bardée de notes « musicolor »

incitait mon esprit frivole

à prendre en cette farandole

le train de la nouvelle vie ;

 

il fut en gare vers minuit.

 

Cher Hippocrate, mille pardons ;

« picrate » aidant la locution,

par quelque folle démangeaison

j’ai joué des lettres de ton nom

poussant un peu loin le bouchon,

 

mais

que cette expérience me permette

de vous livrer une chute honnête :

 

lorsque le mal vous harcèle,

(apothicaire de contre loi,

fervent des potions parallèles)

je puis vous dire « qu’un coup dans l’aile »

est le seul remède qui soit !

 

le vin, braves gens, croyez-moi,

la seule potion qui par ivresse,

hormis la messe, donne la foi !

 

« Bonum vinum laetificat cor hominis »  1

 
 1 « Bonum vinum laetificat cor hominis » : « le bon vin réjouit le cœur de l’homme ».
Le véritable texte est: « Vinum et musica laetificant cor » : « le vin et la musique réjouissent le cœur » et le texte ajoute: « et plus que tous les deux, l’amour et la sagesse ».
(proverbe tiré de la Bible (Ecclésiastique, XL, 20).

12.  – Par la « rase 1 » du temps

  

Le Cers était léger,

le souvenir tenace,

le lièvre était passé

et je cherchais sa trace.

 

Au milieu de la vigne

je courais l’ancien temps,

jouais de l’interligne

et traquais l’inconscient

 

sans fusil ni cartouche,

ni chien, ni cri, ni vie ;

une feuille à la bouche

j’allais en rêveries.

 

De fous rires en pleurs,

de hoquets en grimaces,

les rouquettes en fleurs

parfumaient mes audaces,

 

le Cers était léger

et ma quête tenace ;

le lièvre était passé,

je trouverai sa trace !

 

Et partout sur la vigne

flottait ce fameux chant ;

en ses rimes malignes,

sautillaient tant d’accents !

 

Au feu les vieilles souches,

le grenache fini,

la Cartagène en bouche

n’est plus que gazouillis,

 

gazouillis ou rumeur…

l’histoire, hélas s’efface !

peut-être un rimailleur

forcera sa préface

 

et saura débusquer

le lièvre de son gîte !

le vin a bien coulé,

les jeunes ont pris la suite.

 

Sous les détonations,

ami du genre humain,

ce soir, à Montredon 2,

qui va main dans la main ?

 

Le Cers est bien léger,

je pétris ma colère ;

la terre abandonnée

engendre la misère !

 

Le lièvre capturé,

sa mort inévitable !

mon pauvre Beaumarchais,

sa mère n’est point coupable ! 3

 

A la source mon fils,

ôte la lourde pierre,

irrigue tes iris

de vérités premières,

 

au pied de la fontaine

sème quelques pensées,

ainsi, mon âme en peine

boira sa liberté.

 
 1 rase : bande de terre non cultivée qui entoure une vigne et permet la circulation des engins agricoles.
 2 Montredon-Corbières : « les évènements de » : manifestation viticole du 4 mars 1976 qui se solda par la mort d’un viticulteur et d’un CRS.
 3 « La Mère coupable » Beaumarchais 1792.

13.  – Errata à Vouillé

 

L’histoire parfois se trompe.

 

Disons, que de fil en aiguille,

de broutilles en peccadilles

elle insiste, elle estompe,

selon l’humeur, le temps,

s’il plaît ou s’il démange,

elle classe, elle arrange

et fixe finalement

le « fait » historique

(si le terme convient),

sur un beau parchemin

via l’étagère publique,

où fidèles enseignants,

curieux et passionnés,

pourront se délecter

du récit croustillant.

 

Je pense, évidemment,

en accusant la chose,

à l’errata grandiose

qui fausse l’évènement.

 

Non, Alaric, jamais

comme l’historien le prétend

ne fut en l’an cinq cent

sept, notez, s’il vous plaît,

par Clovis, à Vouillé,

(respect ai-je pour la Vienne,

ses dévotions anciennes,

sa soif de nouveautés),

 par Clovis, à Vouillé,

battu, tué, disais-je !

 

Clovis tendit un piège,

c’est bien la vérité,

mais sur les rives d’Aude !

« Aude », « Atax » en Wisigoth !

 

Héro ou pas héro,

que chacun échafaude !

 

Au pays du grenache

la nuit vient raviver

la forme des boucliers

et le bruit sourd des haches !

