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Archives for : Les textes du terroir

Trois cathares nostalgiques

Même si c’est quelqu’un d’au-dessus de la Loire

qui leur a donné vie au sortir de Narbonne,

loin de cette idée folle “qu’il est meilleur de boire

à notre barricôt plutôt qu’à leurs bonbonnes“…

 

les chevaliers cathares, au bord de l’autoroute,

tout en cassant la croûte et dégustant leur vin

sifflent un air de mémoire, que les enfants écoutent !

malgré leurs rides ils me semblent avoir bon teint !

 

Sont-ce Benoît de Termes, Roger de Cabaret,

quelques grands de Toulouse, Pierre II, Trencavel,

Dame Guiraude ou Bélibaste assassinés ?

qui de la quatre voies lève ses armes au ciel ?

 

Peu importe, on s’en fout, ici tous ne font qu’un

– ils sont là, comme ailleurs un monument aux morts ! –

peu importe, on s’en fout, ici tout ne fait qu’un,

demande à Marcelin, d’Argeliers, si j’ai tort !

 

Les chevaliers cathares au regard apaisé,

de leurs robes de pierre dérangent, assurément ;

Montfort cauchemarde sous son heaume éventré

et le Midi caracole en tête au tournant !

 

Les chevaliers cathares, au sortir de Narbonne,

aiment à contempler les flamants sur l’étang,

prennent à pleins poumons le vent de Carcassonne

et se complaisent à voir les nuées d’estivants !

 

Ne les critique pas, ce sont des nostalgiques !

si leur terre est impure, ils s’en battent aujourd’hui ;

droits sur le bas-côté, raides comme trois flics

ils me sont sympathiques sans sifflet ni képi !

 

Les chevaliers cathares de l’A-61

vous rappellent qu’ici, jadis, naquit la paix ;

ils cultivait l’entraide et l’amour de chacun…

 

puis la haine est venue ; le monde est imparfait !

Le mal du pays

Si je disais un jour, au pays de mon père,

à ceux qui n’ont hélas à l’heure du repas

que du « treize degrés » à mettre au fond du verre,

un cuissot de sanglier pour vaincre le trépas,

un peu de persillade sur du beurre fondu,

un peu de « piboulade »,  un coulis de perdreau,

le Vendredi Saint une brandade de morue…

sauf les mécréants qui tirent un « taillou » du pot;

 

si je disais à tous ces gens dans la misère

que depuis que je suis en ville, croyez-moi,

mon taux de cholestérol a sauté les barrières,

que de ma vie, jamais je n’ai été si gras…

peut être qu’un jeunot voudrait prendre ma place

et qu’alors je pourrais enfin rentrer chez moi !

si j’ai quitté ma terre, ce n’est point par disgrâce,

l’usine automatique m’avait ouvert les bras !

 

à cause du brouhaha des machines électriques,

la pollution qui souille jusqu’à mes bouillons-blancs,

le stress et ses sarcasmes des plus ironiques

de sales triglycérides me rongent les sangs !

loin des couverts qui gisent au fond de l’assiette,

des chiens galeux peignant le bas des réverbères,

le toubib, un ami, veut me mettre à la diète;

le mal des villes,  en moi, a sauté les barrières !

 

moi qui n’ai obéis qu’à mes pulsions primaires,

le toubib, une fois, je devrais écouter!

je ne sais si ce fût Hugo ou bien Voltaire,

mais l’un des deux disait, « que le temps de crever,

c’est quand l’homme a compris », mais que faut-il comprendre ?

est-ce bien suffisant de n’avoir qu’une vie ?

quant à ce que j’ai pris, je ne veux plus le rendre !

quant à rendre la vie, là c’est encore  pis !

 

si je  disais un jour, aux amis de  naguère,

que  lorsque j’ai « le blues » je pense au vieux  pays,

va, j’en connais déjà… comme la gargotière…

(oh oui, la gargotière qui m’a connu petit),

qui riraient par derrière, car les gens sont ainsi !

que voulez-vous y faire, foetus, tout est inscrit;

 

l’un naît avec le slip et l’autre à poil,  pardi!

Qu’adviendra-t-il TIRESIAS ?

Dame Carcas, vieille salope,

par-dessus bord tu as jeté

le dernier porc qu’il nous restait,

et le tricot de Pénélope;

 

désormais nos espoirs sont vains !

