La voisine d’en bas fait tourner la cocotte
et les vapeurs de soupe se faufilent chez moi ;
la voisine d’en bas fait chuchoter la croute,
il est sept heures du mat et les vélos s’en vont.
La voisine d’en bas, par-dessus le balcon
jette quelques tendresses au soleil engourdi.
La voisine d’en bas ne se maquille guère
que pour sortir le chien entre deux mots fléchés.
La voisine d’en bas se lève avec le jour
comme pour ne pas perdre une miette de vie.
La voisine d’en bas fait tourner la cocotte
des visages perdus et des saveurs anciennes
et ses sourires alors se faufilent chez moi.
La voisine a monté le son de la télé,
c’est l’heure du feuilleton, les vélos sont partis,
et déjà alignés dans des abris d’usine,
guidon contre guidon dans l’odeur du cambouis
ils discutent limaille et puis de l’eau de pluie.
La voisine d’en bas a éteint la télé
et sa cocotte largue la vapeur à plein gaz
sur mes draps assoupis en travers du balcon,
mes souvenirs perdus et mes chansons passées.
La voisine d’en bas sourit à petits pas
lorsqu’elle pousse bon an mal an ses charentaises ;
la voisine d’en bas pousse ses habitudes
d’une heure à l’autre toujours dans le même sens
et chiffonne la poussière depuis mille ans.
Puis le reste du temps, entre ses chats, ses vases,
posée sur les coussins de son fauteuil pliant,
la voisine d’en bas, le nez dans le menton,
quitte un brin les nuages et pique un roupillon.
Mais jamais la voisine d’en bas ne manque l’heure
du timbre rigolard des vélos qui reviennent
et quand on ferme à clé le dernier dans son box,
quelques parfums de soupe se faufilent chez moi.
La voisine d’en bas est alors à l’ouvrage
son pot-au-feu vient comme une bénédiction ;
puis j’entends son assiette cliqueter dans l’évier
et ses volets couiner dans un recoin de mur.
Puis je n’entends plus rien ; pour tous les temps sont durs.