 

Sur une terre irascible

aux maux de la société,

vouloir rester en paix

est-ce chose miscible ?

 

Comigne1 est si paisible…

pourra-t-elle le rester ?

 
1 Comigne : Village de l’Aude, au pied de la montagne d’Alaric, où la bataille décisive entre Alaric et Clovis pourrait avoir eu lieu aux alentours de 507, en raison de squelettes, d’armes franques et wisigothes retrouvés  lors de la construction de l’autoroute A61 en 1976.

14.  – L’Abbé Saunière, curé dans l’Aude

  

Qu’ils vont fort en besogne,

cher abbé Bérenger,

ceux qui rognent sans vergogne

le pays enchanté !

Et que croient-ils trouver ?

 

Dans le pied de l’autel

dormaient trois parchemins ;

peut-être un don du ciel !

Satan, dans un écrin ?

A chacun son chemin !

 

Le tien semblait tracé

de voies impénétrables.

Rennes1 était délabrée,

ta foi inébranlable…

le reste, inexplicable.

 

Ils disent que ton corps

était fait de « chair d’homme »,

qu’il collait au trésor…

à la femme, c’est tout comme !

Mais on t’aimait à Rome !

 

Billard 2 à Carcassonne,

Boudet 3 à Rennes-Les-Bains ;

pour Marie 4, si mignonne,

tu cueillais le matin

des perles de romarin !

 

Alfred 5 était si proche ;

ton frère « fantaisie » !

Emma Calvé 6 accroche

à ton col tout Paris ;

Saunière, je t’envie !

 

Jean Orth 7, c’est l’étranger,

« le bon Monsieur Guillaume »,

un Habsbourg, s’il vous plaît !

Court-il hors du royaume

après quelques fantômes ?

 

Qu’ils vont loin en besogne

ces oiseaux, Bérenger !

Au dire de ces charognes

tu fus manipulé !

Tu dois bien rire l’abbé !

 

Qu’il doit être comique

de les regarder faire

leurs recettes magiques,

de deux pas sous la terre,

au pays des sorcières !

 

Ah, si Marie-Madeleine,

que tu vénérais tant,

veillait sur ton domaine,

tes chimères, tes serments,

éternellement…

 

Pardonne à ces vauriens

qui croient au coup d’éclat,

à tes contemporains,

à tous ces renégats

qui n’ont ni foi, ni loi…

 

le trésor est bien loin !

Rions tous deux, l’ami,

laissons à leur chagrin

ces marchands de tapis ;

ceux-là n’ont rien compris !

 

Oui, sur la terre d’Aude

il est bien un trésor,

mais vous auriez bien tort

d’en faire gorge chaude !

  
1 Rennes-le-Château : village de l’Aude où l’Abbé  Bérenger Saunière officiait en 1891, et aurait fait une mystérieuse découverte en rénovant l’église paroissiale.
 2 Billard : Monseigneur Billard alors évêque de Carcassonne.
3 Boudet : Abbé Boudet, alors curé de Rennes-les-bains, village non loin de Rennes-le-Château.
 4 Marie : Marie Dénarnaud, alors servante de l’Abbé Saunière.
5 Alfred : Alfred Saunière, frère de l’Abbé Bérenger Saunière, alors prêtre chez les Jésuites.
 6 Emma Calvé : Cantatrice, amie de l’Abbé Bérenger Saunière.
 7 Jean Orth : Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane, prince de Toscane et archiduc d’Autriche également connu sous le nom de Jean Orth.
     

         Voici, au travers de ces quelques vers, ce qu’il me vient « poétiquement » à l’esprit du « mystère Saunière », si je me réfère aux multiples ouvrages, qui, depuis 1956, l’année du grand froid, ont pris naissance à la suite de trois articles parus dans la Dépêche du Midi, dont l’un titrait : « D’un seul coup de pioche dans le pilier du maître-autel, l’abbé Saunière met à jour le trésor de Blanche de Castille ! »

    Il va de soi que si nous connaissons le sérieux qui caractérise ce quotidien, nous savons aussi  que « le journaliste », en général, n’hésite pas habituellement à inclure dans ses articles quelques « mensonges de circonstance » ; il faut vendre, c’est évident !

    Dans ces conditions la porte est ouverte à toutes suppositions. Plus encore que la recherche de la vérité, somme toute indispensable, mais inconcevable aujourd’hui, l’honnêteté dans le propos et le respect que l’on voue aux protagonistes me semble nécessaire et bien souvent absents dans cette affaire.