Charlemagne emporte le gras,

les pucelles, les grappes de lilas ;

Pénélope, le feu s’éteint !

 

Les fileuses sonnent le glas,

le roi d’Ithaque pêche à Messine,

et ville après ville cheminent

la peste noire, le choléra.

 

Ulysse reviendra, peut être !

le soleil fera sa trouée ;

alors Argos viendra japper ;

la bise de mars nous pénètre !

 

Entre les tours de Carcassonne,

les massacres en ribambelles

font fi du gel et de la grêle ;

à tue-tête une folle sonne !

 

sonne, sonne, sonne, sonne,

Dame Carcas, triste salope !

qui bandera l’arc, Pénélope ?

Faut-il que vous soyez si connes ?

 

Reste-t-il du gras au torchon ?

L’une se donne et l’autre attend ;

quand l’une se donne à Satan,

l’autre espère, scrutant l’horizon !

 

Un mât s’en revient d’outre tombe

en descend un gueux ; c’est un roi !

Dame Carcas lève les bras

et le pauvre Argos en succombe !

 

Carcassonne pleurera longtemps

ses ciels d’été et ses outrages.

Le guerrier contera ses voyages

et Pénélope ses printemps.

 

Sous ses toitures grisonnantes

la cité hisse les couleurs ;

les amandiers bleus sont en fleurs,

le sénéchal lisse ses bacantes !

 

Pénélope et Dame Carcas

ainsi rangées des corbillards,

les dieux recouvrent le cafard…

 

honneurs au trépas, gloire aux veuves !

faudra t’il de nouvelles épreuves ?

 

Dis, qu’adviendra-t-il, Tirésias ?

Le chariot de la joie

Le chariot de la joie sillonne le village;

les enfants, enchantés, chicanent en son sillage,

les feux d’artifice et les pétards enjôleurs

font vibrer les pupilles, les tympans et les cœurs ;

partout la liesse fait grand ouvrir les fenêtres,

on voit planer les rires sur plusieurs kilomètres,

 la terre, humide, accouche d’un air de violoncelle

et les filles de joie chatouillent les pucelles !

 

dis, connais-tu les secrets du pré aux phalènes ?

 

Soudain, les coins de rues s’embrasent et l’on se tient,

la longue farandole revêt un fier dessein,

les haches, à grands coups, éventrent les barriques,

le cristal des coupes a des reflets mirifiques !

tant de fleurs recouvrent le bitume à présent,

qu’on dirait un hameau au beau milieu des champs !

les grillons donnent corps à cette symphonie,

l’exaltation déplie ses bras nus dans la nuit !

 

dis, connais-tu les secrets de la douce Arcadie ?

 

Droite sur le pare-boue d’un vélo de bois,

une Ève de couleur tient un coq en ses bras ;

à ses ailes tournoient deux clés de sol en or ;

de notes blanches, Ève a tatoué son corps !

d’un faîte à l’autre les étoiles sautent pieds joints,

les déshabillés couvrent les meules de foin ;

le chariot de la joie suspend aux réverbères

quelques fragments de temps, ses pantoufles de vair !

 

dis, connais-tu les secrets de la blanche Cythère ?

 

Dans les ruelles, de longs ballets d’hirondelles

accompagnent gaiement la folle ribambelle,

les visages se parent de multiples couleurs,

 les mots se transforment en délicates senteurs !

bientôt l’on ne reconnaît l’endroit que d’instinct,

convaincu d’être alors au jardin de l’Eden !

 

Quel est la part de rêve, quel est donc cet éther

qui suce l’ordinaire par le côté amer ?

 

Le chariot de la joie poursuivra son voyage

pour faire, en d’autres lieux, ouvrir bien d’autres cages !

si seulement la vie pouvait avoir conscience !

si seulement l’esprit pouvait avoir confiance !

 

dis, qu’as-tu fait de tes os, Byzance ?

Montirat qu’on croyait foutue

Il parait qu’à Montirat

« los omès son venguts fats ! »

(les hommes sont devenus fous !)

 

en un grand feu de sarments

ils ont brûlé leur «présent»,

leurs soucis, leur manque d’argent,

des pneus et des contrevents,

des roses, des œillets, du chiendent,

leur soleil et leur Cers violent,

leurs rires, leurs amusements,

la Dépêche, l’Indépendant,

les Mémoires de Chateaubriand,

leur Clovis, ses hordes de Francs,

brûlé consciencieusement

leurs prières et leur monument

aux morts de la guerre de cent ans,

l’hypocrisie, les faux-semblants,

les promesses du gouvernement

et leurs brebis et leur dieu Pan !

