Juste une vingtaine d’années
qu’il avait blanchi le plafond ;
un simple coup de badigeon,
c’est elle qui avait décidé !
les murs jaunis se patinaient
aux fumerolles d’arbousier ;
il fut des hommes, des contrées
que le soleil illuminait,
où seul comptait l’instant présent
lorsque filait du bord de l’oule,
des ergots du bouillon de poule
un trait de fumée insolent !
C’est au crochet qu’elle montait
les arabesques du rideau ;
elle savait les contes de Perrault
et la cire, à « l’ostal, » embaumait !
Qui se souvient des chaufferettes,
des édredons blancs et ventrus,
de cette huile de foie de morue
jouant le soir les trouble-fêtes,
du tablier troué de nos vieilles,
des fèves qu’elles écossaient,
et des tomates qu’elles enfermaient
pour l’hiver au fond des bouteilles ?
qui revoit le chien affalé
en travers de quelque paillasse,
pourléchant ses rêves de chasse,
ce temps où encore il courrait ?
qui se souvient des escarbilles,
de la tête cuivrée des chenets
sur lesquels les frusques séchaient,
et du tricot bardé d’aiguilles ?
Rappelez-vous les herbes sèches
– ces tisanes accrochées au mur -,
et tournant dans ce clair-obscur
les perdrix pendues tête bêche !
Juste une vingtaine d’années
qu’il avait blanchi le plafond ;
et sur l’étagère le litron
pour les rares instants de récré !
Juste une vingtaine d’années
que j’étais né dans la maison,
que ces fragrances, à l’unisson,
étaient ma seule vérité !
et quand de la forge montait
l’odeur du sabot que l’on ferre,
et les injures de la porchère
que quelque bougre taquinait ?
Lorsqu’on me demande d’où viennent
mes rimes et pour quelles raisons,
je souris, jamais ne réponds
car j’aurais vraiment trop de peine ;
dans cet univers mirliton
je ne pense pas qu’ils comprennent
qu’entre jeunesse et cimetière
à Labastide je me promène
toujours pour les mêmes raisons !
toujours pour les mêmes raisons
comme dirait l’autre couillon !