   Soucieux en tout cas d’éliminer certaines anecdotes qui me paraissent farfelues, les faits que je vais vous rappeler maintenant n’ont que le désir de vous remémorer les temps forts de ce que l’on a communément appelé « l’Affaire Saunière ». Ces faits sont tirés de l’œuvre de Jean Markale : « Rennes-le-Château et l’énigme de l’or maudit », ouvrage me paraissant le plus objectif des quatre que j’ai pu lire sur le sujet.

Les trois mystères… de « l’Affaire »

   C’est en juin 1885 que l’abbé Saunière est nommé curé de Rennes-le-Château. Il est alors âgé de trente-trois ans. Lorsqu’il arrive au village, l’état de délabrement de l’église et du presbytère est un spectacle de désolation.

   En cette fin du XIXème siècle l’Aude est un département de gauche sur lequel flotte plutôt un étendard de couleur rouge. Celui de Saunière flotte aux vents de ses pulsions monarchistes, aussi, l’accueil réservé à ce représentant de l’église, n’est point des plus cordiaux.

    « L’abbé loge chez une paroissienne charitable, jusqu’au jour où arrivent ces élections (à deux tours),  du 4 et du 18 octobre 1885.

    Le 18 au matin, il invite, au travers de son sermon, les quelques paroissiennes assistant à l’office à agir de toutes leurs forces sur leurs hommes pour qu’ils fassent le bon choix; c’est à dire, les convaincre de nommer les défenseurs de la religion. Il prône pour la droite conservatrice, et dit: « les républicains, voilà le diable à vaincre et qui doit plier le genou sous le poids de la religion des baptisés! ». Il est dénoncé au préfet de l’Aude pour incitation au désordre et pressions électorales. Une suspension de traitement est décidée à son encontre. Alors, Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne, le nomme professeur au petit séminaire de Narbonne. »

   Quelle fut la raison de cette  protection inattendue ? Il est dit aussi que Monseigneur Billard et l’abbé Boudet étaient au courant qu’un trésor se trouvait à Rennes-le-Château et qu’ils avaient informellement investi Saunière de la mission de le retrouver; qu’ils faisaient également partie d’une société secrète ésotérique ; nous n’avons aucune preuve de ces affirmations.

    « Sa « punition » levée, Bérenger Saunière réintègre sa paroisse le 1 juillet 1886, avec, en poche, un don de trois mille francs or provenant de la Comtesse de Chambord, attribué pour la réfection de l’église. »

Premier mystère 

Comment expliquer le don de la Comtesse et comment l’a-t-il rencontré ?

    « Parallèlement, son frère, Alfred Saunière, devenu brillamment prêtre chez les Jésuites et noble Monsieur fréquente les milieux de la « bonne société ». Il plaît beaucoup aux femmes ; aux femmes qui n’avaient pas alors le droit de vote mais qui assuraient une pression politique constante sur leurs époux ! Il introduit Bérenger, entre 1885 et 1905, dans le cercle restreint de ces charmantes dames. Bérenger, aussitôt, les incite à faire quelques dons en faveur de son église; il était, en ce temps-là, de bon ton de participer à une œuvre de bienfaisance. »

    « En 1886, donc, avec les trois mille francs de la Comtesse, notre abbé entame la réfection de l’église pour un montant de deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept francs. Le samedi après-midi et le dimanche il est aidé par deux amis: Pibouleau, âgé de quatorze ans, originaire du Bézu, et Elie Bot, limonadier à Luc-sur-Aude. »

    « En soulevant la pierre de l’autel, Bérenger remarque que le pilier pseudo-wisigothique est creux et bourré de fougères ; il ôte les fougères et trouve trois rouleaux de bois autour desquels sont enroulés trois parchemins qu’il n’arrive pas à lire puisque écrits en graphie que seul un archiviste-paléographe pourrait décoder. »

Second mystère

    Que contiennent-ils ? Seront-ils décodés ? Et par qui ?