 

Il paraît qu’à Montirat

« los omès son venguts fats !»…

(les hommes sont devenus fous !)

 

terminés les sacrifices,

bouts de ficelle et artifices,

tué le serpent d’Eurydice,

finis les charges de police,

la cruauté, les maléfices,

brûlé pain dur et «pain d’épice»,

jetés aux sarments le calice,

et les bonnets et les pelisses,

le sein des anciennes nourrices,

les cocardes de l’armistice,

les quatre saisons, leurs solstices,

bien sur leurs saintes «bienfaitrices»,

les sueurs et les cicatrices,

mondialisation et matrice

et sur la braise d’immondices

ils ont fait cuire la saucisse !

 

puis ils ont bu comme des trous,

causé comme le font les voyous

sans retenue et sans tabou…

oui Saint Antoine de Padoue

Montirat mourait du mildiou !

à coup de fourches et de cailloux

ses braves ont arraché le clou,

fait sauter le moindre verrou…

certes,

mais Montirat demeure debout !

 

Après cette nuitée sauvage

l’ordre est revenu au village,

le mal a plié ses bagages ;

s’en est fini de l’esclavage !

Le dépossédé

Mes quatre cerisiers blanchissaient à vue d’œil,

mes mousseronnières verdissaient paisiblement,

mes souvenirs d’hiver fumaient en mes recueils

l’épicéa, le chêne et la fleur de tourment ;

 

il fallait bien encore couper un peu de bois,

nous étions un de ces beaux hivers qui s’attardent,

où l’humidité se plaît à survivre au froid !

mes champs givraient, martelés aux sabots des hardes,

 

mes prairies s’engrossaient aux granules d’azote,

sur mes toits zigzaguaient mille constellations !

je n’avais rien de Bayard ni de Don Quichotte,

point de femme ne gérait le sel en ma maison,

 

point de main délicate ne retendait les plis

des draps où mulle fée n’avait posé son cœur ;

nulle âme ne venait ronronner dans mes nuits,

nul ventre attendri ne m’offrait douce chaleur;

 

tout autour du bassin les cosmos bleuissaient,

mes poissons rouges dansaient sous les nénuphars,

jusqu’au crépuscule mes grenouilles chantaient

et flottaient de longues guirlandes de têtards;

 

mes colverts somnolaient dans les avoines folles

où le soleil pénétrait chineur et câlin;

contre le tronc d’un figuier, quelque vieille gaule

rouillait en attendant de nouveaux lendemains ;

 

certes, il restait encore quelques tuiles cassées

et l’eau de Dieu, perverse, prenait un grand plaisir

à courir sur les chevrons cintrés du grenier ;

les mulots, au blé, n’avaient plus qu’à se servir ;

 

souvent je regardais filer la corde à linge,

j’aurais aimé y voir une robe flotter,

que deux ou trois marmots viennent y faire les singes,

que dans les rideaux blancs ils viennent s’entortiller;

 

que sur les tommettes de la salle à manger

hennisse chaque soir un fier cheval de bois !

je leur aurai conté, près de la cheminée,

des histoires de princesses, de sorcières et de rois;

 

j’avais vingt brebis qui bêlaient naïvement,

un vieux poêle qui fumait et me piquait aux yeux,

je vous l’ai dit, cent poèmes gras de tourments

des milliers de fils blancs pendus à mes cheveux ;

 

de ma cuisine la vue était imprenable,

je voyais au loin les sommets des Pyrénées ;

j’avais un morceau de Bethmale sur la table,

j’étais heureux mais la solitude me pesait;

 

depuis mes vingt ans je n’ai plus connu de fille ;

je vivais de la terre et de l’air frais du temps,

je n’ai pas goûté la rose qu’on déshabille !

sans choisir, mon métier fut celui de mes parents;

 

fallait bien que quelqu’un s’occupe du troupeau,

bêche le potager et passe le tracteur !

