aux miens,
au 8 rue du château,
aux soleils à venir.
Mise en bouche
Il est un proverbe romain qui dit : « Dans un voyage, le plus long est de franchir le seuil ! »
Allez, sortez et voyez comme je vous attends avec impatience ! Mes nouveaux textes sont prêts ! Prenons le raidillon, la venelle, la sente ; prenons l’air ! Marchons, courons, volons… évadons-nous !
Quelle félicité de vous retrouver pour la troisième fois ! Je souhaite ardemment, que l’étreinte des mots, les sujets choisis et le style que ma main gauche impose à la plume soient à la hauteur de vos désirs.
Quoi qu’il en soit c’est avec un immense plaisir que je glisse une nouvelle fois la clé « des vignes » dans la serrure bien huilée de la porte de l’escapade. Le ciel est bleu, Apollon est à cheval sur la lune, Mnémosyne et ses filles tournoient autour du soleil, tout est fin prêt pour que cet instant « Poésie » se déroule sous les meilleurs auspices.
Fièrement dressées le long de leur sarment les feuilles épaisses et verdoyantes retiennent auprès des ceps l’ombre bienfaitrice. Les raisins, charnus, « collent » entre les doigts ce qui indique que le degré d’alcool est excellent et que le vin sera une fois encore d’une qualité irréprochable !
Adieu, ô vent de Cers ! Qui sait où il se cache à une heure pareille ! La sieste peut être ! En son absence, c’est certain, les ramures ne dansent plus, les rares nuages semblent suspendus à leurs projets et les grillons, malins, chantent leur moquerie ; ce n’est qu’un au revoir bien sûr ; ici le bougre n’est jamais loin !
Si vous me le permettez, comme il fait encore chaud pour voyager je puis vous suggérer une idée : allongez-vous sous l’amandier… non… non… il est trop tôt pour déguster un merlot… et le vin de Serviès n’est pas de l’eau d’Alet ! Alet, par ailleurs, se situe juste de l’autre côté de la montagne, je vous y emmènerai plus tard, si vous êtes raisonnables !
Pour l’instant allongez-vous sous l’amandier, lisez donc ce recueil de poésies contemporaines… et relisez les deux précédents en attendant que se lève le vent !
J.G
– Table des poèmes –
- Haïkus républicains.
- Une image, un bruit.
- Les deux vies.
- Les fleurs rouges des Saintes-Maries.
- Ma bonne étoile.
- A l’espère, imbécile.
- La vie passionnément.
- C’est en écrivant que l’on…
- L’éducation religieuse.
- Panique au septième ciel.
- Le serment d’Huppicrate.
- Par la rase du temps.
- Errata à Vouillé.
- L’abbé Saunière, curé « dans l’Aude ».
- Enfances d’autrefois.
- La chansonnette des seize ans.
- A chacun sa m…. !
- Le danseur.
- De mémoire de chaudron.
- La marinade.
- Tout feu, tout flamme.
- Le sang d’or de Serviès.
1. – Haïkus républicains –
Nivôse est pâle
telle une âme de poète
sans inspiration.
Pluviôse s’endort ;
l’encrier se dessèche,
la plume se meurt !
Ventôse souffle ;
ô premiers balbutiements,
clarté divine !
Germinal éclos,
les rimes s’entremêlent,
l’image surgit.
Floréal, au mieux,
chasse le fond, la forme,
pêche l’adjectif ;
Prairial tricote,
une verve coureuse
sonne l’hallali !
Messidor nourrit
ses entrailles avides
de prose fleurie.
Thermidor, bien las,
revendique la pause…
mais il n’en est rien !
Fructidor, serein,
cueille au creux de la treille
la ponctuation…
quand Vendémiaire,
sur les fils, compte par deux
les hirondelles !
Brumaire enfante ;
des douleurs maternelles
naquit Poésie !
Frimaire, heureux,
peut fumer la première,
l’aube pointe enfin.
Nivôse est pâle ;
l’âme du vieux poète,
l’ami, s’affaiblit ;
Pleure Pluviôse,
l’encrier est en berne,
le poète n’est plus !
2. – Une image, un bruit. –
Les temps anciens seraient,
s’il fallait une image,
celle d’hommes affairés
au milieu des feuillages,
souriants, pourtant las,
l’horizon invisible !
Chante grive des sous-bois,
leur tâche est bien pénible !
Si vous vouliez un bruit
pour illustrer la scène,
la cognée, sans répit
serait lourde et obscène.
Ecoutez le silence
qui guide leurs rêveries,
il brille d’impertinence,
biche et nargue la nuit !
Suspendre à présent
le bonheur au balcon,
serait agir, vraiment,
par anticipation !
il n’est point de salut
et ne rend plus heureux
d’accrocher la charrue
toujours avant les bœufs !
Si l’on a peint l’image,
comment parler du bruit ?
Faut-il d’un double vitrage
isoler l’écurie,
donner aux nourrissons
la potion « d’habitude »
ou rappeler aux matons
les notions de quiétude ?
Alors, des temps futurs
je fais ma référence,
au pied du nouveau mur
je sens venir ma chance !
Le soleil est devant,
les jours heureux approchent,
vers l’image, maintenant
tous mes espoirs ricochent !
Difficile à traduire,
la vie fait tant de bruit !
Embrassades et rires
s’élèvent à l’infini ;
c’est la libération
de l’homme asservi !
enfin la soumission
des chaînes de l’ennui ;
le peuple a gagné,
l’union fut la plus forte !