    « Sous la dalle de l’allée centrale il découvre maintenant une « oule » remplie des pièces en or, puis une seconde en déplaçant le maître-autel (qui devait être remplacé). Le nouveau maître-autel est mis en place, en 1887. »

   « Deux mois plus tard les vitraux manquants seront remplacés aux fenêtres du cœur et de la nef. Ensuite, Saunière fait consolider le toit et les murs, il fait installer une statue de Marie-Madeleine, patronne de l’église, fait clôturer la place publique jouxtant l’église et fait édifier une statue de Notre-Dame de Lourdes ayant pour support la pierre wisigothique. Le 21 juin 1891 il inaugure et bénit les nouveaux emménagements en présence de nombreux ecclésiastiques et paroissiens des environs. »

   « En 1892 le presbytère est maintenant en état et peut recevoir des « locataires », alors, Bérenger fait venir d’Espéraza la famille Dénarnaud qu’il connait bien. Le père et le fils sont d’excellents artisans et s’emploient à la restauration  de l’église, la mère entretient la bâtisse et la fille aide la mère dans sa tâche. Quelques temps après, leurs travaux accomplis, le père, la mère et le fils rejoignent l’usine d’Espéraza qui les embauche désormais. La fille, Marie Dénarnaud, reste avec l’abbé Saunière, elle demeurera avec lui jusqu’à sa mort et deviendra sa confidente. Son dévouement sera sans borne et jamais elle ne trahira les secrets que Bérenger aura pu lui confier. »

    « Il restaure donc l’église, ce qui nous amène en 1897.

   Bérenger s’occupe alors de ses finances et ouvre un compte en banque à Perpignan (dans d’autres villes aussi semble-t-il). A partir de ce moment-là il part souvent en voyage. »

    « A Rennes, il achète les terrains qui se trouvent à l’ouest de l’église où il fait bâtir une villa en style néo-gothique, la villa Béthania, en l’honneur de Marie-Madeleine. Il fait prolonger les murs du presbytère jusqu’au bout du promontoire où il fait construire la tour Magdala qui sera destinée à être sa bibliothèque et son bureau. Ensuite il fait emménager des espaces verts avec un bassin et plante des fleurs rares sous nos horizons pour la fameuse somme de trois millions de francs or.

   Tout est au nom de Marie Dénarnaud  mais c’est lui qui paie, bien entendu.

   Dans la villa Béthania il reçoit énormément et mène grand train. »

Troisième mystère

   A-t’ il trouvé plus de richesse que cité ? Les dons, certes nombreux, suffisent-t’ ils à pourvoir à un tel train de vie ? Les parchemins ont’ils été décodés et servent-t’ils de monnaie d’échange ? Pourquoi fouille-t-il le cimetière ?

    « Et puis, en 1905, Mgr de Beauséjour remplace Mgr Billard ; la hiérarchie va causer quelques problèmes à Bérenger. Mgr de Beauséjour lui propose une nouvelle paroisse, plus grande, promotion ? Et Bérenger refuse, bien entendu. Alors, en 1909, l’évêque le nomme curé de Coustouge et nomme l’abbé Marty à Rennes-le-Château.

   En refusant de partir Saunière se met hors la loi, mais l’évêque ne l’attaquera pas de face. Il l’accuse « de trafics de messes » et lui demande, si tel n’est pas le cas, d’où proviennent les sommes importantes qui lui ont servies à payer les travaux effectués. Saunière ne peut se justifier, il sera donc suspendu temporairement. Il fait appel et obtient gain de cause en cour de Rome en 1913 Ensuite la guerre éclate. »

    « Le 30 mars 1915, l’abbé Boudet, curé de Rennes-les-Bains, quitte cette terre. Saunière pourvu, semble-t-il, de nouvelles finances se lance dans d’autres projets. »

    « Le 17 janvier, l’abbé Saunière, pris d’un malaise doit s’aliter et quitte notre terre la nuit du 22 janvier 1917. A l’ouverture de son testament on s’apercevra qu’il ne possédait rien et que tout ce qu’il avait bâti était au nom de Marie Dénarnaud. Ses comptes en banque ne furent jamais retrouvés.

   Marie devait nous quitter en 1953 emportant avec elle les derniers secrets de Bérenger. »


15.  – Enfance d’autrefois

 

 Toujours la belle insigne

« une étoile d’airain »

au pays de la vigne

éclairait ses chemins.

 

Haut comme trois pommes,

son beau fusil de bois,

ses suppléants fantômes,

au train des hors la loi

 

à travers les collines,

les bosquets d’amandiers,

prenant la douce caprine

pour un gros bœuf musqué

 

il traquait, vaille que vaille,

sans cesse le renégat ;

jusqu’au cœur des broussailles

il menait la razzia !

