A travers sa vitre embuée
elle boit la pluie de la grand-rue,
à présent les trottoirs sont nus,
c’est l’automne qui paie la tournée !
Quand on est vieille et fatiguée,
quand ses pieds font la sourde oreille,
quand le vieux temps vous ensommeille,
l’eau bénite se boit à gorgées !
C’est le cliquetis dans les flaques
qu’elle affectionne, paupières closes;
quand on est triste, faut pas grand chose !
quand on est triste et puis patraque
les premières notes qui viennent,
les seules musiques qui passent,
on les accroche, on les enlace,
on les embrasse, on les malmène…
puis, comme les perles de buée
elles glissent le long du carreau
et rejoignent au caniveau
les cliquetis de la chaussée !
Les saisons prennent, une à une,
les coeurs, les vies, les vieilles vestes,
les souvenirs et tout le reste;
même la blancheur à la lune !
Même l’esprit passe à la meule !
le jour prend tout, la nuit le reste,
l’un s’en fout et l’autre proteste;
les saisons font ce qu’elles veulent !
Devant sa fenêtre embuée
le soleil éclaire la grand-rue,
l’habitude prend le dessus,
le nez à la vitre; collé !
Devant une vitre embuée
son dernier automne sévit;
certains diront que c’est la vie;
je serai le seul à pleurer!