Allez cancres, allez,
sortez donc vos comportes !
Courez à votre secours,
courez paniers au bras,
courez les alentours
et vendangez l’amour !
3. – Les deux vies –
Comment aurais-je pu
choisir entre une ou l’autre
l’arme de mon salut,
quand cerclé de menottes
j’ai conduit ma roulotte
sur l’axe défendu ?
Quand une farandole
emporta sciemment
mon étroite gondole
sur les plus forts courants,
j’ai passé en chantant
les portes de ma geôle !
J’ai trouvé le repos
sur les tapis du diable,
dormi dans les cachots
des voies impénétrables,
où, reconnu coupable,
on dressa pour moi l’échafaud !
Comment aurais-je pu
choisir entre une ou l’autre
l’arme de mon salut,
quand par l’une et par l’autre,
poignardée et déchue
mon âme pourtant ne sut
reconnaître ses fautes ?
Les deux j’aime à jamais,
et trotte par le monde
portant la mèche jais,
portant la mèche blonde,
l’empreinte féconde
de la sagesse enfin trouvée.
4. – Les fleurs rouges des Saintes-Maries –
Si l’amour tenait à quelques cordes,
qu’il veuille se mettre au diapason,
qu’il implore miséricorde
pour mon cœur tombé en pâmoison,
si l’amour ensoleillait encore
mes désirs, mes envies, mes folies,
juste pour moi, s’il faisait éclore
les fleurs rouges des Saintes-Maries,
si l’amour était son de guitare,
alors, pour lui je serai gitan,
plus beau que Manolo de Navarre,
le musicos le plus extravagant !
et les belles viendraient nuit et jour
vibrer au son de leur croque-notes,
danser sur les banquettes velours,
le flamenco au fond de ma roulotte…
si l’amour ensoleillait encore
mes désirs, mes envies, mes folies,
juste pour moi, s’il faisait éclore
les fleurs rouges des Saintes-Maries !
Trois boutons d’or à la chevelure,
le printemps ornant ses falbalas,
si une diseuse de bonne aventure
me lançait un pétillant holà,
un avenir où l’amour serait loi,
où le vent chaud de ma gitane
raviverait les braises d’autrefois
d’un souffle de tramontane,
si l’amour tenait à quelques cordes,
qu’il veuille se mettre au diapason,
qu’il implore miséricorde
pour mon corps tombé en pâmoison,
si l’amour ensoleillait encore
mes désirs, mes envies, mes folies,
juste pour moi, s’il faisait éclore
les fleurs rouges des Saintes-Maries,
si par quelque chemin de croix
bohémien je trouvais la foi,
alors
près des flammes d’un feu de choix
ma guitare ne vous laisserait de bois !
5. – Ma bonne étoile –
Depuis que nous trainons ensemble
la Corbière comme deux fous,
que nous faisons les quatre-cent coups
par le chemin des grandes landes,
depuis que nous suivons l’amour
toujours prêts à lever la jambe
au son de la viole de gambe,
le coude au fond des vieilles cours,
depuis qu’au cœur du grand théâtre
en un ballet de sauvageonnes
nos diableries d’autochtones
courent après l’ombre folâtre
et depuis qu’à la belle étoile
nous trouvons litières garnies
de mousse, de foin, de rêveries,
du doux orchestre des cigales,
depuis qu’églantiers, genévriers,
lièvres, perdrix cailles et lapins,
grives, miel, merles et raisins
prennent grand soin de nos gosiers,
depuis que tu me tiens la main
dans ce paysage rocailleux,
par les iris, ivres et heureux,
les yeux rivés sur le lointain,
jamais une seconde je
ne pris le temps et m’en excuse,
de te serrer plus fort ma muse,
de caresser tes fols cheveux !
Pour le peu qu’il nous reste à vivre
avant que l’homme n’impose sa loi,
qu’il ne vienne, affable et sournois,
emprisonner nos âmes vives,
pour toi, que je n’ai jamais vu,
mais qui sans cesse vers la lumière
la bonne humeur en bandoulière
guide mes pas de vieux barbu,
j’écris ces rimes singulières !
fussent-t-elles pour moi une prière,
pour toi
un quelconque « Je vous salue… ».
6. – A l’espère, imbécile. –
Sous les branchages d’un vieux figuier,
blotti dans un cocon de fortune,
déposé là par le crépuscule
un ange tendrement sommeillait…
et partout la garrigue craquait
tel un plancher sur lequel on danse ;
pour seule musique, l’allégeance
du gel qui chaque nuit renaissait.
Tombé de quelque chemin de Rome,
essoufflé, égaré et transi
par le froid qui couvrait mon pays
ce soir-là de lueurs polychromes,
sous les branchages d’un vieux figuier,
au creux d’une couche d’herbes sèches,
au cœur de cette saison revêche,
ses ailes argentées repliées
un ange sommeillait vous dis-je,
un ange sommeillait !
A l’instar des maîtres d’autrefois
ce soir-là j’étais à l’espère,
à l’affût d’une harde de chimères
qui bientôt quitterait le sous-bois…
et mon âme de pisteur Huron
guettait du haut de la colline,
les poumons au vent des santolines,
le fusil pointant les sauvageons…
quand perçant le manteau de l’hiver,
un halo, une bruine d’étoiles
sous le figuier étendait sa voile
et montait entre les fruits amers !
Longtemps je veillais, immobile,
cet être spirituel flapi ;
par les songes de l’ange, ébloui,
quand l’aube apparut je m’endormis…
par les songes de l’ange vous dis-je,
par les songes de l’ange !