 

Dans la Corbière, encore,

au-dessus de Fontiès

nul bandito n’ignore

son nom, son palmarès !

 

L’image virtuelle

n’ayant encore trouvé

la trace des rebelles

sur disquette 3D,

 

le gamin de « l’époque »,

arqué sur son cheval,

allait sans équivoque

fier, heureux et loyal,

 

criant à hue, à dia,

harnaché de breloques,

jouant de l’harmonica

autant que du demi-choque…

 

sans le fusil laser

qu’il ne connaissait pas.

Autrefois, Lucifer

n’étais pas un goujat !

 

16.  – La chansonnette des seize ans

 

 De son étui à lunettes

elle déplie soigneusement

la chansonnette de ses seize ans ;

 

où voudriez-vous qu’elle mette

ses émotions, ses sentiments,

ses coups de gueule, ses bégaiements,

 

et puis cette vieille étiquette

sur laquelle: dix-neuf-cent

et des poussières, probablement,

 

rappelle les années de disette,

les soirs de veille incandescents,

les appelés du contingent,

 

les autres enfants, la canette

qui s’excitait, acoquinant

les fils noirs aux vieux vêtements ?

 

Parfois elle râle, elle rouspète

après le vacarme incessant,

le nouveau monde, désespérant !

 

Alors, elle tire la chevillette,

entrouvre le portail crissant,

et de son étui, maintenant

 

montent des notes de bals musette,

des nuits de fête, des vers luisants,

des courses folles à travers champs,

 

puis la figure guillerette

de quelque éclaireur, bon vivant,

qui préféra partir devant

 

reconnaître la maisonnette,

où sur le balcon, prochainement,

ils pourront danser comme avant !

 

En attendant

c’est dans son étui à lunettes

qu’elle replie soigneusement

cette chansonnette qu’elle aime tant ;

 

la chansonnette de ses seize ans !


17.   – A chacun sa m…. ! –

 

La petite est menteuse,

son père dit des gros mots,

le frère est bonne danseuse

et pique les talons hauts

 

de la mère qui bosse,

le soir, au coin de la rue ;

moi qui n’ai pas de gosse,

comme de bien entendu,

 

et n’ai plus de famille,

moi qu’on a répudié

depuis que je m’égosille,

que je clame les dix vérités,

 

je voudrais bien vous dire,

en vertu des pouvoirs

que l’on confère au scribe,

que chacun doit pouvoir

 

choisir à sa guise

dans quel art exercer,

prendre ce qui le grise

sans qu’on y fourre son nez !

 

anti ou conformistes,

joyeux drilles, châtelains,

soyez de vrais artistes

et honorez demain !

 

A l’œuvre, pèlerins !


18.   – Le danseur

  

Tarissant la fontaine

des sueurs inhumaines

en ce monde enfiévré,

bardé de mille chaînes,

vers l’étoile lointaine

le temps nous a quitté.

 

Signant la préface

 de ce nouvel espace

aux couleurs du plaisir,

il légua à la grâce

le pouvoir et l’audace

de peindre l’avenir.

 

Sous la bruine magique

des perles de musique

cliquetant sur son corps,

buvant l’accent mystique

de l’art chorégraphique

par de courts halos d’or,

 

du bout de ses doigts

le danseur caressa

ses anciennes prières,

par l’ardeur de sa foi,

en habits de gala

 

il reçut la lumière !


19.  – De mémoire de chaudron

  

Soudain elle avoua ;

je fus surpris qu’elle ose !

c’était la première fois

qu’elle faisait la chose !

 

La fenêtre espérait

impatiemment les larmes

de buée qui tardaient

à faire valoir leurs charmes…

 

le buffet, attentif

à chacun de ses gestes,

sous son tablier massif

clignait d’un œil agreste…

 

la pendule sonnait

aussi fort que possible,

tournait, virait, pestait ;

l’attente fut pénible !

 

A quatre pattes devant

les briques réfractaires,

à chercher vainement

comment il fallait faire,

 

c’est là qu’elle avoua !

je fus surpris qu’elle ose !

c’était la première foi

qu’elle faisait la chose !

 

Ah, les filles de la ville

jamais ne vont au feu !

Autrement plus habiles

à la campagne, mon vieux,

 

à quatre pattes devant

la cheminée, punaise,

les filles ne mettent cent ans

pour raviver les braises !

 

Petit frère, non de non,

un être délicieux !