J’ai tout donné, mes forces et la peau de mes os

et peu à peu fermé la porte de mon cœur;

 

de ma chambre, à l’hospice, en trois ultimes vers,

en vous parlant de moi je repasse ma vie ;

avant que mon esprit ne se foute en travers,

une dernière fois je prends l’air du pays;

 

aujourd’hui, je sais que l’air est vicié, là-bas;

le modernisme écrasant tout sur son passage,

l’autoroute a mangé et mes champs et mes chats,

a bu ma ferme, mon tracteur et mon potage…

 

quatre générations et tout s’est envolé !

si l’aéroport n’a pas pris le cimetière,

s’il est encore temps, je vous en prie, creusez !

couchez-moi dans un coin, mais un coin de ma terre,

 

puis brûlez mes poèmes et foutez-moi la paix !

Un mercredi néfaste

Les cyprès ne cessaient de pointer vers le ciel

un doigt long d’ironie, d’amertume et de fiel,

les fleurs courbaient la tête, les abeilles rentraient,

les loupiotes de ruches peu à peu s’éteignaient ;

 

les hérissons ne traversaient plus hors des clous,

les mulots regagnaient leurs rives et leurs trous,

les hirondelles boutonnaient leur martingale,

sous les poutres, les araignées pliaient leurs toiles ;

 

les grues sur une patte, ignoraient les poissons,

les grues sur deux pattes, cessaient leurs rotations ;

seuls les corbeaux riaient, charognards insolents

qui claquent du bec quand d’autres claquent des dents !

 

les vieilles tiraient les rideaux de leur cuisine,

sous les fagots les vieux terminaient leur chopine,

les chattes regagnaient leur panière d’osier,

dans les volières plus une perruche ne chantait !

 

à la sortie des classes, les petites fillettes

montaient d’un geste grave leurs petites socquettes

et leur instituteur, homme sage et prudent,

s’assurait qu’un cheveu ne dépasse du rang !

 

les cerceaux et les billes n’avaient plus d’ambition,

on eut dit que plus grand-chose ne tournait rond !

les chouettes ne mettaient guère de sentiment

dans la voix et livraient de tristes hululements !

 

comble du comble, en ces landes où règne le vent,

où les curés et les cornards, aux cerfs-volants

passent la matinée, tout paraissait désert ;

pas une âme qui vive, pas le moindre courant d’air !

 

le jour s’épaississait; les candélabres éteints,

les grillons assoupis et la fumée du train

qui montait dans un ciel sans ange ni soleil,

on eut cru, je le dis, à un pays pareil

 

à ces contrées fantômes qui vous glacent d’effroi !

mais je compris enfin le comment du pourquoi !

– là, nul n’aurait pu demeurer indifférent –

là, tout était en berne et c’était évident !

 

il en est ainsi, quand le peuple mécontent,

un mercredi midi, reçoit son président !

Si la réponse vous convient

Juste une vingtaine d’années

qu’il avait blanchi le plafond ;

un simple coup de badigeon,

c’est elle qui avait décidé !

 

les murs jaunis se patinaient

aux fumerolles d’arbousier ;

il fut des hommes, des contrées

que le soleil illuminait,

 

où seul comptait l’instant présent

lorsque filait du bord de l’oule,

des ergots du bouillon de poule

un trait de fumée insolent !

 

C’est au crochet qu’elle montait

les arabesques du rideau ;

elle savait les contes de Perrault

et la cire, à « l’ostal, » embaumait !

 

Qui se souvient des chaufferettes,

des édredons blancs et ventrus,

de cette huile de foie de morue

jouant le soir les trouble-fêtes,

 

 du tablier troué de nos vieilles,

des fèves qu’elles écossaient,

et des tomates qu’elles enfermaient

pour l’hiver au fond des bouteilles ?

 

qui revoit le chien affalé

en travers de quelque paillasse,

pourléchant ses rêves de chasse,

ce temps où encore il courrait ?

 

qui se souvient des escarbilles,

de la tête cuivrée des chenets

sur lesquels les frusques séchaient,

et du tricot bardé d’aiguilles ?

 

Rappelez-vous les herbes sèches

– ces tisanes accrochées au mur -,

et tournant dans ce clair-obscur

les perdrix pendues tête bêche !

 

Juste une vingtaine d’années

qu’il avait blanchi le plafond ;

et sur l’étagère le litron

pour les rares instants de récré !

 

Juste une vingtaine d’années

que j’étais né dans la maison,

que ces fragrances, à l’unisson,

étaient ma seule vérité !

 

et quand de la forge montait

l’odeur du sabot que l’on ferre,

et les injures de la porchère

que quelque bougre taquinait ?