A mon réveil l’oiseau s’était enfui
loin du souffle barbare de l’homme,
à nouveau sur les chemins de Rome
ou la voie sacrée d’un paradis…
et longtemps je restais là, immobile,
malheureux, maladroit, malhabile,
imbécile, imbécile vous dis-je !
imbécile !
7. – La vie passionnément –
Au bord de la rivière,
l’ami, j’avais un champ
où nichaient mes prières,
où pondaient mes serments ;
sur les avoines folles,
chaque soir, en secret,
au grand bal des lucioles
mon âme virevoltait.
Au bord de la rivière,
l’ami, j’avais un champ,
un triangle en jachère
qui fleurait le printemps,
où j’humais, d’aventure,
mes tendres amours de gosse
sous la dent parfois dure
d’une fille précoce.
Au bord de la rivière,
l’ami, j’avais un champ,
une taxe foncière
dérisoire et pourtant
tombant de mon calcaire
je fus abasourdi
le soir où m’sieur le maire
vint s’asseoir et me dit :
« Au bord de la rivière,
l’ami, tu as un champ
à l’herbe hospitalière,
la commune te le prend !
il est « d’intérêt public »
aussi l’on ne peut rien faire
pour tes pieds de basilic ;
allons chez le notaire ! »
Au bord de la rivière,
à la place de mon champ,
l’ami, un cimetière
on construit maintenant…
mais au fond, chuis content,
car à l’heure de la grand-messe,
en souvenir du temps
où je lui serrais les fesses,
je verrai la Mairesse
sur ma tombe, chantant,
déposer une tresse
faite des fleurs de son champ !
Au bord de la rivière
l’amour est bon enfant ;
le dernier de m’sieur le maire,
qui me ressemble tant,
au bord de la rivière
s’en ira comme les grands…
toujours en sifflotant…
8. – C’est en écrivant que l’on… –
Vous avez donc songé
à écrire quelques vers,
à les faire rimer
sous la bruine d’hiver,
bravant la froidure,
avec soin et doigté
bien décrit l’échancrure
dentelée de l’été…
et voici qu’à présent
vient le merle siffleur
précurseur du printemps,
l’animal crève-cœur !
L’automne est infernal
quand vos feuilles volent au vent…
oui, votre texte est génial !
Vous voici proche parent
du poète d’antan,
le pince sans rire,
littéraire exaltant
aux accents en délire !
l’éternel bon enfant
qui le soir astiquait
bien consciencieusement
le bouchon, l’encrier,
la plume de canard,
caressait son lorgnon
et pompait du buvard
son humble inspiration !
Brûlez donc vos vinyles,
aujourd’hui le laser
modifie les profils
et les filles, plus fières,
dansent toutes du nombril
dans des caves profondes
avec de durs virils
à la houppette blonde !
de vrais mecs, s’il vous plaît,
à la boucle « Mireille »
qui transperce le nez
aussi bien que l’oreille !
des mâles à talons hauts,
la nouvelle esthétique !
plus de tapette rétro,
la nana veut de la brique,
du biceps, de la came,
du sexe et de l’alcool,
de la voix dans le brame
et des spots dans la piaule !
Remballez vos poèmes
ou retournez le papier ;
entrez dans le système
et faites-vous péter
la bille en lettre ouverte !
aux maux de notre temps
faites une disserte
qui crève les tympans,
et qu’aux baffles de la vie
sorte un accord nouveau !
que d’orgasme et d’envie
naisse un autre fabliau !
à la mode qui trépasse
faites un pied de nez !
Il est bien plus cocasse
d’en rire que d’en pleurer ;
s’il est quelque regret,
quelque holà d’infortune
qui…
oh, reprenez donc la plume… et persévérez !
9. – L’éducation religieuse –
Depuis qu’un soir la catéchèse
me fit connaître le Saint Lieu,
épinglé mon nom sur une chaise
au pied de la croix du Bon Dieu,
depuis ce dimanche fatidique
où ma catéchiste, endiablée,
parée d’attributs symboliques
d’une fin de siècle tourmentée
me fit l’honneur, vieille brebis,
après le rituel de l’office,
dans le fin fond d’une sacristie
d’être l’objet du sacrifice,
depuis,
entre chapelle et cathédrale
je cours l’œuvre dominicale,
j’offre mon âme, livre mon corps
aux crédos, aux confiteor !
Du sacrifice j’étais l’objet,
de ma catéchiste la victime ;
victime des cuirs qui la paraient,
de ses désirs les plus intimes…
je goûtais à la guêpière,
me délectais d’une fétichiste,
d’une mi louve mi bergère
sous l’œil inquiet de saint Baptiste…
sapristi, je pris le pied !
et par ces divines pratiques
fais aujourd’hui mes dévotions
en quelques salles évangéliques
où trois ouailles sur les genoux,
sur les lèvres un nouveau cantique,
je prie, je confesse et j’absous
les rosières les plus angéliques !
Hélas… hélas… et c’est atroce…
pour le séminaire je suis trop vieux !
au grand jamais mon sacerdoce
ne recevra l’appui de Dieu !
Heureux soit celui qui prêche l’amour,
les ébats jamais n’ont rendu sourd !
10. – Panique au septième ciel –
Prosper s’éleva vers les cieux,
par « vice » ! Voilà qui est fort
lorsque l’on pense que seuls les morts
à l’âme pure vont à Dieu !
(tant est, ma foi, que l’on caresse
ces dires qui enthousiasment l’abbé,
sachant cet homme endoctriné
aux vérités du vin de messe !)
