Mercredi soir, après dîner, j’avais jeté
mon corps, un crayon noir, deux feuilles de papier,
(il en est ainsi quand je sens naître la fibre)
une idée assez folle et un brin de temps libre
sur les velours anthracite du canapé.
J’enfilais des perles à mes colliers de quatrains,
plutôt humoristiques d’ailleurs, quand soudain,
d’un pommeau de canne on vint toquer à la porte.
Soupirant à l’idée que l’affaire était morte,
je posais là l’histoire, les rimes et le sous-main…
croyez qu’être coupé en pleine inspiration
vous file les abeilles autant que le bourdon !
Le pommeau de la canne toquait à nouveau.
J’ouvris. Comme l’eau de pluie versait du chéneau,
je fis vite entrer mon hôte dans le salon !
La coule et la cuculle noires comme chagrin,
les spartiates… je crus voir un bénédictin…
un moine égaré sous cette averse battante !
que nenni, la faucheuse, la vieille diligente
venait bien me quérir en plein alexandrin !
Percevant sous sa capuche son teint blafard,
comme il se doit j’ouvris grand les portes du bar
et lui versais, comme il se fait en Amérique,
un scotch sur de la glace, alcool emblématique…
chez nous accompagné de fritons de canard !
Comprenant que je dus terminer l’épigramme
avant de m’en remettre à elle corps et âme,
posant dans le fond d’un fauteuil club son derrière
elle m’accorda une demi-heure supplémentaire.
Elle prit le remontant, je repris le cinname.
Voyant qu’elle prenait goût au scotch et au musqué
et qu’elle rêvait d’un autre verre dans le nez,
pour satisfaire les douces envies de la vieille,
brave comme le pain, je lui offris la bouteille
et forcément la vieille finit par s’ivrogner !
Puis elle se mit à rire si fort dans sa barbiche
qu’elle stoppa les muses courant sur l’hémistiche ;
je crus alors que mon heure était arrivée !
que nenni, la vieille, hilare, alors s’est levée
et titubant s’en est allée ; noire godiche !
L’écho me ramena que nous étions amis
et qu’elle reviendrait dans quelques décennies
voir si mon épigramme est enfin terminée.
Il va de soi que j’aurai du scotch, du musqué,
un poème sur le feu, de la glace pilée…
et mes textes garnis de lapsus-calami !