 

Lorsqu’on me demande d’où viennent

mes rimes et pour quelles raisons,

je souris, jamais ne réponds

car j’aurais vraiment trop de peine ;

 

dans cet univers mirliton

je ne pense pas qu’ils comprennent

qu’entre jeunesse et cimetière

à Labastide je me promène

toujours pour les mêmes raisons !

 

toujours pour les mêmes raisons

comme dirait l’autre couillon !

Nouvelles envies

Peu importe l’histoire,

qui donc il faudra croire

du sage ou du vieux loup…

 

peu importe l’histoire,

qui donc il faudra croire,

le chêne, ou l’amadou ?

 

de pierres et de planches,

les ruines sous les branches

fuient le vent des querelles…

 

de pierres et de planches

les ruines renaissent pervenches

ou mères maquerelles ;

 

les vapeurs libertines,

là-haut, sur la colline,

dansent main dans la main…

 

les vapeurs libertines,

là-haut, sur la colline,

apprivoisent les chemins ;

 

il n’y aura plus de guerre,

là-haut, sur cette terre,

la nature l’a compris…

 

il n’y aura plus de guerre,

là-haut, sur cette terre,

les iris ont bleui ;

 

le soir, enfin, prépare

ses dernières guitares

pour la fête étoilée…

 

le soir, enfin, prépare

ses dernières guitares

nous allons nous aimer !

 

les thyms, les romarins

iront jusqu’au matin

en une farandole…

 

les thyms, les romarins,

iront jusqu’au matin,

un peu comme un symbole ;

 

l’hérétique n’est plus,

le français disparu,

la garrigue est bien sage…

 

l’hérétique n’est plus,

l’histoire a disparu

au fond de ton corsage ;

 

au pied de la murette,

pour moi ton corps sécrète

le suc de tes vingt ans…

 

au pied de la murette,

pour toi mon âme sécrète

quelque désir ardent ;

 

il n’est chose plus douce,

que sur un lit de mousse

on ne batifole un brin…

 

il n’est chose plus douce,

que sur un lit de mousse

on refasse demain

 

moins con, plus sain !

Extrait de « José à sa famille »

          Alors, lorsque le besoin de convoler avec les cieux revenait, récurent, je prenais de l’altitude et je hélais toute la clique des divinités depuis les ruines du château de Miramont, sur la montagne d’Alaric.

  Là, je le relate dans l’un de mes poèmes « L’homme nu », j’avais l’impression d’être au balcon de l’Olympe, un peu comme si j’étais déjà chez moi au ciel et nous bavardions entre potes.

  Mais ce qui me réjouissait le plus, est qu’à cet endroit, l’altitude parfaite permet à la fois de prendre un peu de hauteur par rapport au monde matériel, en contrebas, dans la plaine, et permet aussi d’en distinguer les infimes détails ; ce qui est particulièrement propice à la réflexion comme à la méditation !

  L’homme était là, petit comme une fourmi. J’étais enfin sorti de la fourmilière, j’avais enfin pris de la hauteur par rapport à mes semblables et je pouvais les regarder évoluer dans la sottise, l’ignorance et la contradiction !

  Quelques années de plus étaient passées ; ma barbe commençait à blanchir.

  Bien des fois, sur la montagne, aux “bénitiers “ d’Alaric, des rochers calcaires sculptés par l’érosion en forme de bénitiers, étant arrivé avec des doutes je repartais avec des certitudes ; des illusions, assurément, mais ainsi doit être le cheminement !

  Je ne savais ni quand ni où, mais j’avais en tout cas la certitude qu’ici je trouverais le chemin de ma plénitude ; le chemin par lequel mon esprit et mon âme seraient enfin libérés !

 C’est ainsi qu’un jour d’été je sentis une présence, un bruit de feuillage par une journée sans vent, et puis une voix féminine, celle de Mnémosyne qui me présentait ses neuf filles. Dans les semaines qui suivirent je fus tour à tour ami de Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Erato, Polymnie, Uranie et Calliope.

  Ne connaîssant de la rime que quelques tirades des plus classiques, sans savoir ni comment ni pourquoi, embrassant désormais les Muses dans le cou je me mis à écrire un texte poétique, puis un autre, encore un autre et encore beaucoup d’autres… j’avais trouvé le chemin qui libère l’esprit ; mon âme devait encore demeurer prisonnière quelques années.