Mon Albert, toi qui a le respect
et la notion des convenances,
après toutes condoléances
à la famille endeuillée,
après les mots de réconfort,
après avoir bien humecté
quelques voilettes éplorées,
glissé la pièce aux croque-morts…
sache
que sous l’infarctus du myocarde
Prosper cache une histoire paillarde !
Prosper rejoignit bien les cieux,
le septième ciel devrais-je dire,
au rythme du corps en délire
d’une diablesse de banlieue !
Adieu la musique classique,
le sucre sous la goutte de rhum,
Prosper atteignait le summum
des jouissances liturgiques !
Prosper, en pleine fantasia,
festoyait au-delà des brumes
par tant de feu et tant d’écume
qu’à minuit l’auroch trépassa !
Alors,
en suée l’homme monta aux cieux,
par « vice » ! Voilà qui est fort
lorsque l’on pense que seuls les morts
à l’âme pure vont à Dieu !
(tant est, ma foi, que l’on caresse
ces dires qui enthousiasment l’abbé,
sachant cet homme endoctriné
aux vérités du vin de messe !)
Tu peux grommeler, te marrer
ou dire tes dernières volontés,
c’est lorsque tu t’y attends le moins
que la faux ravage ton champ de foin !
11. – Le serment d’Huppicrate –
La timidité excessive
qui bridait mon extraversion
fut à la fois cause et raison
de bien étranges dévotions
pour lesquelles encore je salive !
Un rouge du cru se trouvant là
je lui offris mon innocence,
léguai mon lot de confidences
lorsqu’après maintes réminiscences,
c’est incroyable, la Syrah
prit en pitié, ce fut justice,
mes ratés et mes rancunes,
mes longues nuits d’infortune…
pour peu que je me résume,
lima les griffes à l’appendice !
Au bec du robinet de buis
s’égrainaient de longues caramboles
autour desquelles une fumerolle
bardée de notes « musicolor »
incitait mon esprit frivole
à prendre en cette farandole
le train de la nouvelle vie ;
il fut en gare vers minuit.
Cher Hippocrate, mille pardons ;
« picrate » aidant la locution,
par quelque folle démangeaison
j’ai joué des lettres de ton nom
poussant un peu loin le bouchon,
mais
que cette expérience me permette
de vous livrer une chute honnête :
lorsque le mal vous harcèle,
(apothicaire de contre loi,
fervent des potions parallèles)
je puis vous dire « qu’un coup dans l’aile »
est le seul remède qui soit !
le vin, braves gens, croyez-moi,
la seule potion qui par ivresse,
hormis la messe, donne la foi !
« Bonum vinum laetificat cor hominis » 1
1 « Bonum vinum laetificat cor hominis » : « le bon vin réjouit le cœur de l’homme ».
Le véritable texte est: « Vinum et musica laetificant cor » : « le vin et la musique réjouissent le cœur » et le texte ajoute: « et plus que tous les deux, l’amour et la sagesse ».
(proverbe tiré de la Bible (Ecclésiastique, XL, 20).
12. – Par la « rase 1 » du temps –
Le Cers était léger,
le souvenir tenace,
le lièvre était passé
et je cherchais sa trace.
Au milieu de la vigne
je courais l’ancien temps,
jouais de l’interligne
et traquais l’inconscient
sans fusil ni cartouche,
ni chien, ni cri, ni vie ;
une feuille à la bouche
j’allais en rêveries.
De fous rires en pleurs,
de hoquets en grimaces,
les rouquettes en fleurs
parfumaient mes audaces,
le Cers était léger
et ma quête tenace ;
le lièvre était passé,
je trouverai sa trace !
Et partout sur la vigne
flottait ce fameux chant ;
en ses rimes malignes,
sautillaient tant d’accents !
Au feu les vieilles souches,
le grenache fini,
la Cartagène en bouche
n’est plus que gazouillis,
gazouillis ou rumeur…
l’histoire, hélas s’efface !
peut-être un rimailleur
forcera sa préface
et saura débusquer
le lièvre de son gîte !
le vin a bien coulé,
les jeunes ont pris la suite.
Sous les détonations,
ami du genre humain,
ce soir, à Montredon 2,
qui va main dans la main ?
Le Cers est bien léger,
je pétris ma colère ;
la terre abandonnée
engendre la misère !
Le lièvre capturé,
sa mort inévitable !
mon pauvre Beaumarchais,
sa mère n’est point coupable ! 3
A la source mon fils,
ôte la lourde pierre,
irrigue tes iris
de vérités premières,
au pied de la fontaine
sème quelques pensées,
ainsi, mon âme en peine
boira sa liberté.
1 rase : bande de terre non cultivée qui entoure une vigne et permet la circulation des engins agricoles.
2 Montredon-Corbières : « les évènements de » : manifestation viticole du 4 mars 1976 qui se solda par la mort d’un viticulteur et d’un CRS.
3 « La Mère coupable » Beaumarchais 1792.
13. – Errata à Vouillé –
L’histoire parfois se trompe.
Disons, que de fil en aiguille,
de broutilles en peccadilles
elle insiste, elle estompe,
selon l’humeur, le temps,
s’il plaît ou s’il démange,
elle classe, elle arrange
et fixe finalement
le « fait » historique
(si le terme convient),
sur un beau parchemin
via l’étagère publique,
où fidèles enseignants,
curieux et passionnés,
pourront se délecter
du récit croustillant.