Jamais,

de mémoire de chaudron

je ne vis pareils yeux !


20.  – La marinade

 

 Je ne dors plus aujourd’hui

sur le gravier des criques

ni ne connais la vie

 rose des angéliques.

 

Je me sens fatigué

et j’ai quitté mes rêves ;

pourtant une pensée

nourrit encore mes glaives !

 

Mes élans se craquèlent ;

trop de froid, trop d’années

à tirer les ficelles

m’ont désarticulé.

 

Barque à quille d’échalas…

arbre de fausse-coupe…

oui je fus un trois- mâts

filant le vent en poupe !

 

Je t’aimais, belle sirène,

comme personne n’aurait pu !

Nageant à perdre haleine

les promesses se sont tues !

 

Dans le creux de la vague

seule l’écume se souvient

et dira qu’une blague

Dieu fit au jeune marin !

 

La jeunesse deux fois,

paraît-il, se présente ;

si la tienne, en mal de moi,

faisait une descente,

 

par quelque métaphore,

je t’en prie, rejoins-moi !

 de cendres à accore

je franchirai le pas !


21.  – Tout feu tout flamme

 

 Au village on s’est aperçu

que la Josy avait des vertus ;

qu’il lui était donné le pouvoir

de guérir l’homme du désespoir !

 

de rendre ainsi force et gaieté

aux Don Juan des cœurs blessés,

de redonner le goût de vivre

à tous ceux dont l’âme se givre,

 

d’assouvir les désirs secrets

du brave Monsieur le Curé,

et si l’on en croit la rumeur

ceux des douze enfants de chœur !

 

super Josy, au nom de l’amour,

à mis le feu dans le faubourg !

 

Talents ô combien salutaires

ils prirent au corps Monsieur le Maire,

qui, devant ses sens en éveil

réunit un soir le conseil ;

 

l’opposition fut royale,

chacun, aux affaires sociales,

nomma la digne représentante

des forces vives montantes !

 

Depuis, à son ministère,

boule de gomme sans mystère,

par quelques fortes dévotions

on relève enfin la nation !

 

Super Josy, au nom de l’amour,

a mis le feu aux alentours !

 

Puis elle partit en campagne

jusqu’au fin fond de la Cerdagne,

de la Bretagne, de la Savoie ;

lorsqu’elle eut le nombre de voix

 

elle visa la présidence

du pays des magnificences

où elle remporta, haut la main,

en jupe courte le scrutin.

 

Elle entreprit le tour du monde,

se fit même teindre en blonde,

mais hélas, au nom de l’amour,

ma féline à pattes de velours

 

usa les marins de Cherbourg,

planta le souk au Luxembourg,

incendia l’Est et Singapour,

puis s’offrit à Saint-Pétersbourg

où sur la grande passerelle

il fallut que le diable s’en mêle !

 

Au pays des braises éternelles

on ne cause plus que de dentelle

de porte-jarretelles et d’amour ;

l’enfer, dit-on, vaut le détour !

 

Les farfadets et toute la bande

par les cieux font de la propagande

apportant les nouvelles valeurs

du chaud pays qui est le leur.

 

Quant à Satan, dans le satin

il se vautre soir et matin,

et Dieu, paraît-il, a les glandes

depuis que Josy est aux commandes !

 

Oui, Dieu, paraît-il, a les glandes

depuis que c’est Josy qui commande !


22.  – Le sang d’or de Serviès

 

 Quand le soleil, fatigué,

cessera sa course folle,

de girandole en girandole

la farandole étoilée

aux lucarnes de nos geôles

perdra de son intensité,

 

tandis que d’autres acquiesceront

que sur terre tout est fini…

 

quand les couleurs auront terni,

quand sous la tuile d’arrière-saison

l’hirondelle aura fui le nid,

quand dans l’abîme nous plongerons,

alors, au cœur du Val-De-Dagne,

blotti au creux d’un fier cocon,

sous la plume d’un gros édredon,

abrités par notre montagne,

frères, nous nous retrouverons

et mènerons la vie de cocagne !

 

Sous un ciel de chênes Kermès,

de cades, de vignes et de pins

nous festoierons jusqu’à la fin,

noierons nos âmes moribondes

dans le meilleur vin qui soit au monde…

noierons nos vies aux tables rondes

du meilleur cru qui soit au monde !

 

Sous un ciel de chênes Kermès

nous lutterons encore à Serviès !

 
 

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