Depuis que tu es parti, mon Pierre, en ces prairies
où tu voyais la paix fleurir sous chaque pas,
je n’ai pas pu prendre une seconde pour toi ;
pardonne-moi, tu sais la course de la vie !
As-tu fait bon voyage par les strates célestes…
ne t’es-tu pas perdu par ces voies encombrées…
as-tu trouvé l’endroit, la porte dérobée…
t’es-tu abonné à quelque autre palimpseste ?
Dis-moi, mon Pierre, dis, au creux de mon oreille,
est-ce conforme au moins à ce que tu espérais…
as-tu vu la Famille Divine… et Beaumarchais…
et les meubles sentent-ils la cire d’abeille ?
Nous avons tant et tant de fois, devant un verre,
croqué la philo et les olives ici-bas,
imaginé les nues remplies de nymphéas,
de vignes à longs doigts, de plantes fourragères
enguirlandées de pourpre et de jaune et de bleu…
et combattu l’absurde à coup de mots choisis,
et fait coulisser les verrous du Paradis ;
tu me manques, mon Pierre, sous mon ciel ténébreux !
Parfois, l’arc en ciel enjambe le Lauraguais
et les tuiles d’Alzonne scintillent sous la rosée ;
le soir, quand tous les autres sont devant la télé
le cul bien enfoncé et les neurones en biais,
je pense à toi, mon Pierre, et j’envie le grand jour
où devant un rosé, des olives à la main
nous trinquerons encore à d’autres lendemains,
nous foutant pas mal du cours du topinambour !
Entité en goguette, si tu passes par-là
viens me joindre à la fête, je n’attends plus que ça !
pardonne-moi, tu sais la course de la vie,
je dois te laisser les emmerdes cognent à l’huis !