Je pense, évidemment,
en accusant la chose,
à l’errata grandiose
qui fausse l’évènement.
Non, Alaric, jamais
comme l’historien le prétend
ne fut en l’an cinq cent
sept, notez, s’il vous plaît,
par Clovis, à Vouillé,
(respect ai-je pour la Vienne,
ses dévotions anciennes,
sa soif de nouveautés),
par Clovis, à Vouillé,
battu, tué, disais-je !
Clovis tendit un piège,
c’est bien la vérité,
mais sur les rives d’Aude !
« Aude », « Atax » en Wisigoth !
Héro ou pas héro,
que chacun échafaude !
Au pays du grenache
la nuit vient raviver
la forme des boucliers
et le bruit sourd des haches !
Sur une terre irascible
aux maux de la société,
vouloir rester en paix
est-ce chose miscible ?
Comigne1 est si paisible…
pourra-t-elle le rester ?
1 Comigne : Village de l’Aude, au pied de la montagne d’Alaric, où la bataille décisive entre Alaric et Clovis pourrait avoir eu lieu aux alentours de 507, en raison de squelettes, d’armes franques et wisigothes retrouvés lors de la construction de l’autoroute A61 en 1976.
14. – L’Abbé Saunière, curé dans l’Aude –
Qu’ils vont fort en besogne,
cher abbé Bérenger,
ceux qui rognent sans vergogne
le pays enchanté !
Et que croient-ils trouver ?
Dans le pied de l’autel
dormaient trois parchemins ;
peut-être un don du ciel !
Satan, dans un écrin ?
A chacun son chemin !
Le tien semblait tracé
de voies impénétrables.
Rennes1 était délabrée,
ta foi inébranlable…
le reste, inexplicable.
Ils disent que ton corps
était fait de « chair d’homme »,
qu’il collait au trésor…
à la femme, c’est tout comme !
Mais on t’aimait à Rome !
Billard 2 à Carcassonne,
Boudet 3 à Rennes-Les-Bains ;
pour Marie 4, si mignonne,
tu cueillais le matin
des perles de romarin !
Alfred 5 était si proche ;
ton frère « fantaisie » !
Emma Calvé 6 accroche
à ton col tout Paris ;
Saunière, je t’envie !
Jean Orth 7, c’est l’étranger,
« le bon Monsieur Guillaume »,
un Habsbourg, s’il vous plaît !
Court-il hors du royaume
après quelques fantômes ?
Qu’ils vont loin en besogne
ces oiseaux, Bérenger !
Au dire de ces charognes
tu fus manipulé !
Tu dois bien rire l’abbé !
Qu’il doit être comique
de les regarder faire
leurs recettes magiques,
de deux pas sous la terre,
au pays des sorcières !
Ah, si Marie-Madeleine,
que tu vénérais tant,
veillait sur ton domaine,
tes chimères, tes serments,
éternellement…
Pardonne à ces vauriens
qui croient au coup d’éclat,
à tes contemporains,
à tous ces renégats
qui n’ont ni foi, ni loi…
le trésor est bien loin !
Rions tous deux, l’ami,
laissons à leur chagrin
ces marchands de tapis ;
ceux-là n’ont rien compris !
Oui, sur la terre d’Aude
il est bien un trésor,
mais vous auriez bien tort
d’en faire gorge chaude !
1 Rennes-le-Château : village de l’Aude où l’Abbé Bérenger Saunière officiait en 1891, et aurait fait une mystérieuse découverte en rénovant l’église paroissiale.
2 Billard : Monseigneur Billard alors évêque de Carcassonne.
3 Boudet : Abbé Boudet, alors curé de Rennes-les-bains, village non loin de Rennes-le-Château.
4 Marie : Marie Dénarnaud, alors servante de l’Abbé Saunière.
5 Alfred : Alfred Saunière, frère de l’Abbé Bérenger Saunière, alors prêtre chez les Jésuites.
6 Emma Calvé : Cantatrice, amie de l’Abbé Bérenger Saunière.
7 Jean Orth : Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane, prince de Toscane et archiduc d’Autriche également connu sous le nom de Jean Orth.
Voici, au travers de ces quelques vers, ce qu’il me vient « poétiquement » à l’esprit du « mystère Saunière », si je me réfère aux multiples ouvrages, qui, depuis 1956, l’année du grand froid, ont pris naissance à la suite de trois articles parus dans la Dépêche du Midi, dont l’un titrait : « D’un seul coup de pioche dans le pilier du maître-autel, l’abbé Saunière met à jour le trésor de Blanche de Castille ! »
Il va de soi que si nous connaissons le sérieux qui caractérise ce quotidien, nous savons aussi que « le journaliste », en général, n’hésite pas habituellement à inclure dans ses articles quelques « mensonges de circonstance » ; il faut vendre, c’est évident !
Dans ces conditions la porte est ouverte à toutes suppositions. Plus encore que la recherche de la vérité, somme toute indispensable, mais inconcevable aujourd’hui, l’honnêteté dans le propos et le respect que l’on voue aux protagonistes me semble nécessaire et bien souvent absents dans cette affaire.
Soucieux en tout cas d’éliminer certaines anecdotes qui me paraissent farfelues, les faits que je vais vous rappeler maintenant n’ont que le désir de vous remémorer les temps forts de ce que l’on a communément appelé « l’Affaire Saunière ». Ces faits sont tirés de l’œuvre de Jean Markale : « Rennes-le-Château et l’énigme de l’or maudit », ouvrage me paraissant le plus objectif des quatre que j’ai pu lire sur le sujet.
