Sinon une clairière, un ciel, où les pins préfèrent céder l’espace à la vie, à l’amour, à la paix, auxquels ils offrent un épais tapis d’aiguilles judicieusement entremêlées. Une placette en quelque sorte au cœur d’une pinède ; vous savez ces placettes des villages anciens où se concentre l’existence !
Seulement à une douzaine de minutes à pied de la civilisation, l’été exulte ; la vie bouillonne !
La civilisation la plus proche réside en une petite bourgade de l’Aude viticole, à une trentaine de minutes à bicyclette des tours de Carcassonne ! Si je spécifie “civilisation“, c’est pour alléguer qu’ici, depuis des temps immémoriaux, l’homme est sociablement en avance sur ses semblables, et sans flagornerie aucune, la femme du pays un démon d’aménité !
Si d’aucuns après l’amour fument une cigarette, s’endorment, font une petite promenade, mangent un bon plat de pâtes, éprouvent le besoin de jaspiner ou convoler en de tartuffes rêveries, pour l’heure, la scène environnante requiert ma première lucidité.
J’émerge d’un état de grâce ou l’esprit et la chair de deux corps enlacés déclinent en de savoureuses dispositions.
L’envie, d’abord, coryphée de prestige menant à la baguette toute une cohorte de pulsions avivées, nous avait invités à quitter le chemin, afin d’y trouver une jonchée susceptible d’accueillir nos joutes voluptueuses. Lorsque les pas concèdent à l’envie les couleurs du désir, la jonchée n’est alors qu’à quelques enjambées, aussi, ce ciel d’herbe rase parsemé de pins juvéniles et d’orchidées violettes faisait une couche de choix.
Bientôt, sous la musique sacrée de phéromones badins, de longs baisers picotaient le blé de nos peaux tendues, nos fronts, nos mains, nos joues, nos torses, nos chevilles, le creux de nos reins et toute la criée de nos paradis intimes.
Cachés et abandonnés à cette électrique flânerie, seuls dans la sueur de notre ardeur, dans le mouvement millimétré de nos corps, dans le vocable automatique de nos inconscients respectifs, nous jouissions de l’intensité du moment !
Nos caresses coulissaient sur les cordons tendus de nos libidos. Le duo de nos corps accomplis se fondait en une unique expiation ; au creux de ces couches enluminées, la fantaisie amoureuse est si dense, qu’Eros et Thanatos ne sont jamais bien loin l’un de l’autre !
Je ne saurais vous dire où nous avons voyagé, quel paradis nouveau nous a offert ses vertes prairies, ni à quelle fontaine nous avons puisé notre eau, mais nous renaissons innocents et comblés.
Le bleu du ciel est à peine décelable, tant le soleil, radieux, inonde l’espace d’une blancheur aveuglante. Les romarins en fleurs dégagent une odeur citronnée. Seules les cimes des pins ondulent sous les soupirs d’un vent léger. L’air ambiant est saturé des senteurs de térébinthe et sur l’écorce des conifères la résine sucrée régale les fourmis. Les cigales ont envahi le lieu et stridulent éperdument. Je ressens leurs chants comme autant d’odelettes ; comme une poésie positiviste au coeur de laquelle je finis par m’égarer dans un dédale d’images ; dans un cheminement de songes ! Nu sous un voile de bien-être, je tapisse ma plèvre de sonorités cicatrisantes.
Quatre ou cinq bruants des pinèdes se chamaillent au pied d’un cade, un merle, hurlant, passe à toute volée, un geai crie son mécontentement auquel semble répondre un coucou, dans le lointain, le chuchotement du ruisseau quelques mètres en contrebas et les pirouettes d’un écureuil au dessus de nos têtes, la nature nous rappelle à la réalité.
Mon ange s’éveille. Sous ses cheveux collés, un sourire vient illuminer l’instant. Un baiser aromatisé vient clore notre moment de tendresse. Sous les mots affectueux du renouveau, nous reprenons à la jonchée nos vêtements épars sur les aiguilles de pin et les orchidées violettes. Et sous un clin d’œil complice, main dans la main, nous regagnons le chemin. Dès lors, c’est à pas lents que nous quittons “la placette“, que nous retrouvons nos esprits et la beauté de ce paysage méridional. Dans la douceur et la fierté de notre amour, nous respirons à pleins poumons les essences de la saison ; nous rentrons.
—————–
“L’escapade“ est un “court récit“, trop court pour être considéré par les puristes comme une “nouvelle brève“ et trop long pour requérir le terme de “micronouvelle“ !
Dans le cadre d’une “micronouvelle“, qui doit se contenir à 300 caractères maximum, il eut été indécent de vous livrer seul le passage de l’acte sexuel, la seule description du paysage n’ayant retenu votre attention bien longtemps.
Quant à transformer “L’escapade“ en “nouvelle brève“, qui doit être dotée quant à elle d’environ 5000 mots, j’eus dû rajouter de longues tirades vous expliquant comment nous vint d’abord l’idée de cette promenade et le pourquoi et le comment de notre envie soudaine d’amour charnel au milieu des bois !
Il eut été de bon ton de décrire le chemin du retour et même d’y adjoindre je ne sais quel embellissement ; ce dont vous vous moquez éperdument !
“L’escapade“ étant seulement la description d’un ressenti à l’instant T, l’histoire d’un instant universel, j’ai opté pour le “court récit“. Si l’envie de rallonger ce texte vous sied, courez à la pinède… et mettez-vous à l’ouvrage !
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.