Les trois mystères… de « l’Affaire »
C’est en juin 1885 que l’abbé Saunière est nommé curé de Rennes-le-Château. Il est alors âgé de trente-trois ans. Lorsqu’il arrive au village, l’état de délabrement de l’église et du presbytère est un spectacle de désolation.
En cette fin du XIXème siècle l’Aude est un département de gauche sur lequel flotte plutôt un étendard de couleur rouge. Celui de Saunière flotte aux vents de ses pulsions monarchistes, aussi, l’accueil réservé à ce représentant de l’église, n’est point des plus cordiaux.
« L’abbé loge chez une paroissienne charitable, jusqu’au jour où arrivent ces élections (à deux tours), du 4 et du 18 octobre 1885.
Le 18 au matin, il invite, au travers de son sermon, les quelques paroissiennes assistant à l’office à agir de toutes leurs forces sur leurs hommes pour qu’ils fassent le bon choix; c’est à dire, les convaincre de nommer les défenseurs de la religion. Il prône pour la droite conservatrice, et dit: « les républicains, voilà le diable à vaincre et qui doit plier le genou sous le poids de la religion des baptisés! ». Il est dénoncé au préfet de l’Aude pour incitation au désordre et pressions électorales. Une suspension de traitement est décidée à son encontre. Alors, Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne, le nomme professeur au petit séminaire de Narbonne. »
Quelle fut la raison de cette protection inattendue ? Il est dit aussi que Monseigneur Billard et l’abbé Boudet étaient au courant qu’un trésor se trouvait à Rennes-le-Château et qu’ils avaient informellement investi Saunière de la mission de le retrouver; qu’ils faisaient également partie d’une société secrète ésotérique ; nous n’avons aucune preuve de ces affirmations.
« Sa « punition » levée, Bérenger Saunière réintègre sa paroisse le 1 juillet 1886, avec, en poche, un don de trois mille francs or provenant de la Comtesse de Chambord, attribué pour la réfection de l’église. »
Premier mystère
Comment expliquer le don de la Comtesse et comment l’a-t-il rencontré ?
« Parallèlement, son frère, Alfred Saunière, devenu brillamment prêtre chez les Jésuites et noble Monsieur fréquente les milieux de la « bonne société ». Il plaît beaucoup aux femmes ; aux femmes qui n’avaient pas alors le droit de vote mais qui assuraient une pression politique constante sur leurs époux ! Il introduit Bérenger, entre 1885 et 1905, dans le cercle restreint de ces charmantes dames. Bérenger, aussitôt, les incite à faire quelques dons en faveur de son église; il était, en ce temps-là, de bon ton de participer à une œuvre de bienfaisance. »
« En 1886, donc, avec les trois mille francs de la Comtesse, notre abbé entame la réfection de l’église pour un montant de deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept francs. Le samedi après-midi et le dimanche il est aidé par deux amis: Pibouleau, âgé de quatorze ans, originaire du Bézu, et Elie Bot, limonadier à Luc-sur-Aude. »
« En soulevant la pierre de l’autel, Bérenger remarque que le pilier pseudo-wisigothique est creux et bourré de fougères ; il ôte les fougères et trouve trois rouleaux de bois autour desquels sont enroulés trois parchemins qu’il n’arrive pas à lire puisque écrits en graphie que seul un archiviste-paléographe pourrait décoder. »
Second mystère
Que contiennent-ils ? Seront-ils décodés ? Et par qui ?
« Sous la dalle de l’allée centrale il découvre maintenant une « oule » remplie des pièces en or, puis une seconde en déplaçant le maître-autel (qui devait être remplacé). Le nouveau maître-autel est mis en place, en 1887. »
« Deux mois plus tard les vitraux manquants seront remplacés aux fenêtres du cœur et de la nef. Ensuite, Saunière fait consolider le toit et les murs, il fait installer une statue de Marie-Madeleine, patronne de l’église, fait clôturer la place publique jouxtant l’église et fait édifier une statue de Notre-Dame de Lourdes ayant pour support la pierre wisigothique. Le 21 juin 1891 il inaugure et bénit les nouveaux emménagements en présence de nombreux ecclésiastiques et paroissiens des environs. »
« En 1892 le presbytère est maintenant en état et peut recevoir des « locataires », alors, Bérenger fait venir d’Espéraza la famille Dénarnaud qu’il connait bien. Le père et le fils sont d’excellents artisans et s’emploient à la restauration de l’église, la mère entretient la bâtisse et la fille aide la mère dans sa tâche. Quelques temps après, leurs travaux accomplis, le père, la mère et le fils rejoignent l’usine d’Espéraza qui les embauche désormais. La fille, Marie Dénarnaud, reste avec l’abbé Saunière, elle demeurera avec lui jusqu’à sa mort et deviendra sa confidente. Son dévouement sera sans borne et jamais elle ne trahira les secrets que Bérenger aura pu lui confier. »
« Il restaure donc l’église, ce qui nous amène en 1897.
Bérenger s’occupe alors de ses finances et ouvre un compte en banque à Perpignan (dans d’autres villes aussi semble-t-il). A partir de ce moment-là il part souvent en voyage. »
« A Rennes, il achète les terrains qui se trouvent à l’ouest de l’église où il fait bâtir une villa en style néo-gothique, la villa Béthania, en l’honneur de Marie-Madeleine. Il fait prolonger les murs du presbytère jusqu’au bout du promontoire où il fait construire la tour Magdala qui sera destinée à être sa bibliothèque et son bureau. Ensuite il fait emménager des espaces verts avec un bassin et plante des fleurs rares sous nos horizons pour la fameuse somme de trois millions de francs or.
Tout est au nom de Marie Dénarnaud mais c’est lui qui paie, bien entendu.
Dans la villa Béthania il reçoit énormément et mène grand train. »
Troisième mystère
A-t’ il trouvé plus de richesse que cité ? Les dons, certes nombreux, suffisent-t’ ils à pourvoir à un tel train de vie ? Les parchemins ont’ils été décodés et servent-t’ils de monnaie d’échange ? Pourquoi fouille-t-il le cimetière ?
« Et puis, en 1905, Mgr de Beauséjour remplace Mgr Billard ; la hiérarchie va causer quelques problèmes à Bérenger. Mgr de Beauséjour lui propose une nouvelle paroisse, plus grande, promotion ? Et Bérenger refuse, bien entendu. Alors, en 1909, l’évêque le nomme curé de Coustouge et nomme l’abbé Marty à Rennes-le-Château.
En refusant de partir Saunière se met hors la loi, mais l’évêque ne l’attaquera pas de face. Il l’accuse « de trafics de messes » et lui demande, si tel n’est pas le cas, d’où proviennent les sommes importantes qui lui ont servies à payer les travaux effectués. Saunière ne peut se justifier, il sera donc suspendu temporairement. Il fait appel et obtient gain de cause en cour de Rome en 1913 Ensuite la guerre éclate. »
« Le 30 mars 1915, l’abbé Boudet, curé de Rennes-les-Bains, quitte cette terre. Saunière pourvu, semble-t-il, de nouvelles finances se lance dans d’autres projets. »
« Le 17 janvier, l’abbé Saunière, pris d’un malaise doit s’aliter et quitte notre terre la nuit du 22 janvier 1917. A l’ouverture de son testament on s’apercevra qu’il ne possédait rien et que tout ce qu’il avait bâti était au nom de Marie Dénarnaud. Ses comptes en banque ne furent jamais retrouvés.
Marie devait nous quitter en 1953 emportant avec elle les derniers secrets de Bérenger. »
15. – Enfance d’autrefois –
Toujours la belle insigne
« une étoile d’airain »
au pays de la vigne
éclairait ses chemins.
Haut comme trois pommes,
son beau fusil de bois,
ses suppléants fantômes,
au train des hors la loi
à travers les collines,
les bosquets d’amandiers,
prenant la douce caprine
pour un gros bœuf musqué
il traquait, vaille que vaille,
sans cesse le renégat ;
jusqu’au cœur des broussailles
il menait la razzia !
Dans la Corbière, encore,
au-dessus de Fontiès
nul bandito n’ignore
son nom, son palmarès !
L’image virtuelle
n’ayant encore trouvé
la trace des rebelles
sur disquette 3D,
le gamin de « l’époque »,
arqué sur son cheval,
allait sans équivoque
fier, heureux et loyal,
criant à hue, à dia,
harnaché de breloques,
jouant de l’harmonica
autant que du demi-choque…
sans le fusil laser
qu’il ne connaissait pas.
Autrefois, Lucifer
n’étais pas un goujat !
16. – La chansonnette des seize ans –
De son étui à lunettes
elle déplie soigneusement
la chansonnette de ses seize ans ;
où voudriez-vous qu’elle mette
ses émotions, ses sentiments,
ses coups de gueule, ses bégaiements,
et puis cette vieille étiquette
sur laquelle: dix-neuf-cent
et des poussières, probablement,
rappelle les années de disette,
les soirs de veille incandescents,
les appelés du contingent,
les autres enfants, la canette
qui s’excitait, acoquinant
les fils noirs aux vieux vêtements ?
Parfois elle râle, elle rouspète
après le vacarme incessant,
le nouveau monde, désespérant !
Alors, elle tire la chevillette,
entrouvre le portail crissant,
et de son étui, maintenant
montent des notes de bals musette,
des nuits de fête, des vers luisants,
des courses folles à travers champs,
puis la figure guillerette
de quelque éclaireur, bon vivant,
qui préféra partir devant
reconnaître la maisonnette,
où sur le balcon, prochainement,
ils pourront danser comme avant !
En attendant
c’est dans son étui à lunettes
qu’elle replie soigneusement
cette chansonnette qu’elle aime tant ;
la chansonnette de ses seize ans !
17. – A chacun sa m…. ! –
La petite est menteuse,
son père dit des gros mots,
le frère est bonne danseuse
et pique les talons hauts
de la mère qui bosse,
le soir, au coin de la rue ;
moi qui n’ai pas de gosse,
comme de bien entendu,
et n’ai plus de famille,
moi qu’on a répudié
depuis que je m’égosille,
que je clame les dix vérités,
je voudrais bien vous dire,
en vertu des pouvoirs
que l’on confère au scribe,
que chacun doit pouvoir
choisir à sa guise
dans quel art exercer,
prendre ce qui le grise
sans qu’on y fourre son nez !
anti ou conformistes,
joyeux drilles, châtelains,
soyez de vrais artistes
et honorez demain !
A l’œuvre, pèlerins !
18. – Le danseur –
Tarissant la fontaine
des sueurs inhumaines
en ce monde enfiévré,
bardé de mille chaînes,
vers l’étoile lointaine
le temps nous a quitté.
Signant la préface
de ce nouvel espace
aux couleurs du plaisir,
il légua à la grâce
le pouvoir et l’audace
de peindre l’avenir.
Sous la bruine magique
des perles de musique
cliquetant sur son corps,
buvant l’accent mystique
de l’art chorégraphique
par de courts halos d’or,
du bout de ses doigts
le danseur caressa
ses anciennes prières,
par l’ardeur de sa foi,
en habits de gala
il reçut la lumière !
19. – De mémoire de chaudron –
Soudain elle avoua ;
je fus surpris qu’elle ose !
c’était la première fois
qu’elle faisait la chose !
La fenêtre espérait
impatiemment les larmes
de buée qui tardaient
à faire valoir leurs charmes…
le buffet, attentif
à chacun de ses gestes,
sous son tablier massif
clignait d’un œil agreste…
la pendule sonnait
aussi fort que possible,
tournait, virait, pestait ;
l’attente fut pénible !
A quatre pattes devant
les briques réfractaires,
à chercher vainement
comment il fallait faire,
c’est là qu’elle avoua !
je fus surpris qu’elle ose !
c’était la première foi
qu’elle faisait la chose !
Ah, les filles de la ville
jamais ne vont au feu !
Autrement plus habiles
à la campagne, mon vieux,
à quatre pattes devant
la cheminée, punaise,
les filles ne mettent cent ans
pour raviver les braises !
Petit frère, non de non,
un être délicieux !
Jamais,
de mémoire de chaudron
je ne vis pareils yeux !
20. – La marinade –
Je ne dors plus aujourd’hui
sur le gravier des criques
ni ne connais la vie
rose des angéliques.
Je me sens fatigué
et j’ai quitté mes rêves ;
pourtant une pensée
nourrit encore mes glaives !
Mes élans se craquèlent ;
trop de froid, trop d’années
à tirer les ficelles
m’ont désarticulé.
Barque à quille d’échalas…
arbre de fausse-coupe…
oui je fus un trois- mâts
filant le vent en poupe !
Je t’aimais, belle sirène,
comme personne n’aurait pu !
Nageant à perdre haleine
les promesses se sont tues !
Dans le creux de la vague
seule l’écume se souvient
et dira qu’une blague
Dieu fit au jeune marin !
La jeunesse deux fois,
paraît-il, se présente ;
si la tienne, en mal de moi,
faisait une descente,
par quelque métaphore,
je t’en prie, rejoins-moi !
de cendres à accore
je franchirai le pas !
21. – Tout feu tout flamme –
Au village on s’est aperçu
que la Josy avait des vertus ;
qu’il lui était donné le pouvoir
de guérir l’homme du désespoir !
de rendre ainsi force et gaieté
aux Don Juan des cœurs blessés,
de redonner le goût de vivre
à tous ceux dont l’âme se givre,
d’assouvir les désirs secrets
du brave Monsieur le Curé,
et si l’on en croit la rumeur
ceux des douze enfants de chœur !
super Josy, au nom de l’amour,
à mis le feu dans le faubourg !
Talents ô combien salutaires
ils prirent au corps Monsieur le Maire,
qui, devant ses sens en éveil
réunit un soir le conseil ;
l’opposition fut royale,
chacun, aux affaires sociales,
nomma la digne représentante
des forces vives montantes !
Depuis, à son ministère,
boule de gomme sans mystère,
par quelques fortes dévotions
on relève enfin la nation !
Super Josy, au nom de l’amour,
a mis le feu aux alentours !
Puis elle partit en campagne
jusqu’au fin fond de la Cerdagne,
de la Bretagne, de la Savoie ;
lorsqu’elle eut le nombre de voix
elle visa la présidence
du pays des magnificences
où elle remporta, haut la main,
en jupe courte le scrutin.
Elle entreprit le tour du monde,
se fit même teindre en blonde,
mais hélas, au nom de l’amour,
ma féline à pattes de velours
usa les marins de Cherbourg,
planta le souk au Luxembourg,
incendia l’Est et Singapour,
puis s’offrit à Saint-Pétersbourg
où sur la grande passerelle
il fallut que le diable s’en mêle !
Au pays des braises éternelles
on ne cause plus que de dentelle
de porte-jarretelles et d’amour ;
l’enfer, dit-on, vaut le détour !
Les farfadets et toute la bande
par les cieux font de la propagande
apportant les nouvelles valeurs
du chaud pays qui est le leur.
Quant à Satan, dans le satin
il se vautre soir et matin,
et Dieu, paraît-il, a les glandes
depuis que Josy est aux commandes !
Oui, Dieu, paraît-il, a les glandes
depuis que c’est Josy qui commande !
22. – Le sang d’or de Serviès –
Quand le soleil, fatigué,
cessera sa course folle,
de girandole en girandole
la farandole étoilée
aux lucarnes de nos geôles
perdra de son intensité,
tandis que d’autres acquiesceront
que sur terre tout est fini…
quand les couleurs auront terni,
quand sous la tuile d’arrière-saison
l’hirondelle aura fui le nid,
quand dans l’abîme nous plongerons,
alors, au cœur du Val-De-Dagne,
blotti au creux d’un fier cocon,
sous la plume d’un gros édredon,
abrités par notre montagne,
frères, nous nous retrouverons
et mènerons la vie de cocagne !
Sous un ciel de chênes Kermès,
de cades, de vignes et de pins
nous festoierons jusqu’à la fin,
noierons nos âmes moribondes
dans le meilleur vin qui soit au monde…
noierons nos vies aux tables rondes
du meilleur cru qui soit au monde !
Sous un ciel de chênes Kermès
nous lutterons encore à Serviès !
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